Suicide d'Elodie, 21 ans, à l’hôpital de Pierrefeu : les questions d'une famille


tout va bien tout va bien tout va bien. » Mais l’important, c’est pas la chute, c’est l’atterrissage. »

seule, dans une unité sécurisée de l’hôpital de Pierrefeu, le 6 septembre dernier.

Suicide d'Elodie, 21 ans, à l’hôpital de Pierrefeu : les questions d'une famille

Aujourd’hui, ses parents Claude et Nathalie Zizzo, sa sœur, Laura, et son frère, Franck, ne peuvent que « parler de ces deux années de merde. On voudrait enfin pouvoir se souvenir de toutes les années où elle a été heureuse. »

Moqueries sur les réseaux sociaux

Élodie est une jeune fille souriante, sensible, qui aime les animaux. Une petite qui, au collège, avait été victime de quelques moqueries sur les réseaux sociaux. « Beaucoup seraient passés au-dessus de ça mais elle, ça la touchait beaucoup. »

Ce qui caractérise la jeune femme c’est son empathie, « sa capacité à se mettre à la place des autres ». Des qualités dont tous les parents rêvent pour leurs enfants, mais qui vont souvent de pair avec des failles que certains savent repérer et utiliser.

À peine majeure, Élodie vit une relation toxique avec sa petite amie de l’époque. Elle est fragilisée et se met à boire. « Mais elle n’était pas encore clairement alcoolique. On a voulu la sortir de là, on espérait qu’elle allait rebondir. » Septembre 2019. Direction Saint-Etienne pour la Mazauguaise qui espère alors devenir infirmière. « Elle avait son propre appartement. C’était important pour elle, qui était très autonome. Une fois par semaine, j’allais la voir, profitant de mes déplacements professionnels », raconte son père Claude.

Trafic, agressions, viol.

Une nouvelle étape dans la vie d’Élodie qui tourne vite au cauchemar. « C’est sa sensibilité qui l’a perdue », estime sa maman. En effet, rapidement, l’expérience stéphanoise vire à l’horreur. « Elle est tombée dans la drogue. Elle vivait près de la gare et, très vite, elle a commencé à fréquenter les mauvaises personnes. Les dealers savent profiter des personnes fragiles. Elle a subi des agressions, a été violée. »

personne ne faisait rien. Rien n’évoluait malgré les séjours en centres de soins. »

Alors qu’elle est hospitalisée au Revest, à sa demande, Élodie aurait subi une agression de la part d’un autre résident. Deux jours plus tard, elle tente de mettre fin à ses jours. Elle entre alors pour la première fois au centre Henri-Guérin de Pierrefeu, un établissement spécialisé dans la psychiatrie. « Dans la panique, nous avons signé pour qu’elle soit hospitalisée sous contrainte. C’est la seule fois. Lors des séjours sous contrainte qui ont suivi, ce sont les médecins qui ont signé les demandes. »

Isolée à l’hôpital de Pierrefeu

Elle est d’abord hospitalisée à Brignoles, avant d’être transférée, contre son gré, à Pierrefeu. Elle sera mise en isolement pendant deux jours. « Quand elle a été hospitalisée, ils se sont gargarisés en nous présentant toutes leurs procédures de sécurité », souffle Claude Zizzo. Après l’isolement, Élodie aurait dû être placée dans une chambre de deux personnes pour ne pas être seule. Elle l’était pourtant quand, le 6 septembre, elle a été retrouvée morte, après avoir mis fin à ses jours. Élodie aurait eu 22 ans le 4 février dernier.

« Une catastrophe rarissime »

Pour son père, sa mère, son frère et sa sœur. Au centre Henri-Guérin, le décès de la jeune femme a « bouleversé les équipes », raconte le docteur Fournel, responsable du pôle centre de psychiatrie pour adultes de l’établissement. C’est lui qui a annoncé la nouvelle aux parents d’Elodie, « le moment le plus dur de ma carrière. »

Selon la direction de l’établissement, les hospitalisations d’Elodie Zizzo ont bel et bien été induites par des troubles psychiatriques dont le diagnostic médical a été posé. « Les soins contraints sont très encadrés juridiquement, soumis à des certifications de différents interlocuteurs et au contrôle du juge des libertés », rappelle Julien Eymard, en charge notamment de la relation avec les usagers.

Des demandes dans des cliniques

« J’entends la souffrance des parents de ne pas avoir trouvé, au sein de l’organisation sociétale les réponses à leurs différents problèmes, assure Vincent Fournel. Elodie Zizzo était prise en charge pour les problèmes d’addictions et des troubles psychiatriques. Des difficultés dures à assumer, surtout à son jeune âge. Nous avons fait des demandes pour elle dans des cliniques, elle a parfois été reçue à l’Escale (le centre d’addictologie de Brignoles), parfois en soins contraints. Ces fluctuations ont eu pour conséquence une multitude d’intervenants. »

La jeune femme a été prise en charge mais « on peut contraindre les soins sur le plan psychiatrique mais on ne peut pas agir sur l’addictologie de manière coercitive. »

Au centre Henri-Guérin, chaque « décision est prise après des évaluations individuelles qui nous permettent d’évaluer si le patient doit être soigné sous contrainte en milieu fermé ou ouvert, si des sorties peuvent être autorisées, quels sont les objets auxquels il peut avoir accès. »

« Les patients sont en sécurité »

« Quand un événement grave survient, on réfléchit à ce qui a été fait. Mais c’est rarissime, ce qui tend à prouver que la plupart des évaluations sont adaptées. »

« C’est la première fois C’est une catastrophe Nous sommes très attentifs à la détection. »

Une main tendue

Episodes de scarification, sorties de l’hôpital, accès aux drogues – « nous avons une politique très claire là-dessus, quand nous trouvons des toxiques nous les saisissons » –, l’accès par Elodie à un sac plastique. Des recherches plus approfondies devraient pouvoir faire la lumière sur les accusations de négligences de la famille d’Elodie Zizzo.

« Je comprends la volonté des parents d’Elodie Zizzo d’alerter les usagers pour pouvoir changer les choses. Mais ils ne doivent pas avoir l’impression qu’ils peuvent se passer de l’accompagnement de l’hôpital, insiste le docteur Fournel. Notre main est toujours tendue. A travers leur regard, leur expérience, nous pourrions peut-être améliorer nos soins, notre prise en charge. »

« Les parents de cette jeune femme ont de vraies questions et nous sommes là pour leur répondre, pour essayer de faire face ensemble, humainement et collectivement. Nous sommes preneurs d’un dialogue, nous sommes là pour eux », assure Julien Eymard.