EXCLUSIF : « Balance Ton Agency » sort de l'anonymat  : Anne Boistard se confie


relaie Le premier anniversaire de « BTA »« j’ai deux avocates, je n’aurais jamais pensé dire ça un jour », souffle-t-elle – la jeune femme s’est confiée aux Echos START sur cette année très mouvementée.

Les Echos START  : Pourquoi sortir de l’anonymat, aujourd’hui ?

Anne Boistard  : Pour moi, la parole devait être centrée sur les victimes. Le sujet, ce n’était pas moi.

EXCLUSIF : « Balance Ton Agency » sort de l'anonymat  : Anne Boistard se confie

Aujourd’hui, le combat a gagné en légitimité, et cela me donne envie d’être fière de tout ce qui s’est passé en un an, grâce à l’engouement qu’il y a eu, à cette libération de la parole. J’ai envie de porter la voix de tous et toutes, aller dans les écoles, faire des conférences… partager cette expérience que j’ai construite via le compte.De toute façon, toutes les agences que j’ai « balancées » sont déjà au courant de qui je suis, car au printemps dernier, j’ai témoigné dans une affaire aux Prud’hommes entre une agence épinglée sur le compte et une ex-salariée.

L’entreprise la suspectait d’être derrière BTA. J’avais donc dit  : « non, c’est moi, laissez-la tranquille » Et ensuite, la nouvelle s’est répandue chez les directeurs d’agence.

Et cette fois, c’est vous qui êtes directement accusée…

Déjà, dans la première affaire, des huissiers ont voulu perquisitionner mon ordinateur, mon téléphone.

Mais je n’étais pas là. La police a aussi débarqué chez moi. Et puis, ensuite, j’ai reçu une lettre qui m’informait que j’étais moi-même accusée de diffamation et de cyber harcèlement.

Là, je me suis dit  : on rentre dans le dur, on passe du virtuel au réel. C’est logique quelque part  : la justice est là pour établir la vérité. Mais ce combat, je le mène en toute bonne foi.

C’est évidemment dangereux pour moi de mettre en avant ces témoignages… mais on n’a pas d’autres moyens pour expliquer ce qu’il se passe.

Auriez-vous pensé que créer BTA vous aurait causé autant d’ennuis avec la justice ?

les agences avaient les moyens de m’attaquerCe recours à l’anonymat, comme dans tous les comptes « Balance ton/ta » qui ont suivi, a souvent été critiqué. Que leur répondez-vous ?

Moi, tout ce que j’espère, c’est qu’il y ait une façon de faire qui soit beaucoup plus légale.

Mais on a pu constater que les moyens déjà mis en place pour dénoncer les violences au travail ne suffisaient plus. Et on sait que si on va vers la justice, toutes les portes se ferment. Soit tu parles, et alors, tu te reconvertis, soit tu ne parles pas, et tu subis.

Il faut penser autrement  ! Face à des gens qui ont beaucoup d’argent et de pouvoir, dans un petit milieu, comment remonter des informations sensibles sans avoir peur de perdre son travail, ou d’être vu comme procédurier ou grande gueule ?

Comment faites-vous pour gérer, sur votre temps libre, les témoignages qui affluent ?

J’ai fait un burn-out l’année qui a précédé la création de BTA. Je connais les signaux d’alerte que le corps envoie lorsqu’il faut arrêter  : j’ai les armes pour faire face. Je mets beaucoup de détachement pour garder la tête froide, et je publie en restant factuelle.

Je regarde sur LinkedIn si la personne est bien passée par l’agence dont elle parle, et ensuite, au bout de cinq témoignages concordants, je publie. Je ne mets jamais mon avis, je surligne juste ce qu’il y a d’important pour que ce soit le plus lisible possible sur les stories.Mais je n’aurais jamais imaginé que ça allait amener autant de monde, de débats, de droits de réponse… C’est allé très vite  : j’avais 15.

000 abonnés trois jours après la création du compte  ! Il y a les victimes, les témoins, ceux qui ne sont pas d’accord… c’est ça, la force de cette communauté  : ensemble, on fait bouger les choses et on réfléchit à ce qu’il faut mettre en place pour que ce compte n’ait plus à exister. Mais tout ça montre aussi qu’il manque des organismes externes pour répondre à ces problématiques. Il y a des gens qui m’ont écrit dans la détresse, à 2 heures du matin…

Vous vous considérez comme une bénévole, une lanceuse d’alerte, une enquêtrice… ?

Plutôt une lanceuse d’alerte… Même si j’ai beaucoup de choses différentes à faire  : il y a de l’écoute, de l’enquête, du community management, et même du droit.

Au début, j’ai eu aussi énormément de gens qui voulaient savoir si, dans telle ou telle situation, ils pouvaient saisir les Prud’hommes… Il y a une vraie méconnaissance du Code du travail, et je n’avais pas toutes les réponses. Heureusement, l’avocate Elise Fabing est arrivée pour faire des lives sur BTA  : elle a répondu à toutes les questions.

Quel pouvoir cela vous donne d’avoir plus de 70.

000 followers, dont 74 % de femmes ?

Les salariés de l’agence Cimaya ont reçu l’an dernier une lettre les mettant en garde  : s’ils me parlaient

Vous n’avez jamais eu envie de quitter ce milieu ?

Après mon burn-out, si  ! J’ai voulu me reconvertir dans la sophrologie, car c’est ce qui m’a sauvé la vie. Finalement, j’ai commencé un CDI dans une agence, à qui j’ai dit que j’étais derrière BTA… et qui s’est donc séparée de moi.En ce moment, j’ai envie de créer ma propre agence, dont un pourcentage du profit alimenterait une association qui oeuvre pour protéger les victimes de violences au travail.

Une sorte de structure qui pourrait déléguer les responsabilités de BTA à des professionnels dans la prise en charge, et aussi dans la prévention… Mais il faut que je sois très claire dans ce que je veux faire, et avec qui  : il faut que je sois irréprochable.