Par Pascale Krémer Publié aujourd’hui à 18h00, mis à jour à 18h11 Réservé à nos abonnés EnquêteDes sites mettent en relation des propriétaires de lopin de terre et des jardiniers amateurs en manque de terrain. En ville, la mise en commun du potager se ramifie. L’une cueille les dernières tomates, fixant aux tuteurs les branches qui produisent encore. L’autre retire les pieds de courges qui ne donneront plus, avant de planter les fèves. Les mains s’activent, les paroles volent d’un bout à l’autre du potager. « Qu’est-ce que t’en penses ? On l’arrache ? » « On l’a laissée trop longtemps, cette courgette ! » Depuis mars, Maria et Julie cultivent de concert la foisonnante parcelle exposée sud qui s’étale devant la maison de Maria, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). Il y a sept mois, elles ne se connaissaient pas. Désherbage, paillage et récolte des derniers légumes d’été sont les missions du jour de Julie et Maria, dans le portager de Maria, à Fontenay-sous-Bois, le 4 octobre 2021. AXELLE DE RUSSÉ POUR «LE MONDE» C’est une annonce passée sur le site Internet de partage de jardins Savez-vous planter chez nous qui a réuni autour des haricots et des fraises ces deux femmes de générations différentes, pas même voisines. Graphiste de profession, Julie Lucas, 39 ans, regard bleu translucide et blondeur ramassée en chignon, vit en appartement à Maisons-Alfort (Val-de-Marne). Retraitée du ministère de la ville, Maria Do Ceu Mendes Cunha, 64 ans, lui ouvre désormais sa porte deux fois par semaine pour cojardiner, chaussée de sabots rose vif, avant de répartir équitablement le fruit du travail commun sur ce terrain devenu un peu trop grand et beaucoup trop fatigant. Lire aussi Article réservé à nos abonnés Quand les citadins cultivent la ville « Je n’y croyais qu’à moitié, au début, avoue celle qui fut spécialiste des politiques sociales. Je ne sais pas si ça marche pour les rencontres amoureuses, ces plates-formes… Mais là, franchement, ça produit des choses très intéressantes, bien au-delà des légumes… » De son enfance au Portugal lui est restée cette image, en tête, d’un jardinier qui ne s’échine jamais seul et offre volontiers les surplus aux voisins. « Avec Julie, assure-t-elle, on se donne du courage l’une à l’autre, dans une sorte d’émulation. » Ensemble, elles décident des plantations, se procurent les semences, partagent un savoir grandissant sur la permaculture, se félicitent de la tomate de 780 g ou se lamentent face aux radis qui ne poussent pas.
La confiance règne
Dans le jardin de Maria, Julie s’« aère la tête ». Elle s’étonne de la taille des courgettes et des concombres (« Rien à voir avec ceux de Carrefour ! »). Surtout, elle sait ce qu’elle mange : des légumes de saison sans pesticides. « Ensuite, on est devenues copines, on peut dire ça ? », interroge Maria, relevant la tête des courgettes. Un sourire lui répond, de l’autre côté de l’allée centrale. Entre les deux femmes qui vivent seules, la confiance règne. Julie a les clés, puisque Maria s’absente souvent. Ainsi, le jardin n’est jamais délaissé. Il vous reste 73.71% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.