La suspension d’une partie de la refonte de l’assurance-chômage ce mardi par le Conseil d’Etat est une victoire pour les syndicats et un camouflet pour le gouvernement, qui voulait en faire le symbole de la poursuite de sa politique réformatrice. Mais elle ne signe pas la fin du feuilleton qui va durer jusqu’à la fin du quinquennat. Il faudra en effet encore attendre que les juges administratifs se prononcent au fond.
Pour autant, la motivation de l’ordonnance de référé mérite qu’on s’y arrête. Elle s’appuie en effet sur un argument plus économique que juridique, qui la conduit à pointer une asymétrie des efforts demandés aux salariés et aux employeurs multipliant les contrats courts.
« Une clause de retour à meilleure fortune »
Du côté des employeurs, le Conseil d’Etat note que le bonus malus qui vise à modérer l’attrait de ces derniers pour le travail ultra-flexible ne deviendra effectif « qu’au 1er septembre 2022 » et ne s’appliquera que deux mois, « jusqu’au 31 octobre 2022 », date de fin de l’actuel règlement de l’assurance-chômage.
A contrario, il est prévu que le volet de la réforme qui va affecter dès à présent « de manière significative les demandeurs d’emploi au parcours d’emploi fractionné » qui « sont rarement en capacité de négocier leurs conditions de recrutement » entre en vigueur dès le 1er juillet, alors que le marché du travail est « dégradé ».D’autant que cette situation a conduit l’Etat à différer d’autres décisions concernant les chômeurs : l’augmentation du nombre de mois travaillés pour être indemnisé, notamment, n’entrera en vigueur que lorsque sera remplie « une clause de retour à meilleure fortune » concernant l’emploi.
Pas de rupture d’égalité à ce stade
« L’objectif consistant à inciter les salariés et les demandeurs d’emploi à privilégier les emplois durables en rendant moins favorable l’indemnisation d’assurance-chômage, il ne résulte pas de l’instruction d’éléments suffisants permettant de considérer que les conditions du marché du travail sont à ce jour réunies pour atteindre l’objectif d’intérêt général poursuivi », affirme l’ordonnance de référé, qui s’appuie uniquement sur cet élément de conjoncture pour suspendre la réforme.
C’est une surprise, car jusqu’à présent, la polémique s’est focalisée sur les ruptures d’égalité entre chômeurs et c’est sur ce point que les syndicats attaquaient. Le gouvernement a allumé la mèche, en justifiant sa réforme en 2018 et encore aujourd’hui par le fait que, dans le système actuel, un salarié ayant accumulé les contrats courts était mieux indemnisé qu’un autre à temps partiel. C’est là-dessus qu’il a fondé l’intégration des jours non travaillés dans le calcul de l’allocation chômage via une réforme du salaire journalier de référence (SJR).
Le gouvernement veut vite revenir à la charge
expliquant chercher « les voies pour rassurer » le Conseil d’Etat sur la reprise.