Achat des locaux de TéléGrenoble par ses deux principaux actionnaires : cet apport de fonds publics qui pose question


ENQUÊTE – Dans son rapport de 2021 relatif à la gestion de la Métropole de Grenoble, la Chambre régionale des comptes pointe l’absence de contrôle sur la subvention allouée à TéléGrenoble. La Métropole a en effet versé à la télévision locale plus de 2 millions d’euros de 2014 à 2019, et la finance à hauteur de 325 000 euros par an sur la période 2021 – 2024. Une somme qui s’ajoute aux nombreuses aides publiques perçues par la chaîne. Et qui ont indirectement permis à ses deux principaux actionnaires d’acquérir des nouveaux locaux, via une société immobilière créée ex nihilo. Avec, à la clé, un joli patrimoine foncier.

Le sujet avait fait irrup­tion lors du conseil métro­po­li­tain du 24 sep­tembre 2021. À l’ordre du jour, un gros mor­ceau : le rap­port de la Chambre régio­nale des comptes (CRC), daté du 4 juin 2021, sur la ges­tion de la Métropole de Grenoble lors des exer­cices 2014 et sui­vants. Parmi les nom­breux thèmes abor­dés, figu­rait celui des sub­ven­tions ver­sées par la Métro. Si pour la CRC, « Grenoble-Alpes Métropole res­pecte glo­ba­le­ment les pro­cé­dures en matière de ver­se­ment de sub­ven­tions », trois dos­siers ont retenu son atten­tion, dont celui de TéléGrenoble.
Régie Télégrenoble © Télégrenoble

Plus de 2 millions d’euros versés entre 2014 et 2019 « sans aucun contrôle »

La télé­vi­sion locale per­çoit en effet chaque année une aide impor­tante de la Métropole, éva­luée à envi­ron 325 000 euros en 2021. Mais c’est sur la pré­cé­dente conven­tion d’ob­jec­tifs et de moyens, attri­buant à TéléGrenoble une dota­tion annuelle « s’é­le­vant à 375 480 euros pour 2018, 2019 et 2020″, que se sont pen­chés les magis­trats financiers.
Le JT de TéléGrenoble. © TéléGrenoble (cap­ture d’écran)
Ceux-ci ne contestent pas spé­ci­fi­que­ment le mon­tant de la sub­ven­tion ni son objet. Cependant, ils rap­pellent que « le contrôle effec­tif sur le finan­ce­ment public est une des condi­tions essen­tielles de la déro­ga­tion accor­dée » pour le dépas­se­ment des seuils de mini­mis. À savoir, le pla­fond d’aide aux entre­prises, fixé à 200 000 euros sur trois ans.
Or, relève le rap­port, « les bilans et rap­ports d’instruction du dos­sier de sub­ven­tion sont très pauvres, voire inexis­tants ». « Durant la période 2014 – 2019, plus de 2 mil­lions d’eu­ros ont ainsi été ver­sés à la SAS TéléGrenoble, sans aucun contrôle de l’EPCI sur le coût du ser­vice ou d’évaluation de son impact », déplore la CRC.

Un bilan annuel prévu dans la nouvelle convention avec TéléGrenoble

Comment la Métropole réagit-elle à ces cri­tiques, notam­ment s’a­gis­sant du manque de contrôle pointé par le rap­port ? Concrètement, « un bilan annuel sera effec­tué pour véri­fier que la conven­tion soit bien res­pec­tée », explique Raphaël Guerrero, vice-pré­sident en charge des finances et de l’é­va­lua­tion des poli­tiques publiques. Une for­mu­la­tion assez floue qui tend à confir­mer indi­rec­te­ment l’ab­sence d’é­va­lua­tion sur la période révolue.
Le vice-pré­sident insiste ainsi sur la nou­velle conven­tion d’ob­jec­tifs et de moyens 2021 – 2024 conclue avec TéléGrenoble, et votée en conseil métro­po­li­tain le 21 mai 2021.

Raphaël Guerrero, 2e vice-pré­sident en charge des finances et du bud­get à la Métro. © Ludovic Chataing – pla​ce​gre​net​.fr
« Nous avons retra­vaillé notre par­ti­ci­pa­tion finan­cière, pas­sée de 375 000 à 325 000 euros par an [pour 2021 et, en prin­cipe, les années 2022 et 2023, ndlr], soit une baisse de 50 000 euros », sou­ligne-t-il. D’autre part, ajoute Raphaël Guerrero, le nou­vel accord « tient compte des obser­va­tions de la CRC » et « fixe des objec­tifs plus pré­cis », par exemple « sur la mise en valeur des actions orga­ni­sées sur le ter­ri­toire métro­po­li­tain ou le tra­vail en lien avec le déve­lop­pe­ment durable ».

« Toute notre production est visible et exposée à tous »

Qu’en dit Thibault Leduc, prin­ci­pal déten­teur du capi­tal de la chaîne avec le pré­sident Gérard Balthazard depuis son rachat en 2010 au Groupe Hersant Media ? Si « la Métropole n’a pas jugé utile de pro­duire un rap­port très détaillé », c’est en rai­son de la « confiance mutuelle » régnant entre les deux acteurs.
Thibault Leduc, rédac­teur en chef de la chaîne, et ses invi­tés sur le pla­teau de TéléGrenoble. © TéléGrenoble (cap­ture d’écran)
Thibault Leduc joue en outre la carte de la trans­pa­rence. « On répond à un cahier des charges public et ni les chiffres ni les contre­par­ties ne sont secrets », affirme-t-il. « Toute notre pro­duc­tion est visible et expo­sée à tous », ajoute-t-il, exemple à l’ap­pui : « On pro­duit une émis­sion qui s’ap­pelle Métropole Hebdo. Il y a une qua­ran­taine d’é­mis­sions par an, qui sont toutes en ligne sur notre site et on peut remon­ter faci­le­ment jus­qu’à la pre­mière [datée du 14 décembre 2012, ndlr]. »

« On n’a aucun pro­blème là-des­sus et on n’a pas l’im­pres­sion d’en abuser »

Concernant le mon­tant de la sub­ven­tion ? Thibault Leduc reste droit dans ses bottes. « On fait le job depuis dix ans. On n’a aucun pro­blème là-des­sus et on n’a pas l’im­pres­sion d’en abu­ser », estime-t-il. Il l’ad­met néan­moins, « cela reste un mon­tant impor­tant ». Mais pour lui, « tout dépend de com­ment on l’ap­pré­hende : 2 mil­lions d’eu­ros sur six ans ou 5 cen­times par mois par habi­tant pour per­mettre à une chaîne locale gra­tuite d’être dif­fu­sée sur la TNT ? » Un cal­cul cor­rect (à un cen­time près) mais qui passe sous silence les autres finan­ce­ments publics per­çus par TéléGrenoble. Car la Métropole n’est pas la seule entité publique à sor­tir le chéquier.

Autour de 700 000 euros par an d’argent public

La Ville de Grenoble a ainsi renou­velé sa propre conven­tion d’ob­jec­tifs et de moyens avec la chaîne. Adoptée à l’u­na­ni­mité en conseil muni­ci­pal le 14 juin 2021, la déli­bé­ra­tion alloue à TéléGrenoble la somme annuelle de 99 000 euros, et ce durant trois ans.
Autre sou­tien finan­cier de poids, la Région Auvergne Rhône-Alpes verse une sub­ven­tion annuelle de 128 000 euros. Une aide de fonc­tion­ne­ment à laquelle vient s’a­jou­ter une impor­tante aide à l’in­ves­tis­se­ment. Récemment revue à la hausse, cette der­nière atteint désor­mais un mon­tant glo­bal de 290 000 euros sur cinq ans. Soit 58 000 euros par an.
La Région verse à TéléGrenoble une sub­ven­tion annuelle de 128 000 euros et une aide à l’in­ves­tis­se­ment de 290 000 euros sur cinq ans. DR
En addi­tion­nant les sommes ver­sées par la Métropole, la Ville de Grenoble, la Région (en fonc­tion­ne­ment), et celles, moins impor­tantes, du Département (30 000 euros par an), de l’État (5 000 euros) ou des villes de Fontaine (35 000 euros) et Voiron (mon­tant non com­mu­ni­qué), on atteint un total avoi­si­nant les 700 000 euros d’argent public. Pour un chiffre d’af­faires annuel oscil­lant entre 1,4 et 1,5 mil­lion d’eu­ros, selon les der­niers chiffres connus.

Communication institutionnelle ou journalisme ?

Les fina­li­tés de ces finan­ce­ments publics peuvent en outre ques­tion­ner. Parmi les objec­tifs assi­gnés à TéléGrenoble dans ses dif­fé­rentes conven­tions conclues avec les col­lec­ti­vi­tés ou EPCI, on trouve ainsi : « confor­ter l’identité de Grenoble », « mettre en valeur les ini­tia­tives et les actions », ou encore « déve­lop­per les par­te­na­riats et le sou­tien aux mani­fes­ta­tions ».
Autant de mis­sions qui relèvent davan­tage de la com­mu­ni­ca­tion ins­ti­tu­tion­nelle que du jour­na­lisme. Difficile en effet d’i­ma­gi­ner la chaîne tirer à bou­lets rouges ou même émettre des cri­tiques sur des finan­ceurs publics assu­rant de facto sa péren­nité. Quand bien même du côté de la rédac­tion, on assure ne rece­voir « aucune pres­sion des poli­tiques ».

Deux journalistes élus conseillers départementaux sur la liste de Jean-Pierre Barbier

Du reste, cer­tains n’hé­sitent pas à pra­ti­quer le mélange des genres au sein de la chaîne. Deux sala­riés de TéléGrenoble étaient en effet can­di­dats aux élec­tions dépar­te­men­tales de juin 2021 sur la liste du pré­sident sor­tant Jean-Pierre Barbier (Les Républicains) : le jour­na­liste Christophe Revil, déjà maire de Claix, et Nathalie Faure, chef d’é­di­tion de l’é­mis­sion Esprit Montagne, par ailleurs com­pagne à la ville du pré­sident Gérard Balthazard.
Christophe Revil, jour­na­liste à TéléGrenoble, maire de Claix et conseiller dépar­te­men­tal. © Capture d’écran
Or, Christophe Revil et Nathalie Faure ont tous deux été élus conseillers dépar­te­men­taux, la seconde deve­nant même vice-pré­si­dente délé­guée à la mon­tagne. Des condi­tions pro­pices pour de poten­tiels conflits d’in­té­rêts ? Pas de quoi désta­bi­li­ser Thibault Leduc en tout cas. « Ça ne nous pose pas de pro­blème, mais je conçois que ça puisse inter­ro­ger à l’ex­té­rieur », répond-il.

« On n’a vu aucun changement dans la façon de travailler de Christophe Revil »

L’actionnaire de la chaîne défend dans un même élan TéléGrenoble et son sala­rié Christophe Revil. « On l’a sorti de la poli­tique [il n’of­fi­cie plus désor­mais qu’en tant que jour­na­liste éco­no­mique, aux manettes de l’é­mis­sion Class’affaires, ndlr] pour que ce ne soit plus ambigu », explique-t-il. « En tout cas, il tra­vaille chez nous depuis quinze ans et on n’a vu aucun chan­ge­ment dans sa façon de tra­vailler. »
Comment Thibault Leduc jus­ti­fie-t-il le main­tien à l’an­tenne du maire de Claix et conseiller dépar­te­men­tal ? « On reproche tou­jours aux élus de ne pas tra­vailler à côté mais Christophe Revil, lui, a besoin d’a­voir son métier », avance-t-il. « Ou alors il fau­drait ins­crire dans la loi qu’un jour­na­liste ne puisse pas être élu et donc que son indem­nité de maire soit aug­men­tée pour lui per­mettre de vivre décem­ment », pour­suit le rédac­teur en chef avec iro­nie. « Mais pas sûr que ça enchan­te­rait les habi­tants de Claix ! »

« Si Nathalie Faure continue avec nous en 2022, ce sera en tant que collaboratrice extérieure »

La situa­tion de Nathalie Faure est, elle, dif­fé­rente, selon Thibault Leduc. Si cette der­nière n’est « pas à l’an­tenne », sa cas­quette de vice-pré­si­dente au Département est de nature à sus­ci­ter l’am­bi­guïté. « On a conscience qu’on doit cla­ri­fier son posi­tion­ne­ment et on est d’ailleurs en train de régler ce cas aty­pique », affirme le rédac­teur en chef. « Si elle devait conti­nuer avec nous en 2022, ce serait en tant que col­la­bo­ra­trice exté­rieure. »
Nathalie Faure, conseillère dépar­te­men­tale et vice-pré­si­dente du Département délé­guée à la mon­tagne, est éga­le­ment (pour l’heure) jour­na­liste à TéléGrenoble. © Ilan Khalifa-Delclos | Place Gre’net
Sur tous ces sujets, Thibault Leduc sou­tient à chaque fois que TéléGrenoble est « dans les clous ». De fait, les choix pré­ci­tés ont beau inter­ro­ger sur le plan déon­to­lo­gique, ils n’en sont pas pour autant illégaux.

La SAS Immo TéléGrenoble a acquis les nouveaux locaux de la chaîne

Autre source d’in­ter­ro­ga­tions : les inves­tis­se­ments immo­bi­liers des action­naires de la chaîne. Tout remonte à décembre 2014, lorsque Gérard Balthazard et Thibault Leduc créent la SAS Immo TéléGrenoble. Soit un peu plus de quatre ans après avoir racheté TéléGrenoble au groupe Hersant Média.
Les deux hommes deviennent alors action­naires majo­ri­taires de la nou­velle société (déte­nant 40 % cha­cun), spé­cia­li­sée dans la loca­tion de ter­rains et biens immo­bi­liers. Celle-ci compte éga­le­ment deux autres action­naires : Nelly Patricelli, alors direc­trice mar­ke­ting et déve­lop­pe­ment de la chaîne (par­tie en 2017), et la SAS TéléGrenoble pré­si­dée par… Gérard Balthazard.

La SAS Immo TéléGrenoble acquiert à l’é­poque les nou­veaux locaux héber­geant la chaîne, au 5 rue Eugène-Faure. À l’été 2015, TéléGrenoble quitte ainsi ses anciens bureaux de la zone d’ac­ti­vité Technisud pour s’ins­tal­ler au troi­sième étage du Palladium, immeuble flam­bant neuf construit par le pro­mo­teur Safilaf.

Un crédit financé en partie par l’argent public via le paiement des loyers

La chaîne dis­pose ainsi de 320 m² d’es­pace et d’un pla­teau de 60 m². Coût de l’in­ves­tis­se­ment (qui englobe le renou­vel­le­ment de maté­riel) : « 1,3 mil­lion d’eu­ros, finan­cés en grande par­tie par un prêt ban­caire », indi­quait Gérard Balthazard dans une inter­view à L’Essor, en décembre 2014.
La SAS Immo TéléGrenoble a acheté les locaux abri­tant depuis 2015 le siège de la chaîne, au 5 rue Eugène-Faure. © Chloé Ponset – Place Gre’net
« On a emprunté de l’argent pour ache­ter les locaux et on paye un loyer à la société », confirme Thibault Leduc. Les deux « on » dési­gnent en fait ici deux socié­tés dis­tinctes. Chaque mois, la SAS TéléGrenoble verse ainsi un loyer – éva­lué à « envi­ron 50 000 euros par an » par Thibault Leduc – à la SAS Immo TéléGrenoble.
La société immo­bi­lière peut donc rem­bour­ser un cré­dit financé en par­tie – via le paie­ment des loyers – par l’argent public perçu des col­lec­ti­vi­tés ou EPCI. Des finan­ce­ments dont le but est pour­tant d’ai­der au fonc­tion­ne­ment d’une télé­vi­sion locale, pas d’en­ri­chir des action­naires en leur per­met­tant de se consti­tuer un joli patri­moine foncier.

Le foncier permet de « ne pas être totalement dépendant d’une fréquence »

Malgré tout, Thibault Leduc assume l’o­pé­ra­tion. « Sans le fon­cier, on serait fra­giles car la fré­quence qu’on exploite est remise en jeu tous les cinq ans », jus­ti­fie-t-il. « Si un jour, on perd la fré­quence car le CSA [Conseil supé­rieur de l’au­dio­vi­suel, ndlr] décide de l’at­tri­buer par exemple à BFM ou à quel­qu’un d’autre, la boîte dis­pa­raît et on se retrouve comme des cons (sic). On ne pou­vait pas ne pas pré­voir cette éven­tua­lité. »
Le fon­cier per­met­trait ainsi, selon lui, de « ne pas être tota­le­ment dépen­dants d’une fré­quence ». « Pour valo­ri­ser la chaîne, on a acheté des locaux », pour­suit-il. « Ça fait au moins une base de départ pour avoir une autre struc­ture en capa­cité de conti­nuer, afin que le pro­jet puisse per­du­rer. » Un rai­son­ne­ment sur­pre­nant sachant que la SAS TéléGrenoble ne détient que 10 %. des parts de la SAS ImmoTéléGrenoble pos­sé­dant ces locaux.

Le CSA a renouvelé la fréquence de TéléGrenoble jusqu’en 2025

Avec cette thèse d’une chaîne vivant avec l’é­pée de Damoclès du CSA au-des­sus de la tête, Thibault Leduc fait ici réfé­rence au rôle du gen­darme de l’au­dio­vi­suel, qui délivre son pré­cieux sésame tous les cinq ans.
En 2020, le CSA a renou­velé la fré­quence de TéléGrenoble, l’au­to­ri­sant à émettre jus­qu’en 2025. © DR
Le CSA a pour­tant renou­velé sans trop rechi­gner sa fré­quence en 2020, l’au­to­ri­sant à émettre jus­qu’en 2025. Une pro­cé­dure qui avait tout d’une for­ma­lité, la télé­vi­sion locale étant la seule can­di­date sur les rangs. « C’est vrai qu’on n’a pas eu vent d’une concur­rence pour l’ins­tant », recon­naît d’ailleurs le rédac­teur en chef.

Une façon de « valoriser les collaborateurs de TéléGrenoble » ?

Pour ce der­nier, l’a­chat des locaux pré­sen­tait un autre avan­tage. « Ça nous per­met de valo­ri­ser nos col­la­bo­ra­teurs », explique-t-il, évo­quant le cas de Nelly Patricelli, déten­trice de 10 % des actions de la SAS Immo TéléGrenoble. Un cas unique, aucun autre sala­rié n’é­tant dans le capi­tal. « On a des petits salaires à TéléGrenoble, donc pour gar­der des gens comme elle avec des com­pé­tences, il fal­lait les impli­quer dans le pro­jet. »
L’offre n’aura pour­tant pas per­mis de gar­der Nelly Patricelli, qui a quitté son poste de direc­trice mar­ke­ting et déve­lop­pe­ment en 2017, après dix ans pas­sés au sein de la chaîne, pour deve­nir res­pon­sable d’ex­ploi­ta­tion chez DZ Développement / Intersport à Tignes et Val-d’Isère.
Certes, l’in­té­res­se­ment des sala­riés aux béné­fices d’une société est une pra­tique très cou­rante. Ce qui l’est moins, en revanche, c’est de leur pro­po­ser des parts d’une société immo­bi­lière, dont une forte pro­por­tion des recettes pro­vient indi­rec­te­ment de deniers publics.

« Si notre moteur était l’argent, on n’aurait pas perduré dans cette télévision »

Une chose est sûre, Gérard Balthazard et Thibault Leduc sont à la fois action­naires majo­ri­taires de la SAS TéléGrenoble et de la SAS Immo TéléGrenoble. Et dis­posent désor­mais d’un impor­tant patri­moine fon­cier avec ces locaux pro­fes­sion­nels neufs situés au centre de Grenoble.
Une situa­tion qui ne fait pas rou­gir Thibault Leduc. « Si notre moteur était l’argent, on n’au­rait pas per­duré dans cette télé­vi­sion », avance-t-il. « À mon âge, avec mon tra­vail et mon expé­rience, je pour­rais faci­le­ment gagner beau­coup plus ailleurs ! »

TÉLÉGRENOBLE, UNE CHAÎNE BÉNÉFICIANT DES FAVEURS DU CHU
En cas d’hos­pi­ta­li­sa­tion, la télé­vi­sion est, avec les visites et la lec­ture, l’une des rares dis­trac­tions pos­sibles. Mais au CHU de Grenoble, les patients ne sou­hai­tant pas sor­tir la carte ban­caire ne risquent pas d’u­ser les piles de la télé­com­mande. Ceux-ci n’ont en effet accès gra­tui­te­ment qu’à deux chaînes : Gulli et TéléGrenoble.
TéléGrenoble est, avec Gulli, l’une des deux seules chaînes acces­sibles gra­tui­te­ment pour les patients du CHU de Grenoble. © Place Gre’net
Rien d’a­nor­mal selon Cyril Gérodolle, direc­teur adjoint chargé de la clien­tèle au CHU Grenoble-Alpes (Chuga), qui pré­cise que « l’ac­cès à la télé­vi­sion est un ser­vice payant, comme dans la quasi-tota­lité des éta­blis­se­ments de santé ».
Un ser­vice, du reste, rela­ti­ve­ment oné­reux mal­gré des tarifs dégres­sifs (sachant qu’il est dif­fi­cile de pré­voir sa durée d’hos­pi­ta­li­sa­tion) : 4,50 euros la jour­née, 27 euros les sept jours, 54 euros les quinze jours et 94,50 euros les vingt-huit jours. « Les recettes engen­drées par­ti­cipent notam­ment aux frais de fonc­tion­ne­ment et de renou­vel­le­ment du parc de télé­vi­seurs », jus­ti­fie le direc­teur adjoint.
« Aucun accord n’a été conclu » selon le CHU et TéléGrenoble
Néanmoins, pour four­nir « une offre mini­male au patient avant même qu’il puisse sous­crire à l’offre TV de l’é­ta­blis­se­ment, il a été décidé d’ou­vrir l’ac­cès à deux chaînes, une des­ti­née aux enfants (Gulli) et une autre à conno­ta­tion locale (TéléGrenoble) », indique-t-il.
Une belle source d’au­dience pour TéléGrenoble, donc. Ce pri­vi­lège a‑t-il été négo­cié entre direc­tions res­pec­tives ? Non, selon Cyril Gérodolle qui l’as­sure : « aucun accord ou conven­tion n’a été conclu entre le Chuga et ces deux chaînes ». Même son de cloche du côté de TéléGrenoble : « On n’a pas d’ac­cord par­ti­cu­lier », confirme Thibault Leduc. « C’est comme ça depuis des années et on l’a décou­vert par hasard à l’époque. »
Le Centre hos­pi­ta­lier uni­ver­si­taire Grenoble Alpes. © Tim Buisson – Place Gre’net
Le rédac­teur en chef trouve cepen­dant « judi­cieux le choix de l’hô­pi­tal, avec deux chaînes TNT qui sont seules sur leur cré­neau ». « Infos locales et des­sins ani­més, c’est une bonne base », estime-t-il. Avant de lan­cer en plai­san­tant : « On est peut-être une sorte de pro­duit d’ap­pel pour que les gens se las­sant de regar­der TéléGrenoble finissent par ache­ter le pack complet. »
Une réflexion interne en cours pour une autre chaîne locale
Pourquoi tou­te­fois pro­po­ser gra­tui­te­ment deux chaînes pri­vées, alors que les chaînes publiques (celles de France Télévisions ou encore Arte) sont payantes ? Pour Cyril Gérodolle, « l’ou­ver­ture de la gra­tuité à toutes les chaînes du ser­vice public dés­équi­li­bre­rait le modèle éco­no­mique pré­cité et n’est pas envisagée ».
Toutefois, les patients pour­raient avoir bien­tôt droit à une troi­sième chaîne gra­tuite. « Une réflexion interne est en cours afin d’of­frir pro­chai­ne­ment l’ac­cès à une autre chaîne locale », confirme ainsi le direc­teur adjoint du CHU. S’agit-il de France 3 Alpes ? Nous n’en sau­rons pas plus. Affaire à suivre…

Gérard Balthazard et Thibault Leduc, action­naires majo­ri­taires de TéléGrenoble et d’Immo TéléGrenoble
Actionnaires majo­ri­taires de TéléGrenoble, le direc­teur géné­ral de la chaîne Gérard Balthazard et le rédac­teur en chef Thibault Leduc détiennent cha­cun 44,25 % des parts, le reste se répar­tis­sant entre une dou­zaine de socié­tés et chefs d’en­tre­prises isérois.

Quant à la SAS Immo TéléGrenoble, celle-ci com­porte quatre action­naires : Gérard Balthazard et Thibault Leduc (40 % cha­cun), l’an­cienne direc­trice mar­ke­ting de la chaîne Nelly Patricelli (10 %) et enfin la société TéléGrenoble (10 %) déte­nue majo­ri­tai­re­ment par Gérard Balthazard et Thibault Leduc.