Football : Inventaire post-traumatique pour l’équipe de Suisse en vue de 2023


Publié4 janvier 2023, 10 :08

Football : Inventaire post-traumatique pour l’équipe de Suisse en vue de 2023

la confusion s’estompe, le temps répare, le glas de l’humiliation espace sa funeste rythmique, l’équipe de Suisse pense sans doute déjà aux échéances de mars: les deux premiers matches de qualification pour l’Euro 2024. Sauf que son dernier repère, c’est ce 6-1 encaissé en huitième de finale à Doha, face au Portugal, le pire camouflet de l’histoire helvétique à ce niveau.La Suisse ne peut se faire l’économie d’une vraie remise en question, sauf à considérer qu’il n’y avait là qu’un accident de parcours sans conséquences. Ce qui est faux : il y a eu une rupture, rien d’accidentel, beaucoup trop de signes avant-coureurs l’ont précédée, pendant que d’autres masquaient le trouble naissant. C’est tout cela qu’il faut mettre sur la table avant les prochaines échéances. On peut parler de crever l’abcès, ou de faire table rase. Par-delà la terminologie, une nécessité.

Football : Inventaire post-traumatique pour l’équipe de Suisse en vue de 2023

La part de Murat Yakin

Il y a eu une adhésion de surface, forcée, portée par des résultats heureux. Et très vite des incompréhensions, dont certains cadres se sont fait l’écho plus ou moins ouvertement.Au Qatar, après la débâcle, les langues se sont déliées plus encore. Pour évoquer les curieux choix de Yakin. Le simple fait de passer contre le Portugal à une défense à trois sans l’avoir entraînée et en avertissant les joueurs quelques heures avant le match est révélateur d’un mode de fonctionnement. Cela vaut aussi pour la constitution de la sélection : un groupe qui s’en est allé au Mondial sans latéraux de rechange, avec quatre gardiens, ou avec des curiosités décisionnelles (Frei convoqué, Zakaria sur le banc). Yakin a évidemment toute légitimité pour imposer ses idées, c’est lui le patron. Mais il ne peut pas avancer seul sur ce chemin, sans l’adhésion des joueurs. L’humiliation de Doha l’a rappelé sévèrement. De tout cela, il va falloir parler pour définir des lignes plus claires, plus logiques, plus concertées.

La part des joueurs

Le 6-1, c’est aussi le naufrage des internationaux sur le terrain. Les illuminations tactiques de Yakin n’ont pas aidé, c’est vrai. Mais quand toute l’équipe court 10 kilomètres de moins que le Portugal, il y a un problème.Cette génération qui a atteint un quart de finale à l’Euro en 2021 est donc aussi celle qui s’effondre un an et demi plus tard. Entre écrire l’histoire et la piétiner, une imposture? Non. Une fragilité qui rappelle la pertinence du travail effectué par Petkovic, sur lequel Yakin n’a pas voulu vraiment s’appuyer alors que les joueurs ne demandaient qu’une forme de continuité. De là, les tensions et les incompréhensions. De là, également, le besoin impératif d’en parler.

La part de l’ASF

Au lendemain du 6-1, l’ASF a plié l’affaire sans se formaliser, dans une conférence de presse un peu lunaire. En résumé : oui, c’est douloureux, mais non, le camouflet ne remet rien en question de l’excellent travail fourni par Yakin et ses joueurs. Circulez, il n’y a rien à voir ! Pas même le fiasco tactique, les tensions internes, le relationnel problématique entre les cadres (notamment Xhaka, Shaqiri, Sommer) et le sélectionneur? Non. Au mieux, l’ASF a voulu botter en touche; au pire, elle est sourde et aveugle au malaise.C’est Pierluigi Tami, directeur des équipes nationales, qui a contacté Murat Yakin en août 2021 dans l’urgence, après le départ surprise de Vladimir Petkovic. Le résultat brut de l’opération n’a rien de honteux, au contraire : une qualification au Mondial devant l’Italie, un maintien dans l’élite de la Ligue des Nations, un huitième de finale atteint. Mais dans le fond : une régression dans le jeu, un style qui s’est effacé, des assurances fortement ébranlées.L’examen de conscience concerne aussi l’ASF, qui doit se poser toutes les questions, y compris celle touchant à la place de Yakin. Continuer avec lui, c’est là aussi y mettre des formes mieux définies.

Le cas Xhaka

au-delà de ses motivations personnelles. Cela ne plaît sans doute pas à certains, mais c’est incontestable. Et s’il est le patron des joueurs, ce n’est pas par procuration : il l’est par cooptation de tout le groupe. Lui retirer le brassard ne ferait aucun sens, sauf symbolique, il demeurerait le leader naturel du groupe. Dans l’absolu, il devrait l’être conjointement avec Murat Yakin, comme ce fut le cas sous Petkovic. Mais cela n’a jamais été le cas.

Quel avenir suisse?

Dans le groupe de qualification le plus faible qui soit (Roumanie, Biélorussie, Israël, Kosovo et Andorre pour adversaires), la Suisse doit finir à l’une des deux premières places. Il est impensable qu’elle n’y parvienne pas. Mais cela ne dispense ni Yakin, ni l’ASF, ni les joueurs, de repenser à ces derniers mois, cette année 2022 terminée dans la bouillie de ce 6-1 contre le Portugal. Parce qu’il y a comme un malaise qui couve à l’interne, qu’il faut dissiper. D’une manière ou d’une autre.