Avec les volontaires étrangers en Ukraine, le souvenir des Brigades internationales de la guerre d'Espagne


En Ukraine, le gouvernement a impulsé la création d’une Légion internationale, accueillant les volontaires étrangers désireux de prendre les armes pour aider à la défense du pays contre l’invasion russe. Une initiative qui rappelle un grand précédent: les Brigades internationales constituées durant la guerre d’Espagne. Une spécialiste a raconté leur histoire à BFMTV.com. »Je n’ai pas de formation militaire, mais j’ai souhaité être le plus rapidement possible parmi ceux qui se sont engagés pour dire que la cause ukrainienne est la nôtre. Donc j’ai répondu à l’appel du président Zelensky ». Témoignant lundi sur notre antenne, Florent Coury, 39 ans, a le souci de ne pas passer pour une tête brûlée et revendique l’humanisme de sa démarche, ainsi que sa filiation avec la « tradition républicaine ce centre gauche » à laquelle il dit appartenir.Florent Coury est en tout cas le premier Français à avoir rejoint la Légion internationale ukrainienne fondée il y a une dizaine de jours par le gouvernement local et formée de volontaires étrangers désireux de prendre part à sa résistance face à l’invasion russe. Une équipée militaire qui rappelle d’elle-même un grand précédent: celui des Brigades internationales, actives entre 1936 et 1938 durant la Guerre d’Espagne.

Un souvenir qui refait surface

notamment co-autrice de Tant pis si la lutte est cruelle/h2>blockquote class= »embed embed_quote »> »On a cette image de volontaires intellectuels, etc. Mais ce n’était pas le cas: il s’agissait pour beaucoup de travailleurs, d’ouvriers, d’artisans mais aussi de chômeurs ».

Avec les volontaires étrangers en Ukraine, le souvenir des Brigades internationales de la guerre d'Espagne

Elle dresse le portrait-robot du brigadiste-type dans ces années 1936-1938 : un homme de 28 ans en moyenne, « ouvrier expérimenté et militant politique ». Venus du monde entier, ces combattants aspirant à aider les Républicains espagnols aux prises avec l’agression des troupes menées par Franco sont souvent des antifascistes italiens, ou allemands en rupture de ban, ou des Français ayant enjambé les Pyrénées.

Genèse sportive

dans le Berlin des nazis, lorsque le soulèvement des forces nationalistes et ultraconservatrices conduites par le général Franco tente de renverser la jeune république espagnole. Un putsch raté qui n’en ouvre pas moins une guerre civile qui durera trois ans et verra les putschistes en question triompher.Aussitôt, de nombreux athlètes présents en Catalogne choisissent de se porter au soutien de la République, s’organisant spontanément en milices. Ils sont bientôt ralliés par des « réseaux internationaux faits d’anarchistes, de socialistes, de communistes », nous précise Stéfanie Prezioso.

Une même cause mais des agendas bien différents

Des idéologies différentes pour des motivations qui le sont tout autant. « Certains combattent par antifascisme, d’autres parce que la situation dans leur propre pays est déjà catastrophique, d’autres le font pour mener une révolution sociale », poursuit l’historienne et femme politique.Créées par décret du gouvernement espagnol le 22 octobre 1936, les Brigades internationales vont donner une forme à ce magma politique en fusion. Sur le terrain, on se regroupe par langue et nationalité, chaque brigade tirant d’ailleurs son nom de l’imaginaire national. Ainsi, tandis qu’une unité allemande se fait connaître en tant que bataillon « Thälmann », en référence à un dirigeant communiste emprisonné, les Français pensent « Louise Michel » ou encore « Commune de Paris ».Des identités collectives qui renvoient, là encore, à la diversité des programmes politiques. « Par exemple, le nom du bataillon italien ‘Garibaldi’ visait à insister sur l’idée d’indépendance nationale et non sur la lutte en faveur d’une révolution sociale », illustre Stéfanie Prezioso.

Staline à la manoeuvre

Mais les Brigades internationales adoptent vite une couleur politique d’un rouge plus uniforme. Et ce, de deux manières: « Parmi les brigadistes, il y avait des gens recrutés essentiellement dans leur pays par les partis communistes et les syndicats locaux, donc une base militante communiste importante », souligne notre interlocutrice.De plus, Staline, d’abord attentiste pour montrer patte blanche aux démocraties libérales bourgeoises à l’heure où son Union soviétique rejoint la Société des Nations, passe finalement à la manoeuvre. Soucieux à la fois de ne pas être mis sur la touche dans le combat antifasciste qui s’engage et de ne pas déranger un ordre international qu’il vient à peine d’intégrer, il donne une impulsion ambivalente aux Brigades internationales.

« Dans les premières milices, il y avait beaucoup de gens très critiques de son régime. Alors, il veut freiner ces forces révolutionnaires qui pourraient dépasser le Parti communiste sur sa gauche », dépeint l’historienne.

Ainsi, les Brigades internationales font figure de déclinaison armée des fronts populaires, allant des communistes aux centristes, qui se dressent alors un peu partout en Europe comme un rempart face aux ombres portées par Hitler, Mussolini et consorts.

L’expérience au-delà de l’échec

Par-delà ces considérations politiques, ces volontaires internationalistes jouent un rôle de premier plan dans le conflit espagnol. D’autant que parmi les plus âgés, on remarque la présence d’anciens combattants de 14-18. Un rôle important mais pas décisif. Et les Brigades sont dissoutes – sur ordre du gouvernement espagnol mais aussi sous la pression de la Société des Nations – dès septembre 1938. « Quand on renvoie les gens chez eux, ça marque la fin de l’idée que la République peut gagner. L’échec est là », pose l’essayiste.Le retour au pays natal est souvent douloureux. Certains sont poursuivis devant les tribunaux, d’autres internés dans des camps, et les combattants qui rallient l’URSS, la « patrie du socialisme réel », apparaissent bien trop formés politiquement, trop fortes têtes, pour ne pas finir au Goulag. Échec sur toute la ligne, donc? Ce serait conclure trop hâtivement. « Les Brigades ont servi d’expérience aux futures résistances française et belge durant la Seconde Guerre mondiale », met en lumière Stéfanie Prezioso.

Comparaison n’est pas raison

La question est à présent de savoir si leur exemple pourra servir d’inspiration à la Légion internationale ukrainienne. En bonne historienne, Stéfanie Prezioso se défie cependant des comparaisons trop aisées et anachroniques. Si elle admet qu’on puisse percevoir « des résonances avec cette guerre en Ukraine dont on dit qu’elle pourrait embraser l’Europe, comme on a dit de la guerre d’Espagne qu’elle avait été un laboratoire, une Seconde Guerre mondiale en miniature », celle-ci a un autre écho en tête :

« Il y a quelque chose qui se joue là et qui est davantage de l’ordre du tournant qu’a pu représenter l’agression de l’Éthiopie par l’Italie fasciste en 1935, l’agression d’un pays indépendant mais dominé. Et puis, dans ce cadre, il y a eu des tentatives pour créer des légions étrangères, autour d’Afro-Américains communistes, mais pas seulement ».

L’avenir reste incertain autour des légionnaires étrangers en Ukraine et leur passé, l’héritage qu’ils incarnent, soumis à débat. Ils ont, du moins, le choix de leur filiation.