Clémentine a 30 ans et est journaliste à franceinfo. En juin 2022, on lui diagnostique un cholangiocarcinome, un cancer digestif rare et très agressif. Elle raconte son combat face à la maladie, ses espoirs et ses doutes. Elle a notamment dû faire face à la question du pronostic.
Clémentine avoue elle-même poser beaucoup de questions aux médecins, qui consacrent beaucoup de temps à lui répondre. Mais elle a le sentiment qu’ils « n’ont jamais vraiment répondu » à celle du pronostic. « C’est la première qu’on se pose quand on est malade. Quelles sont mes chances ? Est-ce que j’ai trois mois, six mois, deux ans ? Est-ce que je vais guérir ? » La réponse qui lui est apportée est bien plus complexe. « Chaque cancer est différent. Pour l’instant, on ne connaît pas votre maladie. On ne sait pas en combien de temps elle s’est développée ni comment vous allez répondre au traitement », lui explique-t-on.
« J’ai bien voulu l’entendre mais, en même temps, il y avait une partie de moi qui voulait savoir un peu à quoi s’attendre », se remémore-t-elle. Elle dresse alors une métaphore à ses oncologues : « Est-ce que c’est un petit chaton que j’ai devant moi ou un chat adulte avec un bazooka ? » La réponse n’est pas très rassurante : « Le chat n’a pas le bazooka mais on est quand même sur du chat adulte. »
Environ 10% de survie à cinq ans
Environ six mois plus tard, Clémentine passe une soirée difficile, au cours de laquelle elle a très mal au ventre et n’arrive pas à s’endormir. Elle finit par vomir et la question du pronostic, en ce moment difficile, lui revient en tête de manière très insistante. Elle fait des recherches sur Internet et les chiffres sont très sombres : entre 7 et 10% de survie à cinq ans pour les malades qui sont opérables, une survie quasi nulle pour les autres, dont elle fait partie.
« Tout vrille dans mon cerveau. Je savais que c’était grave mais de prendre ça dans la tête… Je le sentais depuis le début mais, oui, je vais y laisser ma peau. Je ne vais pas m’en sortir. »
Elle s’interroge alors sur la pertinence des traitements et l’opportunité de vivre le temps restant autrement. « Tu n’as pas envie de vivre pareil s’il te reste entre six et huit mois. C’est pour cela que j’avais besoin d’un pronostic. »
Devoir laisser ses proches derrière soi
Si elle reste consciente que les médecins n’ont pas évoqué une mort aussi proche, les chiffres ne sont vraiment pas bons. « Étonnamment, je suis à la fois étrangement calme et déçue de me dire que ça va s’arrêter sûrement très vite, qu’il va falloir apprendre à profiter de tous les moments. » Elle pense beaucoup à ses proches. « Ce qui fait le plus mal, c’est que mes parents, mon conjoints et mes sœurs vont peut-être vivre avec ce poids toute leur vie. Il y a tout cette injustice pour les autres. J’ai des neveux et nièces que j’adore et qui m’adorent. Je n’ai pas envie qu’ils assistent à mon enterrement. Je trouve ça horrible et trop dur. »
Quelques jours plus tard elle écrit son ressenti pour coucher les émotions sur le papier. « Je sentais la mort me rôder autour depuis des mois, mais j’ai désormais l’impression qu’elle a posé la main sur mon épaule, presque amicalement, comme pour me prévenir qu’il allait falloir préparer son sac, mettre ses affaires en ordre pour le grand voyage. Je finis par aller me coucher avec deux questions qui tournent dans ma tête sans que je puisse les résoudre : que dois-je faire du temps qu’il me reste ? Que restera-t-il de moi après ? Je m’endors avec l’angoisse d’être oubliée très rapidement après ma disparition, ne laissant aucun héritage derrière moi. »
Les médecins ne l’ont pas laissée complètement face à un pronostic incertain et nébuleux. Dès le début, ils ont évoqué une potentielle chronicité de la maladie, c’est-à-dire que Clémentine continuer à vivre, mais en étant malade tout le temps. À l’image d’un diabète, elle aurait un traitement en permanence. « Ils me disent que leur objectif est que la tumeur ne progresse pas mais que ça n’est pas de me guérir. » Alors qu’elle a à peine 30 ans, elle accuse le coup. « Je me dis que la maladie va m’enfermer toute ma vie, que je devrai toujours composer avec elle. Quoi qu’il arrive, soit je meurs, soit je vis avec. C’est extrêmement dur à accepter mais je n’ai pas envie de mourir. De fait, c’est donc ma meilleure option. »