Vacciner les enfants ou donner les doses à Covax : le dilemme des pays riches


L’écart de la vaccination contre le Covid-19 entre les pays riches et les pays défavorisés se creuse. Selon une étude diligentée par Covax, un tiers des populations des premiers nommés ont déjà eu au moins une première dose contre 0,2% pour les pays pauvres. Pour y remédier, le patron de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, demande aux pays de renoncer à vacciner les enfants et les adolescents – moins enclins jusqu’à présent à développer des formes graves de Covid – pour mettre leurs doses à disposition de Covax. 
« Je comprends pourquoi certains pays veulent vacciner leurs enfants et leurs adolescents, mais je vous demande de penser à y renoncer et donner plutôt les vaccins à Covax », le système international mis en place pour garantir un accès équitable aux vaccins, a déclaré vendredi dernier le directeur général de l’OMS.  
Depuis des mois, il dénonce le nationalisme vaccinal, qui au regard de la pénurie de doses disponibles prive de nombreux pays de pouvoir protéger y compris les personnes les plus vulnérables et les personnels soignants, quand l’Union européenne ou les Etats-Unis promettent de vacciner une vaste majorité de leur population d’ici l’été. 
Offre limitée. 2 mois pour 1€ sans engagement
L’Unicef plaide également pour que les pays du G7 et des membres de l’UE partagent 20% des volumes à leur disposition en juin, juillet et août, ce qui permettrait de donner plus de 150 millions de doses de vaccins anti-Covid à des pays défavorisés. Le tout, « en remplissant toujours leurs engagements en matière de vaccination de leur propre population », souligne Henrietta Fore, la directrice générale de l’agence onusienne. 

Une question de santé mondiale

Pour les partisans du partage il ne s’agit pas seulement d’un impératif moral pour que les pays pauvres puissent vacciner leurs personnels soignants et leurs populations les plus vulnérables. Une forte circulation du virus où que ce soit, faute d’immunisation, pourrait donner naissance à des variants plus contagieux, plus mortels et peut-être résistants aux vaccins actuels, réduisant à néant les efforts déjà faits. 
« Nous nous inquiétons de ce que la poussée en Inde ne soit qu’un précurseur de ce qui va se produire ailleurs, souligne le communiqué de l’agence onusienne. Les cas explosent et les systèmes de santé sont mis à rude épreuve dans des pays proches comme le Népal, le Sri-Lanka et les Maldives ou lointains comme l’Argentine et le Brésil ». 
Le directeur général de l’OMS a prévenu vendredi : « Le Covid-19 a déjà coûté la vie à plus de 3,3 millions de personnes et au train où vont les choses, la deuxième année de la pandémie sera beaucoup plus meurtrière que la première ». 

La vaccination des enfants en France, pas prioritaire

Mais d’autres défendent la vaccination des enfants comme une politique nécessaire, notamment pour atteindre l’immunité collective. Les études sur l’efficacité des vaccins chez les enfants se multiplient. La firme américaine Pfizer et la biotech allemande BioNTech ont déjà publié des résultats concernant l’efficacité de leur vaccin chez les personnes mineures : il est efficace à 100% chez les 12-15 ans. C’est pourquoi certains pays comme les Etats-Unis, le Canada ou Israel ont commencé ou envisagent de vacciner leurs ressortissants mineurs.  
En Europe, l’injection du vaccin Pfizer/BioNTech est déjà autorisée aux plus de 16 ans. L’Agence européenne du médicament (AEM) pourrait donc revoir l’autorisation du vaccin et élargir son accès, au moins pour les 12-15 ans. L’Allemagne souhaite ainsi ouvrir la vaccination à tous les adolescents de plus de 12 ans d’ici la fin du mois d’août, sous réserve de l’autorisation de l’AEM. 
Toutefois, en France, la question de la vaccination des enfants reste pour l’instant secondaire. « Ce n’est pas tout de suite, mais c’est peut-être », a ainsi répondu Olivier Véran, le ministre de la Santé, interrogé lundi par BFMTV. « Ce n’est ‘pas tout de suite’ parce que d’abord nous devons vacciner les adultes et qu’il nous reste encore un certain nombre de dizaines de millions de Français à vacciner », a-t-il détaillé. « Et ensuite c’est ‘peut-être’ parce que des autorités sanitaires estiment que ça pourrait être nécessaire, au moins en descendant jusqu’à l’âge de 12 ans ». « Encore une fois, je ne veux pas aller trop vite, a ajouté le ministre. De toute façon ce n’est pas d’actualité parce que nous avons des adultes à vacciner en priorité ». 

L’effort de partage des Etats-Unis

Les Etats-Unis ont beau faire partie des pays ayant autorisé la vaccination des mineurs âgés de 12 à 18 ans, ils ont cependant annoncé lundi l’envoi de 20 millions de doses supplémentaires de vaccins contre le Covid-19 vers des pays tiers, après avoir été longtemps critiqués pour avoir tardé à partager leurs vaccins, Le pays assure aujourd’hui que le rythme va désormais s’accélérer de manière significative. 
« Aujourd’hui, j’annonce que nous allons partager des doses Moderna, Pfizer et Johnson & Johnson avec le reste du monde », a annoncé Joe Biden, affichant sa volonté de travailler au sein du système international Covax. Cette annonce porte à 80 millions le nombre total de doses de vaccins promises par la première puissance mondiale depuis le début de la pandémie. « Cela fera plus de vaccins qu’aucun pays n’a jamais partagés, cinq fois plus qu’aucun pays », a martelé le locataire de la Maison-Blanche. 
La France pour sa part a annoncé un don de 500 000 doses à Covax, la Suède 1 million et la Suisse réfléchit à en donner autant. 

Pénurie de vaccins pour le programme Covax

Car les vaccins anti-Covid continuent à faire cruellement défaut faute de production suffisante, et le système international Covax est très loin du compte. Il devait assurer une immunisation de 20% des populations des pays participants d’ici la fin de l’année. Mais en juin, il manquera approximativement 190 millions de doses au système Covax – mis en place par l’Alliance du vaccin (Gavi), l’OMS mais aussi la Cepi (Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies) – par rapport aux volumes initialement prévus.  
L’objectif des 20% « est en danger », a mis en garde le docteur Bruce Aylward, chargé du dossier Covax à l’OMS lundi. « On peut rattraper le retard si les pays qui le peuvent font les dons, a-t-il souligné. Nous déterminons notre avenir en ce moment même ». 
L’Inde devait fournir la très grande partie des doses de vaccin à Covax cette année, mais l’explosion de la pandémie dans le pays a poussé les autorités à interdire les exportations de sérum pour les utiliser sur place. Par conséquent d’ici la fin mai, 140 millions de doses manqueront à l’appel pour Covax et encore 50 millions en juin. La pénurie de vaccins par ailleurs et le manque de fonds ajoutent encore aux difficultés. 

En attendant des mesures plus pérennes pour accroître nettement la production, « partager immédiatement les doses en trop est une mesure a minima, essentielle et d’urgence, dont on a besoin tout de suite », souligne l’Unicef. 

Opinions

Le meilleur des mondesPar Sylvain FortSciencesJean-Marc JancoviciUn autre mondePar Frédéric FillouxPax EnergeticaPar Cécile Maisonneuve, présidente de La Fabrique de la Cité