dit-elle « Mon patron l’a vu, et j’ai été virée. Je savais ce que je risquais en publiant ce genre de commentaires en Biélorussie. Mais je ne regrette rien, je ne changerai même jamais ma décision même si mes parents ont aussi été punis : ils ont perdu leur boulot à cause de moi. » Bien sûr, elle a d’abord essayé de retrouver un boulot à Minsk. « On m’a demandé pourquoi je n’ouvrais pas une école. Mais c’est impossible. Le business n’est pas bienvenu en Biélorussie, où tout, ou presque, est contrôlé par le gouvernement. Les clubs, ça n’existe pas. » Melitina Staniouta décide donc de quitter le pays. Elle s’exile à Kiev, y a des amis, y est suffisamment reconnue pour entamer des collaborations dans le milieu de la gym, mais aussi avec des magazines en tant que modèle. « Je ne pouvais pas rentrer en Biélorussie, j’aurais pu y être emprisonnée, y être tuée. J’ai réservé un hôtel à Barcelone jusqu’au 1er mars et je suis partie trois jours avant l’invasion des Russes » « Après 2020, la diaspora biélorusse s’est étendue en Ukraine, en Pologne, en Lituanie. On a pris l’habitude de dire qu’il y avait finalement plus de Biélorusses à Kiev qu’à Minsk », sourit-elle tristement. Parce qu’en février, alors que la guerre était dans l’air, que les Ukrainiens ne l’évoquaient encore qu’en plaisantant, voulant croire que cette extrémité resterait à l’été de menace, des amis lui conseillent de fuir. « Je ne pouvais pas rentrer en Biélorussie, j’aurais pu y être emprisonnée, y être tuée. J’ai réservé un hôtel à Barcelone jusqu’au 1er mars et je suis partie trois jours avant l’invasion des Russes », raconte Melitina Staniouta. L’ennui, c’est qu’elle se trouve vite à court d’argent, sa carte de crédit bloquée. Dans l’incapacité d’accéder à ses comptes en raison des sanctions financières internationales visant les ressortissants russes et biélorusses. « C’est une situation frustrante et inextricable parce que j’ai un passeport biélorusse. Tout le monde me juge sur ce passeport, pas sur ce que je suis, ce que je pense, ce que j’ai fait », s’exaspère la jeune femme. Elle décide de poster un long message sur ses réseaux sociaux pour expliquer sa situation, trouver un travail. Elle reçoit une soixante de propositions émanant d’Australie, des États-Unis, de toute l’Europe. Mais se pose alors la question administrative, son visa touriste expirant au bout de 90 jours. « En Espagne, où la gymnastique rythmique est très populaire, j’ai pu raconter mon histoire à des médias et deux avocats ont fini par me contacter pour m’aider gracieusement. Ils m’ont dit que je pouvais prétendre au statut de réfugié. Mais cette demande prend du temps, parfois plus d’un an, et que l’on n’a pas le droit de travailler dans l’intervalle pendant au moins six mois. Pour être honnête, cela me semble stupide mais c’est la loi », accepte Melitina Staniouta. Une autre option lui est expliquée, ce « passeport talent » qui existe aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et. en France. Une carte de séjour pluriannuelle délivrée notamment à des artistes ou personnes hautement qualifiées, valable quatre ans et renouvelable.
Une situation toujours précaire
Melitina Staniouta se heurte à l’administration mais il s’agit de ma vie mais il s’agit de ma vie. Et je ne vois pas de lumière au bout du tunnel. » Elle hésite un instant, sourit tristement : « A Rio, les conditions étaient vraiment pourries, on cohabitait dans nos chambres sans fenêtre avec des cafards, d’énormes cafards brésiliens. Un vrai cauchemar. Je m’étais promis que je ferai tout pour ne jamais revivre ça, avoir toujours le choix. Six ans plus tard. Je fais attention à moi, ne pas tomber malade, parce que je n’ai pas de couverture sociale. Je ne me plains pas, je m’adapte, j’ai appris le français, je donne le meilleur de moi-même pour le club qui m’a accueillie. Mais je ne vois pas de perspective. »