Rayanne, 14 ans, tué dans la guerre de la drogue à Marseille : itinéraire d'un enfant gâché


Dans la funèbre liste qui ne cesse de s’allonger – un homme de 26 ans a été abattu lundi soir, et le corps calciné d’un autre jeune adulte du même âge a été retrouvé ­vendredi au milieu des immeubles du parc Corot –, Rayanne est la plus jeune victime.

Le 18 août au soir, une fusillade en pleine rue

à 14 ans par un tir de kalachnikov, le 18 août vers 22 heures. Ce mercredi-là, il faisait chaud, beaucoup d’habitants étaient descendus prendre l’air, doucement parfumé par les pins qui bordent les bâtiments décatis de cette copropriété dégradée. députée de Marseille : « Il faut redistribuer les biens saisis auprès des dealers »Deux tueurs à moto ont soudain surgi dans la nuit et l’un d’eux a tiré à l’arme automatique en direction du point de deal des Marronniers, où le collégien se trouvait avec un copain du même âge. Ce dernier a eu le mollet transpercé par une balle. Un enfant de 8 ans, qui jouait à proximité, a chuté en fuyant, se blessant légèrement au menton. 

Rayanne, 14 ans, tué dans la guerre de la drogue à Marseille : itinéraire d'un enfant gâché

« Rayanne n’était pas sur le point de stups par hasard »

Rayanne a fait figure d’archétype : il serait l’un de ces guetteurs de plus en plus jeunes/h2> C’est le passage le plus court pour entrer et sortir de ce quartier enclavé entre les rails et la colline. Beaucoup le préfèrent à l’autre accès, une route escarpée enjambant le ballast. Quitte à subir les fouilles parfois imposées par le réseau. « Ce genre de pratiques a lieu dans une trentaine de cités ­marseillaises », abonde Marion ­Bareille, la maire (sans étiquette) des 13e et 14e arrondissements. 

« Un jeune qui a le rêve n’aspire pas à vendre de la drogue »

pour un point de vente d’affluence moyenne. »Une sorte de « drive du shit » ­plaisantent des « clients » qui arrivent en voiture, venus de quartiers où le taux de chômage n’atteint pas 40% chez les jeunes, où les collèges de secteur ne sont pas en Rep+, où il y a des stations de métro, de tram et même des stations de Vélib’ pour tous.

Pourquoi Rayanne se trouvait sur le point de stups?

 » Ce que sa famille conteste avec force. « Je peux comprendre que certains croient qu’il était un guetteur, puisque même le président de la République Emmanuel Macron a parlé de lui en sous-entendant qu’il l’était, lors de son déplacement à Marseille », répond Laetitia Limon, sa tante. 

« Ces jeunes sont avant tout des victimes. Dans ces cités, les habitants se sentent abandonnés par l’État. »

où l’adolescent était effectivement inscrit en quatrième. « Rayanne partait de loin, il avait été déscolarisé, et le confinement n’avait rien arrangé, mais il était revenu en mars », confie sa professeure principale, Nadia Zbire. les dealers se mettent au marketingAssise dans la modeste salle des professeurs, au premier étage de l’un des préfabriqués exigus, la jeune femme raconte son attachement pour ce gamin au doux ­sourire : « C’était un bon garçon, très positif, très respectueux, qui jouait le jeu. Il faisait deux têtes de plus que moi, mais si je lui demandais d’ôter sa casquette, par exemple, il le faisait immédiatement. »Son éducateur, que le JDD a eu brièvement au téléphone, brosse, lui aussi, le portrait d’un gamin espiègle, qui aimait faire des blagues et voulait « s’en sortir ». « Rayanne avait pour projet d’être ambulancier et d’aider les autres », confirme son enseignante. L’éducateur, lui, refuse de croire que l’adolescent avait embrassé la ­carrière de dealer : « Un jeune avec un tel rêve n’aspire pas à vendre de la drogue. »

Une marche blanche le 26 septembre

Un peu plus loin, dans sa belle mairie de secteur – une ancienne bastide seigneuriale construite au temps où les quartiers nord étaient le refuge de riches familles marseillaises –, Marion Bareille enfonce le clou : « N’oublions pas que ces jeunes sont avant tout des victimes. Dans ces cités, les habitants se sentent abandonnés par l’État. L’ascenseur social ne fonctionne plus. Rien n’est proposé aux jeunes alors que les réseaux paient 80 euros par jour, souvent plus que ce que gagnent les parents. Imaginez-vous à leur âge, avec une famille en grande difficulté et un frigo vide… »Rayanne, lui, continuait de s’accrocher, selon les nombreuses personnes que nous avons pu ­rencontrer dans le ­quartier. Parce qu’elle en est elle aussi persuadée, l’élue a aidé la famille à organiser une marche blanche, prévue dimanche 26 septembre. Ce sera le premier hommage public rendu à Rayanne, 14 ans, la plus jeune victime de règlements de comptes en France.