Quelles ont été les difficultés pour relancer une nouvelle saison après la crise sanitaire ?
Les temps nous ont appris à être prudents. Durant la crise sanitaire, les équipes ont été vaillantes et ont dépensé beaucoup d’énergie. On avait très peur de ne pas retrouver notre enthousiasme d’avant. Bizarrement, tout est revenu quand on a ouvert la billeterie. Le public a répondu présent et il a montré combien il tenait à notre travail, notre existence, et nos propositions. Comme si d’un coup, le sang s’est remis à circuler dans nos veines. Comme si on avait oublié que les échanges avec le public étaient si nécessaires.
Néanmoins, cette nouvelle saison nous a amenés à proposer quelques évolutions. Notamment au niveau des abonnements, parce qu’on est toujours soumis à des imprévus qui peuvent modifier le programme. Cette crise a rendu le public frileux. Il ne veut plus investir comment avant dans un abonnement pour l’année. Il se sent plus libre et nous, on travaille sans filet.
J’ai longtemps plaidé pour le système d’abonnement. Mais, à la réflexion, ce système considère le spectateur comme client, or il est devenu partenaire. Quand nous avions prolongé la saison dernière jusqu’à fin juillet pour réintégrer certains spectacles annulés, on avait eu la surprise de voir le public répondre présent au dernier moment.
Quelles sont les précautions prises en cas d’une nouvelle crise ?
L’ombre de la crise plane toujours, bien sûr. J’ai été la saison dernière dans un déni stupide en me disant qu’on va rouvrir très vite, et j’en ai tiré la leçon. On envisage effectivement d’éventuelles contraintes. On table sur un fonctionnement quotidien pour nous permettre par exemple de ne pas avoir d’immenses remboursements. C’est aussi pour ça qu’on ne numérote plus les sièges dans nos salles. D’une part, c’est plus démocratique et, d’autre part, on évite le casse-tête des reports des spectacles.
J’ai toujours pensé, pour avoir expérimenté le théâtre de rue, qu’être abrité dans un théâtre était une grande chance. La crise nous a sortis de cette zone de confort et nous a appris à être hyper réactifs et proposer une solution ou inventer de nouveaux systèmes. Ce n’est pas possible pour tous les spectacles. Mais pour certains, on connait dorénavant ce deuxième temps où on sait passer un texte autrement que dans sa forme initialement prévue. C’est possible de le faire parce que c’est important de le diffuser.
Y a-t-il du « monde d’après » dans cette saison 2021-2022 ?
Je crois qu’on n’a pas fini d’écrire le récit et l’impact de cette pandémie qui a changé notre vision du monde et notre relation avec lui. Donc forcément, le spectacle étant un reflet du monde, la question se pose.
Mais à voir les réactions du public depuis la reprise, plus bienveillantes qu’elles ne l’ont été avant, on peut dire qu’il a pris conscience de sa propre fragilité. Nous avons tous pris conscience que, sans les autres, nous n’existons pas. Cette situation a fait naître une nouvelle qualité dans les relations public/artiste et artiste/public. J’espère que le temps passant ne va pas nous faire oublier ça. En attendant, la crise a révélé nos fragilités, et elles sont stimulantes.
Jeudi 23 septembre à 19h, lancement de la saison (Visuel 2021-2022, Franck Tallon)
Une saison forte en créations
Les « chiffres sont bons » souligne Catherine Marnas. Entendez par là que la pandémie ne reviendra pas tout chambouler pour 2021-2022. On croise les doigts. Surtout que le programme du TNBA regorge de nombreuses créations que les artistes s’impatientent de montrer au public.
Effectivement, la saison dernière, bien que le théâtre bordelais ait été fermé au public, « il se passait toujours quelque chose ». Plusieurs créations étaient en cours, ou d’écriture ou de répétition, et des aperçus ont pu être donnés dans le très bien vu festival Focus. De ces étapes de travail, plusieurs pièces sont achevées et prévues pour cette nouvelle année.
« Un poignard dans la poche » (Les Rejetons de la reine), « Soldat.e inconnu.e » (Deug Doen Group), « Herculine Barbin : Archéologie d’une révolution » (Catherine Marnas) sont, de ce que Focus en a donné à voir, à ne pas rater. D’autres créations s’ajoutent et s’annoncent prometteuses comme « P.U.N.K » (Renaud Cojo et David Chiesa) ou « Catch ! » (Clément Poirée), ou encore « Les Forteresses » (Gurshad Shaheman).
A noter également le retour de « Hamlet » (joué l’année dernière pour les professionnels) et une nouvelle version de « A Bright Room Called Day » revue et raccourcie. On peut aussi cité les reprises de « Crowd », « As Comadres », « Glovie », annulées l’année dernière.
Grande nouveauté de la saison, expérimentée quelques semaines la saison dernière, c’est le billet suspendu. Le spectateur verse 3€, et le théâtre complète à hauteur de 5€, pour permettre à un public précaire d’assister gratuitement aux représentations. Depuis le lancement de l’opération, 152 billets étaient déjà « suspendus » le 12 septembre.
Ce jeudi 23 septembre à 19h, lancement de la saison lors d’une soirée dans la grande salle Vitez (gratuit), suivie d’un pique-nique square Dom Bedos et de Dj sets.
Toute la programmation de la saison 2021-2022 sur ce lien
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