a été lancé selon les mots du ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, prononcés en janvier, au moment où le décret d’application avait été publié. Franceinfo détaille le rôle de ce pôle et son fonctionnement.
1Comment ce pôle a-t-il été créé ?
dirigée par Jacques Dallest promulguée le 22 décembre 2021. Afin que ce pôle national puisse voir le jour rapidement, le père d’Estelle Mouzin, disparue il y a dix-neuf ans, a écrit, dès le 5 janvier, une lettre à Eric Dupond-Moretti pour lui demander de le mettre en œuvre très vite.
Dans ce courrier, consulté par franceinfo, Eric Mouzin s’inquiétait du départ, le 31 décembre 2021, de la juge d’instruction chargée de l’enquête sur la disparition de sa fille. Selon lui, l’arrivée d’une nouvelle magistrate pour suivre ce long et fastidieux dossier faisait peser le « risque d’une instruction calamiteuse », alors que la juge Sabine Kheris s’est illustrée dans ce dossier en remontant jusqu’à Michel Fourniret. Ce dernier a finalement reconnu, en 2020, avoir enlevé Estelle. Eric Mouzin craignait « une perte d’informations dans le traitement des investigations en cours » ainsi que le « démantèlement d’une équipe compétente et efficace ». Il terminait sa lettre en insistant « sur l’urgence à agir ». Le garde des Sceaux a finalement répondu le 12 janvier, dans un entretien à 20 Minutes : « Nous avons souhaité aller vite, il sera donc lancé le 1er mars. »
a réagi sur franceinfo l’avocate Corinne Herrmann, qui défend Eric Mouzin aux côtés de son confrère Didier Seban. « Il était temps qu’on apporte une réponse aux familles », a-t-elle ajouté en apprenant la création de ce pôle dédié aux « cold cases ».
2A quoi sert-il ?
Ce nouveau pôle doit avant tout permettre de contrer les effets du temps qui passe. « Dans les cabinets d’instruction, les juges exercent pour un temps limité et sont ensuite remplacés par des collègues. On voit ainsi dans les très longs dossiers, les dossiers complexes, trois ou quatre magistrats qui se succèdent », explique le ministre de la Justice. « Or, le temps qui passe est le plus mauvais ennemi de l’élucidation d’une affaire, parce que parfois les témoins vont vivre ailleurs, parce que la mémoire s’estompe, pour mille raisons », poursuit Eric Dupond-Moretti.
L’un des objectifs est d’éviter la prescription. Car une fois que le dossier est refermé, les poursuites ne peuvent plus être exercées, sauf – fait rare – si de nouveaux éléments exploitables surviennent. Pour la plupart des crimes, le délai de prescription est de vingt ans, à compter du dernier acte de procédure. Ce qui, bien souvent, pousse les familles à multiplier les démarches pour éviter que le dossier ne soit clôturé à jamais.
« Ça va nous permettre d’avoir des juges qui se spécialiseront, à l’instar des juges antiterroristes ou des juges financiers. Ce seront des magistrats qui ne traiteront que ces affaires et qui, évidemment, développeront des techniques spécifiques, mais surtout les comprendront beaucoup mieux », souligne Corinne Herrmann. « On se dit que cela vaut mieux que tout soit concentré dans un endroit, avec des magistrats dédiés, et on pourra voir s’il n’y a pas des disparitions qui se ressemblent », souligne, sur France Bleu Isère, Dalila Boutvillain, dont le frère Malik s’est volatilisé en mai 2012 alors qu’il faisait un footing à Echirolles (Isère).
3Quelle est son organisation ?
dans le ressort de la cour d’appel de Versailles.
« On espère qu’elle sera rejointe par des magistrats qui permettront de répondre à de nombreuses familles qui sont dans l’attente de réponse. »
4Comment doit-il fonctionner ?
« Les affaires non élucidées après dix-huit mois d’investigations infructueuses pourront être transmises au pôle. Mais cela ne veut pas dire que toutes les affaires qui ont duré dix-huit mois sans que l’on parvienne à trouver trace de l’auteur feront l’objet d’un dessaisissement au profit de ce pôle », a précisé Eric Dupond-Moretti. « Les victimes pourront saisir ce pôle mais pas directement. Elles pourront demander au parquet que leur affaire – ou leurs affaires s’il y a plusieurs familles concernées – soient examinées par ce pôle », a-t-il ajouté.
« Les magistrats instructeurs auront toute la liberté de poursuivre avec les enquêteurs initiaux ou de saisir un service spécialisé dans les crimes non élucidés, comme la division Diane à Pontoise. Une cosaisine avec les enquêteurs initiaux et les services spécialisés est aussi tout à fait possible », détaille le garde des Sceaux. La division Diane (Division des affaires non élucidées), lancée par la gendarmerie en octobre 2020, est composée d’une équipe pluridisciplinaire d’une trentaine d’enquêteurs, dont des spécialistes dans la détection du caractère sériel des crimes, des analystes comportementaux ou encore des analystes criminels. Elle s’appuie aussi sur les compétences des 250 scientifiques de l’Institut de recherche criminelle (IRCGN), également basé à Pontoise.
à la tête du Service central de renseignement criminel de la Gendarmerie nationale (SCRCGN). « L’idée est de remettre tout en perspective en élaborant de nouvelles hypothèses d’enquête », a-t-il poursuivi.
5Quels sont les dossiers qui attendent les juges ?
Pas moins de 240 dossiers en cours pourraient être confiés aux trois juges d’instruction. Dans le détail, la France compte 173 crimes non élucidés pour lesquels la justice est saisie et 68 procédures de crimes sériels, selon le garde des Sceaux. « Au cabinet, on en a 80 donc je pense que ce nombre va exploser. On estime qu’il y a 200 dossiers non résolus tous les ans donc si on fait le calcul, sur plusieurs années, il y a vraiment beaucoup de dossiers qui se sont accumulés », estime, pour sa part, Corinne Herrmann.