Alain Cavalier, auteur du film Thérèse qui sera projeté au CinéMazarin : " J'étais très habité lorsque je l'ai to...


À 91 ans, Alain Cavalier ne refuse jamais une invitation pour venir parler de son film Thérèse. Un chef-d’œuvre, sorti en salle en 1986 et qui a raflé de nombreux prix, dont celui du Prix du jury, à Cannes et celui du Meilleur film à la cérémonie des César, en 1987.

Le célèbre cinéaste a répondu à nos questions avant sa venue ce vendredi 6 mai, au CinéMazarin, à Nevers, dans le cadre de la projection de ce biopic sur la petite sainte, en version restaurée.

Alain Cavalier, auteur du film Thérèse qui sera projeté au CinéMazarin :

Un événement à l’initiative de l’Acne (Association des cinéphages de Nevers) en partenariat avec le cinéma.

Comment êtes-vous arrivé à sainte Thérèse ?

Je dirais que c’est assez simple… J’ai passé sept ans de ma jeunesse dans un pensionnat religieux. Il y avait deux stars, Jeanne d’Arc et Thérèse. Thérèse a été proclamée sainte très peu de temps après sa mort, au début du XXe siècle. Jésus était l’amour absolu des carmélites… Elles entraient par amour au couvent et se mariaient avec lui. Tout cela a agité mon enfance. Mon héros de BD c’était d’ailleurs Jésus-Christ. Dans les années soixante-dix, le carmel de Lisieux a publié un livre réunissant des documents très détaillés sur la vie quotidienne de Thérèse. Je me suis alors dit, peut-être un jour, je pourrais rentrer, moi cinéaste, dans un couvent… Il convient d’ajouter, bien sûr, mon goût pour cette personne, son parcours, son histoire… Petit à petit, l’envie de faire un film a germé. Il fallait que je trouve quelqu’un d’exceptionnel pour incarner le personnage.

Catherine Mouchet, pour incarner Thérèse ?

J’étais au deuxième rang. L’eau coulait d’un ballon qu’elle tenait entre les mains vers les spectateurs… J’ai trouvé cette scène extraordinairement troublante. Avec son regard, son texte, cette petite mise en scène, je me suis dit, je ne pouvais faire ce film qu’avec elle.

Petit à petit, l’idée m’est venue, grâce aussi à certains tableaux de Manet, de faire un film sur un fond neutre, mais très travaillé, réaliste. Ainsi, on ne voit ni arbre, ni mur, ni porte…

Ce film vous a-t-il imposé un énorme travail, en amont, pour être au plus près de la vérité de la vie de Thérèse ?

Vous savez, je n’ai filmé qu’une infime partie de la vie de Thérèse. J’ai passé du temps dans une petite bibliothèque au sein du carmel de Lisieux. Il y avait de nombreux livres sur elle. Un jour une carmélite est entrée et il m’a dit  : “Il paraît que vous allez faire un film sur Thérèse de Lisieux ? La prieure serait prête à vous recevoir.” J’ai réussi, grâce à elle, à visiter ces lieux où Thérèse avait vécu. Il y avait de petites cellules, de 3 mètres sur 3, des couloirs… C’était angoissant. Cela a fait du chemin dans ma tête. Petit à petit, l’idée m’est venue, grâce aussi à certains tableaux de Manet, de faire un film sur un fond neutre, mais très travaillé, réaliste. Ainsi, on ne voit ni arbre, ni mur, ni porte… Quelques objets symboliques indiquent dans quelle pièce on se trouve. Par exemple, au réfectoire ou encore dans une chambre.

Une version anglaise parfaite

Quel accueil ce film a-t-il reçu à sa sortie ?

Là, on entre dans le domaine du miraculeux  ! On a fait ce film en pensant qu’on aurait, au plus, 20.000 spectateurs, des personnes un peu illuminées. Le film a été sélectionné et choisi à Cannes. Et là, il a connu un immense enthousiasme. Ensuite, il a fait plus d’un million et demi d’entrées. Il a une version anglaise si parfaite, qu’il a été vu dans tous les pays du monde. Et il circule encore…

Pourriez-vous nous parler de la version restaurée ?

C’était un film avec des copies en pellicule. Et maintenant, ces copies sont en numérique. Les copies en pellicule fatiguent très vite. Les copies en numérique sont, elles, absolument magnifiques, actuelles, adaptées aux nouveaux appareils de projection.

Je le trouvais un peu trop clair. Je l’ai assombri. Cela lui donne du muscle  !

Du coup, vous ne l’avez pas modifié du tout ?

Quand vous faites un film, vous ne pouvez pas revenir après sur cette espèce d’effervescence et la chaleur du tournage. Il faut lui laisser son charme originel. Donc, non, je n’ai pas touché au film. Seulement sur les questions d’éclairage, il y a une petite part de manœuvre. Je le trouvais un peu trop clair. Je l’ai assombri. Cela lui donne du muscle  !

Pensez-vous que ce film peut toucher les Nivernais sensibles à la vie de Bernadette Soubirous qui repose à Nevers ?

Bien sûr ! C’est aussi une histoire extraordinaire. Ce sont deux jeunes filles, saisies, l’une par la Vierge Marie et l’autre par le Christ. Moi j’ai fait ce film à cause de la formidable attention de Thérèse face à la souffrance humaine. C’est ça qui m’a le plus touché. Elle est aussi morte à 24 ans de la turberculose. J’ai vu ma tante partir de cette maladie dans des souffrances atroces. Moi, quand j’ai réalisé ce film, j’étais très habité.

Pratique. Thérèse est un drame français d’Alain Cavalier, avec Catherine Mouchet, Aurore Prieto, Clémence Massart et Jean Pelegri, de 90 min. Il a été tourné en 1985, il est sorti dans les salles le 24 septembre 1986 et sa version restaurée, le 6 octobre 2021.Tarif unique pour sa projection à Nevers : 5,5 €. Réservations possibles en ligne.

Propos recueillis par Géraldine Phulpin