« Nous traiter d’éco terroriste est dangereux » : ce que veut Soulèvements de la terre, ce collectif menacé de dissolution


Ces 22 et 23 avril, une manifestation d’envergure contre la construction d’une autoroute est prévue dans le Tarn. Les Soulèvements de la Terre y sont partie prenante comme ils l’étaient à Sainte-Soline. Dans le viseur du gouvernement, ils se disent pacifiques là où la police les considère comme capable de passer à des actions offensives. 

Le ministère de l’Intérieur a classé « rouge » la nouvelle mobilisation qui doit rassembler plusieurs milliers de personnes ces 22 et 23 avril dans le Tarn, pour protester contre le chantier de l’A69, entre Castres et Toulouse. L’inquiétude : la présence potentielle d’une centaine d’individus violents de type black blocs et la possible volonté des opposants de créer une ZAD (zone à défendre) ce que ne tolérera pas l’Etat.

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Depuis les événements de Sainte-Soline (Nouvelle-Aquitaine) et les affrontements sanglants entre forces de l’ordre et manifestants anti méga-bassines, la tension est vive. Gérald Darmanin a même annoncé vouloir dissoudre les Soulèvements de la Terre (SLT), à l’origine du rassemblement de Sainte-Soline et co-organisateur de celui de Vendine dans le Tarn, un des 42 points chauds listés par le gouvernement en France. Qui sont-ils ? Un regroupement de collectifs.

Les dates du 12 avril puis du 19 ont été avancées et ce serait finalement la semaine prochaine que la dissolution pourrait être prononcée. Mais la résistance s’organise. Pour contrer le gouvernement, les SLT ont appelé à la création de comités locaux et départementaux qui fleurissent partout, boostés par ce coup de projecteur stigmatisant.

« Nous organisons la contre-attaque contre la dissolution »

« Tout le monde a été ultra choqué par la violence de Sainte-Soline, ça a galvanisé et remobilisé les gens. Nous organisons la contre-attaque et les recours juridiques contre la dissolution, nous nous sommes multipliés partout pour l’éviter » indique Olivier, éleveur de chèvres dans les hautes Corbières et un des leaders du tout nouveau comité SLT de l’Aude. Il sera ce week-end au rassemblement contre l’A69 : « On y va tous !  Dans ce projet on parle de gagner 12 minutes de trajet alors qu’il existe déjà une route ! « .

 

Même son de cloche chez Silouan, enseignant de 30 ans, qui porte le comité départemental de Lozère créé en avril. « On reçoit des dizaines de mails pour venir aux réunions, des jeunes comme des personnes de 50 ou 60 ans » avance celui qui part dans le Tarn avec un convoi de manifestants « contre l’A69 et la dissolution. On sent monter la colère environnementale et sociétale ».

Tous l’assurent : le rassemblement sera familial et bon enfant et chaque camp a intérêt à ce que tout se déroule bien. Mais la question de la violence dans la radicalisation des mouvements écologistes émergents se pose. Avec celle de la convergence des luttes voulue par certains.

Stratèges d’ultra-gauche

Dans une note récente des renseignements territoriaux sur les Soulèvements de la Terre, les policiers spécialisés évoquent un noyau dur « composé initialement de stratèges d’ultra-gauche qui s’est élargi aux collectifs environnementaux ».

Ils alertent sur le fait que ce mouvement diffuse des modes opératoires offensifs, notamment le sabotage désormais appelé « désarmement » des « biens communs menacés ». Selon les renseignements, SLT a, du coup, « ingénieusement convaincu des militants habituellement adeptes d’actions de désobéissance civile à basculer vers la résistance civile ». Soit des actions violentes sous forme de « white bloc » ou « blue bloc » (noir, blanc ou bleu, seul la couleur de la tenue change).

Camille (*), héraultais, était justement en deuxième ligne à Sainte-Soline, juste derrière les blue-blocs (le dress code était bleu de travail) qui avaient masques à gaz, lunettes, boucliers et parapluie contre les tirs des policiers et pour ne pas être identifiés. Autour d’un café, celui qui ne communique qu’en messagerie cryptée, il montre les restes de grenades assourdissantes et LBD ramenés du champ de bataille des Deux-Sèvres.

« Résister à la violence d’en face »

 Proche du groupe Extinction Rebellion, se définissant comme anarchiste et des SLT, il défend le « désarmement » comme s’en prendre aux antennes « 5G » : « C’est une tactique légitime qui j’espère va se développer, on ne peut pas faire que des actions symboliques, je suis prêt à résister face à la violence d’en face » lance-t-il, réaffirmant en revanche sa non-violence contre les personnes. Il admet être rebelle, même radical, mais a le poil qui se hérisse quand la notion « d’éco-terroriste » lancé par Gérald Darmanin vient dans la conversation. 

« Nous traiter d’écoterroriste c’est dangereux, cet élément de langage guerrier amène à rendre acceptable dans l’opinion qu’il y ait des morts de notre côté, c’est dramatique… On avait des cailloux, eux des grenades » déplore celui qui sera dans le Tarn ce week-end.

« C’est la guerre de l’eau qui va arriver très vite »

Tout comme Louise, 50 ans, qui vit dans l’arrière-pays héraultais, tendance ultra-gauche, sympathisante SLT, en colère contre la situation actuelle : « L’extrême-droite s’arme et s’entraîne et rien n’est fait contre eux. Nous, on a la rage mais pour la vie, on défend un autre monde, la question ce n’est pas jusqu’où on est prêt à aller, c’est jusqu’où l’Etat va aller ».

Alors, assistera-t-on à un Sainte-Soline bis dans le Tarn ? « Non, nous sommes pacifistes et je ne suis pas d’ultragauche, il y a un amalgame » répond Olivier, le membre des SLT Aude. « La violence c’est d’avoir perdu 83 % des insectes en 30 ans et la guerre qui va arriver très vite, c’est la guerre de l’eau avec des conflits d’usage ».