Face à la sécheresse, innover pour transformer notre agriculture


Éthiopie et Kenya les réserves s’épuisent vite, accentuant la crise de l’eau. Ainsi, la Californie, paradoxalement une des principales régions rizicoles des États-Unis en conditions extrêmement arides, est en situation de sécheresse depuis les 15 dernières années ; au Maroc, la crise de l’eau risque de rendre l’agriculture tout simplement impossible dans un avenir proche comme le montre le cas d’Agadir.Le manque d’eau est devenu une des contraintes majeures de la production alimentaire au XXIe siècle, alors même qu’il nous faut augmenter la production agricole jusqu’à 70 % dans les 20-30 prochaines années, notamment sur le continent africain. Le secteur agricole, premier usager des ressources en eau puisqu’il en consomme 70 à 80 %, doit donc augmenter radicalement son efficacité d’utilisation en eau face à l’épuisement des ressources en eau et la demande des autres secteurs, elle aussi de plus en plus pressante – eau domestique/urbanisation, industrialisation, tourisme et équilibres des écosystèmes.Produire davantage avec moins d’eau est dans ce contexte devenu un défi interdisciplinaire. Comment intensifier la production végétale dans un contexte de sécheresse et d’une façon durable ? C’est un défi scientifique et sociétal multidimensionnel pour assurer la sécurité alimentaire future.

Sélection variétale

Les feuilles portent en effet de minuscules orifices à leur surface  : les stomates les glucides nécessaires à sa croissance Un dispositif lysimétrique innovant a révélé que l’efficacité de transpiration de plantes comme le sorgho variait fortement entre variétés, sans affecter forcément les rendements offrant des opportunités intéressantes à la sélection variétale.

Face à la sécheresse, innover pour transformer notre agriculture

Diversification des systèmes de culture  : intercultures et mélanges variétaux

Un autre levier en réponse à l’aridité croissante consiste à maximiser le stock d’eau « verte » des sols, grâce à des pratiques de conservation, ou de gestion de l’eau à la parcelle permettant de forcer la plante à explorer plus efficacement l’eau du sol notamment en profondeur, ou différentes techniques d’aménagement paysager (terrasses, butées de contours, etc.), entre autres.Ainsi, face à la sécheresse, la vulnérabilité de l’agriculteur dépendra de ses choix de cultures, de variétés, de pratiques culturales incluant la date de semis – alors que prédire les prochaines pluies est devenu un véritable casse-tête – ces choix définiront sa vulnérabilité non seulement à l’échelle d’une saison de culture mais aussi sur le plus long terme au travers de leurs effets sur la santé et la fertilité des sols et leur capacité à retenir l’eau plus longtemps.

Avancées technologiques

Tous ces choix dépendent de l’environnement spécifique de chaque exploitation agricole, où les paramètres agronomiques et climatiques fluctuent et évoluent rapidement. L’incertitude et la variabilité des situations agroclimatiques qui en résulte font que les essais agronomiques traditionnels ne suffisent plus à explorer des solutions d’adaptation et à y répondre dans l’urgence.Pour s’adresser à cette complexité, certaines avancées technologiques récentes sont prometteuses  :

  • des senseurs de plus en plus abordables mesurent finement et en temps réel l’humidité du sol et l’état hydrique de la plante ;
  • les plates-formes de phénotypage (ou d’observation du comportement des plantes) à haut débit permettent d’évaluer des centaines voire des milliers de variétés directement dans le champ ou la serre d’expérimentation sous différentes situations d’irrigation pour mesurer des indicateurs clés de l’adaptation à la sécheresse tels que la surface ou la température des feuilles, ou la profondeur racinaire, contribuant par exemple à la sélection d’un sorgho qui reste vert même en stress hydrique intense ;
  • offre à la recherche agronomique une foison de données plus précises pour éclairer ce problème de l’optimisation de la production végétale au manque d’eau sous de nouveaux angles.

Outils de simulation

Mais comment faire le tri dans cette complexité ? Comment prédire des solutions pour les agricultures de demain ? Les outils de simulation de la croissance des plantes et des cultures combinés avec des modèles statistiques permettent de créer des essais virtuels à l’infini pour évaluer différents scénarii combinant des variétés, des pratiques culturales dans des situations pédoclimatiques actuelles ou futures.Ce type d’approche a permis récemment de répertorier, à bien moindre coût qu’une approche purement expérimentale, le niveau d’adaptation de 150 variétés de blé à 13 environnements de sécheresse différant selon les années sèches, humides ou intermédiaires dans le Nord-Est australien.Ces approches basées sur l’analyse de jeux de données massifs (« big data ») et sur des expérimentations « in silico » représentent de nouvelles opportunités pour l’aide à la décision, vers des solutions innovantes d’adaptation et de gestion des risques liés à la sécheresse ; ceci, que ce soit à l’échelle de la plante (variété), du champ (pratique culturale), de la ferme ou du territoire (par exemple la gestion de l’eau).Paysan ou décideur politique, il faut composer avec un équilibre complexe entre risques, incertitudes et bénéfices. Créer des produits d’assurance sécheresse plus adaptés pour la petite agriculture du Sud peut contribuer à transformer l’agriculture d’une région, en gérant mieux les risques et planifier d’une année sur l’autre.

Nouvelles méthodes et espèces anciennes

Une alternative est de mieux valoriser les espèces traditionnelles comme la légumineuse niébé, ou le fonio, déjà bien adaptées aux conditions arides locales. Certains de ces choix nationaux pourraient avoir des conséquences sur la vulnérabilité de leur agriculture aux futures sécheresses.La conférence Inter drought qui se déroule en 2022 pour la première fois en Afrique sera un moment clé pour imaginer à l’échelle de la plante, du champ, de la ferme et de nos sociétés, l’agriculture résiliente, durable et économe en eau dont nous avons urgemment besoin.La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation, un site d'actualités à but non lucratif dédié au partage d'idées entre experts universitaires et grand public.

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Delphine Luquet et Ndjido Ardo Kane ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.