Par Muriel Fiez
Publié le 28 Déc 22 à 15:53
Les Infos du Pays de Ploërmel
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Brigitte Sent juste au début de la conférence hommage à Yves Coppens, feu son maître et collaborateur. (©Muriel Fiez/Infos Pays de Ploërmel)Le vannetais décédé le 22 juin dernier était passionné de préhistoire et d’archéologie. Dès son plus jeune âge, il va en culotte courte arpenter les alignements de mégalithes, le site de Carnac est son terrain de jeu favori.Entre fouilles et prospections, sa terre natale lui sert de laboratoire où il fourbira tous les outils de sa carrière exceptionnelle. Le parrain du collège Maltrais n’est plus. Mais sa mémoire reste vivante, grâce à celles et ceux qui l’ont côtoyé. Brigitte Senut, naturaliste, géologue, devenue paléontologue lui a rendu hommage par plusieurs conférences, au sein de l’établissement scolaire dans la journée de mardi dernier et le soir à la salle des fêtes où elle répondait à l’invitation du comité “Yves Coppens” pour animer les sujets sur les recherches du paléontologue “les origines de l’homme en Afrique”.
« Ça vous intéresse ? »
Le collège de Malestroit porte son nom depuis 1993. L’an prochain « ce sera le 30e anniversaire du baptême » date le principal. Les élèves qui fréquentent l’établissement en sont fiers. Brigitte Senut hâte le pas. Elle arrive en retard. Jimmy Couret le principal est allé la cueillir à la gare. « À Paris à cause de la grève, j’ai dû prendre un autre train » souffle la femme de science récompensée du prix Irène Joliot Curie en 2008. Si elle connaît Yves Coppens ? Bien sûr ! « En 1975 alors étudiante, j’assistais à une conférence sur l’évolution des espèces humaines. Il nous parlait du cerveau, de la découverte de Lucy. J’ai posé cette question “ils n’avaient pas de squelette ces gens-là ?” Il m’a répondu : “Ça vous intéresse, alors venez me voir”. Voilà comment Yves Coppens est devenu mon directeur de thèse. » S’en suivront 47 années d’étroite collaboration.
Un premier souvenir
Elle mange vite le plat servi sur le plateau, à l’arrière du restaurant scolaire, une cuisse de poulet avec « des nouilles ! Je suis ravie, voilà longtemps que j’en avais mangé. Mon mari est allergique au gluten… » Désarmante, sa simplicité la fait rayonner. Elle livre un premier souvenir « Je préparais donc ma thèse sous sa direction et voilà qu’il m’invite au congrès Panafricain de préhistoire où il m’avait inscrite, à Nairobi en Afrique ! Pour moi c’était la première fois l’avion, ce continent… Il m’accueille et me dit : “Ah c’est bien”. C’était formidable ! » L’enthousiasme de ses traits sont ceux de la première heure. Intactes. Du haut de ses 68 ans, Brigitte conserve son âme de découvreuse. Son appétit de connaissance.
« Garder l’esprit ouvert »
Lors de la conférence proposée aux Malestroyens, Brigitte Senut à la salle des fêtes de la commune, devant une petite centaine de personnes. (©Muriel Fiez/Infos Pays de Ploërmel)La science. Cette matière n’attire pas beaucoup les filles à l’école. Pourtant Brigitte Senut en a fait son plat de résistance. « Il faut en science, avoir l’esprit ouvert, l’esprit critique. Il faut écouter les autres et se donner les moyens d’aboutir. Les femmes peuvent elles aussi. Elles peuvent comme les autres (les hommes). » Elle replace ses lunettes, se sert un verre d’eau. Elle déglutit « quand une femme a du caractère, on la qualifie de “chieuse”, quand c’est un homme on dit “c’est bien”. La science, il ne faut pas en avoir peur, car c’est l’accès à la connaissance et donc à la liberté. Je me suis impliquée. Je n’ai jamais accepté que l’on décide pour moi dans ma vie. Il faut une certaine force de caractère ». Si pour cette scientifique la paléontologie fut d’abord un « loisir, j’en ai finalement fait mon métier ».
« Il portait l’élégancede la connaissance »
L’ancienne collaboratrice, l’ancienne élève raconte encore « il avait toujours du temps pour les étudiants. Il était élégant dans la science comme dans la vie. Complètement nature, il aimait fondamentalement les gens. Chaque fois, il était là. Il se posait pour écouter et il a été là pour moi, dans tous les moments de ma vie, les plus agréables comme les plus difficiles ».Elle prend un temps de respiration, émue. « Ça a été violent d’apprendre son décès. J’étais à mon ordinateur, en train d’écrire un mail. J’appréciais son côté anticonformiste. Il portait l’élégance de la connaissance au sens le plus large, le plus noble du terme. »Dans la cour, les élèves attendent le feu vert pour prendre place dans le réfectoire transformé en salle de conférence. Jimmy Couret la précède. « C’est une vraie fierté de la recevoir. J’ai la conviction que les belles rencontres vont faire naître des vocations et c’est tellement important pour les enfants. Cette femme a porté haut les valeurs de la connaissance. J’espère que les élèves vont comprendre que la liberté de penser est fondamentale ». Brigitte pique sa fourchette dans l’assiette vide « la science s’échange, ce n’est pas une religion ! »Cet article vous a été utile ? Sachez que vous pouvez suivre Les Infos du Pays de Ploërmel dans l’espace Mon Actu . En un clic, après inscription, vous y retrouverez toute l’actualité de vos villes et marques favorites.