« Je suis encore un cheval fou », Kongo se confie avant son combat à Paris pour le titre du Bellator


Pionnier du MMA français, Cheick Kongo aura l’honneur à 46 ans de combattre à Paris (Bercy) le 6 mai prochain pour le titre des lourds du Bellator, deuxième plus grande organisation de la discipline. Un choc face au champion Ryan Bader à suivre sur RMC Sport et revanche d’un premier affrontement entre les deux pour le titre en septembre 2019, conclu sur un « no contest » pour doigt dans les yeux involontaire de l’Américain. Le Français s’est livré à RMC Sport après l’officialisation de ce combat qu’il attend avec impatience.Cheick, vous nous aviez raconté votre plaisir de participer au premier événement Bellator à Paris en octobre 2020. Qu’est-ce qui vous est passé par la tête quand vous avez appris que vous alliez remettre ça en mai 2022 mais cette fois dans un combat pour le titre des lourds, une première pour un combattant tricolore en France?Je me suis dit: « Enfin! » (Rires.) Ce dernier combat que j’ai fait sur le sol français s’était malheureusement soldé par une défaite (sur décision partagée contre Timothy Johnson, ndlr). L’idée de base était déjà de faire ce deuxième combat contre Ryan Bader mais il s’était malheureusement débiné à la dernière minute et il a fallu faire ce combat à Paris. Ils voulaient mettre d’autres personnes mais on m’avait demandé de ce que je pensais d’affronter un autre adversaire au dernier moment et j’avais dit: « Ecoutez, c’est chez moi et faire un événement sans moi sur le territoire français ne serait pas bon ». Là, pouvoir laver cet affront et ramener en plus un titre, c’est magnifique.>> Suivez Bader-Kongo au Bellator Paris et toutes les plus grandes soirées de MMA avec les offres RMC SportLa période est compliquée sur le plan sanitaire et les choses changent très vite mais il existe une véritable chance que la salle puisse être remplie en mai. Est-ce que cela compte aussi à vos yeux après la frustration de la jauge très limitée en octobre 2020?Oui, bien sûr. Pour ma part, je suis un peu dans cette optique: qu’il y ait du public ou non, peu importe, l’important est de combattre. Mais pour tous les aficionados de cette discipline qui aiment partager leur passion en live sur ce type d’événements, c’était en effet une grosse frustration. De mon côté, le fait d’avoir été confiné en arrivant et de ne pas avoir pu rencontrer mes proches avant l’événement était déjà une souffrance. Mais pour ceux qui apprécient cette discipline ou qui en vivez, qui l’avez poussée jusqu’où où elle en est aujourd’hui, c’était pire qu’une punition. Les restrictions sont aujourd’hui moins strictes en on espère qu’elles vont encore s’améliorer avec le temps en approche de l’événement. Ce serait le top.On se dit que s’il en y a un qui méritait de faire le premier combat pour un titre d’une grande organisation mondiale en France, c’est bien vous, pionnier de la discipline dans notre pays. Vous partagez ce sentiment? Vous vous dites que vous l’avez un peu mérité pour tout ce que vous avez fait pour cette discipline dans notre pays?Je dirais que je suis parti comme un conquérant. Quoi qu’il en soit, on rentre toujours chez soi. On a beau partir, le retour final est à la maison. Donc oui, effectivement, c’était plus qu’un désir. Au fond de moi-même, c’est un appel lointain. Un conquérant a toujours besoin de se ressourcer auprès des siens. Et pour moi, c’est la France. Quand j’ai appris la nouvelle, c’était une sorte de libération. Comme si ma perpét était finie. (Sourire.) Moralement et physiquement, pour moi, ça va être un passage de flambeau, même si certains se sont déjà envolés et ont pris leurs marques.Y a-t-il en tête l’idée de se dire que vous pourriez raccrocher les gants si vous remportez ce titre à Paris devant vos proches?(Rires.) En toute franchise, j’ai une chose énorme de pouvoir combattre aujourd’hui. Bien sûr, mon âge fait qu’il faut savoir être raisonnable. Et la raison me rappellera à l’ordre. Mais pour l’instant, je suis encore ce cheval fou, qui a encore les watts. Le Bellator a des choses à montrer au monde et je suis partant pour relever les défis.Votre CV affiche 42 combats de MMA depuis vos débuts professionnels en 2001. Après une telle carrière, avez-vous encore l’impression d’apprendre et de progresser combat après combat?On apprend toujours. Lors de mon dernier combat à Paris, j’ai fait des erreurs de débutant que je n’aurais pas dû faire, en termes de repos et surtout d’alimentation. C’est ce qui m’avait manqué sur la fin, où je m’étais écroulé non parce que j’avais été épuisé par le combat mais car je n’avais pas pu m’alimenter correctement là où je me trouvais. Devenir un maître, c’est la quête de la perfection. Je m’entraîne avec des gens de tous les niveaux, des pros de MMA, des pros en lutte, des pros en jiu-jitsu, mais aussi des gens moins expérimentés, et parfois, sur des échanges simples, je réalise que des débutants arrivent à me piquer quand les pros ne le font pas. Je me dis: « Purée, je l’ai bien sentie celle-là! » Même si le débutant a subi comme jamais, je me dis qu’il ne m’aurait jamais touché si j’avais fait ci ou ça techniquement. On apprend tous les jours. J’ai récemment reçu la visite de très bons athlètes, venus pour que je les entraîne, et le fait d’être là pour les pousser fait qu’ils me motivent aussi à rester dans cette mentalité et c’est magnifique. Ça me permet de continuer à m’améliorer. C’est un honneur d’être toujours présent physiquement, moralement, de pouvoir échanger et communier avec les autres. En tant que compétiteur, on cherche toujours le top et c’est toujours plaisant d’apprendre, surtout quand on n’en prend pas plein la gueule. (Rires.)Vous allez combattre pour le titre du Bellator à 46 ans. Un combattant expérimenté comme vous imagine-t-il la fin de sa carrière ailleurs que dans une des plus prestigieuses organisations de MMA? Pourriez-vous combattre pour des organisations de seconde zone si rien d’autre ne se présentait?J’avais un entraîneur de boxe thaïlandaise, Jean Méliani, qui disait: « Le plus important n’est pas d’y être mais d’y rester ». Jusqu’à aujourd’hui, mon adage et ma ligne de conduite ont été de rester au top. J’ai malheureusement dû faire des choix de carrière car j’étais en contradiction avec certaines personnes, tout simplement. Les gens auraient aimé me voir continuer là où j’étais avant (à l’UFC, de 2006 à 2013, ndlr) mais j’en ai décidé autrement car je n’étais pas d’accord. Et aujourd’hui, je vois certaines choses du même ordre qui font polémique. Je n’en parlais pas car comme on dit, on ne mord pas la main qui vous nourrit. J’en ai sous la caboche comme tout le monde et j’aurais des choses à dire mais les gens ne pourraient pas comprendre. Le tout, c’est d’être intelligent et de savoir rebondir, mais aussi ne pas se projeter que sur le sport car c’est éphémère en termes de professionnalisme même si je repousse les limites. Ce qui est agréable, c’est de voir que le sport n’est pas qu’une question d’âge. On a pu voir des grands noms des sports de combat revenir et remettre les gants avant tout pour eux-mêmes et pour montrer qu’ils en avaient encore sous le capot.Ryan Bader (à gauche) et Cheick Kongo se font face lors de l’annonce de leur combat pour le titre © DR/BellatorVous faites partie de la génération de combattants MMA qui venaient d’autres arts martiaux. La nouvelle génération a souvent grandi au MMA en commençant directement par ça. Sentez-vous la montée globale du niveau de la discipline grâce à cela?C’est une question de symbiose. Ce qui me surprend à chaque fois, c’est de voir cette facilité des jeunes talents d’assimiler aussi vite toutes les facettes de la discipline. Ce sont des éponges qui aspirent tout quand il faut progresser pour les prochains combats. Je me rappelle avoir galéré et je vois des types qui en ayant ingurgité quelques vidéos et en ayant travaillé trois ans se retrouvent au top de leur catégorie. C’est magnifique. Ce qui reste agréable pour moi, et malheureusement pour eux, c’est qu’ils n’ont pas encore cet instinct du combat car tout est déjà schématisé dans leur tête. Ils n’ont pas cet instinct de survie et surtout cet instinct du tueur. Quoi qu’il arrive, il faut tuer la bête ou prendre l’ascendant pour remonter d’une situation et gagner.Ce combat pour le titre se fait contre Ryan Bader mais aurait aussi pu vous opposer au Russe Valentin Moldavsky, battu par l’Américain sur décision unanime pour la ceinture ce samedi. Vu ce qui s’était passé dans votre premier combat pour le titre contre Bader en septembre 2019, sa première défense de la couronne, étiez-vous particulièrement heureux que ce soit lui en face pour une revanche?J’étais plus qu’heureux. En regardant le combat, j’étais comme un enfant. J’étais excité, je tremblais, je frappais avec frénésie sur mon manager. Il m’a demandé ce qui m’arrivait et je lui ai répondu: « Ohlalala, il ne faut pas qu’il perde! » (Rires.) J’ai été agréablement surpris car avant le combat, pour moi, il ne gagnait pas. D’ailleurs, il a créé la surprise. Il est revenu de très loin après deux défaites dans ses trois combats précédents, dans la catégorie inférieure. Revenir fort après ça, faire la différence pour prouver qu’il n’était pas fini, c’était du grand art. Après, à mon sens, j’ai vu un Ryan vraiment explosif et déterminé. Il voulait laver ces affronts, je pense. Mais à l’annonce du prochain combat, quand je suis monté dans la cage, je pense que ça a été la douche froide pour lui. Il était satisfait mais pas tant que ça en me voyant. Les gens peuvent dire que j’en rajoute mais ça a été mon ressenti, même quand j’ai revu la vidéo de cet échange. Je suis plus que content de le retrouver. (Sourire.)Que vous êtes-vous dit lors ce court échange verbal dans la cage?Ça a été rapide. Avant le face-à-face, rien ne s’est dit. Et quand on s’est rapproché, je me suis dit que j’espérais qu’il était maître de ses mouvements car s’il avait essayé de déclencher quelque chose, ce serait parti en tornade. C’est difficile à traduire mais je lui ai dit (il se lance en anglais, ndlr): « Le karma est une garce! Tu as fait du bon boulot, félicitations, mais crois-moi, je vais te défoncer! Tu es un homme mort! Prépare-toi bien car je ne te laisserai pas faire ce que tu m’as fait la dernière fois. »Avez-vous une motivation supplémentaire contre lui en raison du scénario de ce premier combat?La motivation supplémentaire, c’est l’âge. Je suis excité, oui. Mais je suis aussi un gros revanchard car je n’avais pas pu donner ce qu’il fallait lors du premier combat. Bader avait tout donné sur le premier round donc on pourrait effectivement croire que le combat était à sa main. Mais non. C’était juste ma période de chauffe, pour voir ce dont il était capable, et au moment où il sentait que les carottes étaient cuites est survenu l’incident. Après cela, il n’a pas voulu remettre ce titre en jeu car il sentait que ce n’était pas jouable pour lui et il a préféré se terrer dans la catégorie inférieure. Malheureusement, il a fallu faire des pieds et des mains pour pouvoir revenir. J’étais en stand-by donc il fallait que je reste actif en acceptant un combat de dernière minute pour pouvoir briller dans mon pays. Malheureusement, les choses se sont mal passées. Après, il a fallu revenir derrière avec un autre combattant qui était une bête de scène comme moi et que personne ne voulait affronter (Sergei Kharitonov, qu’il a battu sur soumission en août 2021, ndlr). Mais bonne pioche pour lui, c’était moi en face. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, j’ai littéralement nettoyé la catégorie.Dans votre tête, y a-t-il un autre scénario qu’une victoire et la ceinture autour de votre taille?Non, non, non. Si je fais bien mon travail, basta… C’est comme ce qui s’est passé avec Kharitonov. Au début, je me disais qu’on allait s’en tenir au plan. Mais j’avais carrément oublié que le gars envoyait des parpaings. (Rires.) Il y a des échanges qui se font, pas de souci, mais à un moment je me dis: « Purée, qu’est-ce que je fais là? » Mais après, je me suis dit que c’était fini la beauté du geste, que le gars était une machine et qu’il fallait donc sortir le bulldozer, le concasseur qui broie les machines, et arrêter de tergiverser sinon c’est essayer de s’enliser dans un ‘à toi, à moi’ alors que j’étais largement au-dessus. Et c’est ce qui s’est passé. Si j’étais rentré dans son jeu, il aurait pu m’avoir et développer son jeu mais aujourd’hui, c’est fini. Je n’ai pas le temps. Ma technique est faite pour rencontrer n’importe quel type d’adversaire. Que je perde ou que je gagne, je sais ce qu’elle vaut. Je suis meilleur. Mais il faut savoir utiliser ses armes au bon moment. Ma machine est rodée, j’ai un cardio de folie, une force de folie, un panel technique de folie, je dois juste arrêter de cogiter et rentrer dans le vif du sujet. Et c’est ce que je ferai.Une rumeur disait que Ryan Bader aurait pu affronter cet été Fedor Emelianenko, qu’il avait battu pour le titre en 2019, pour le dernier combat de la légende russe. Si vous battez l’Américain, seriez-vous intéressé par Fedor pour son combat de retraite?Fedor ou quiconque, ce n’est pas un souci. Mais mon objectif premier est Bader pour faire brûler la flamme à Paris comme il se doit. Fedor, c’est une autre histoire. On a le temps.Le combat entre Ciryl Gane et Francis Ngannou pour le titre des lourds de l’UFC a eu beaucoup de répercussion médiatique en France. On sent que le MMA, longtemps mal vu, est en train de passer un cap dans notre pays. Le pionnier que vous êtes et qui a apporté une énorme pierre à l’édifice dans le passé est-il fier de voir ce développement?Comment je pourrais dire ça? J’en perds mes mots… Ce n’est pas juste exaltant, c’est un véritable baume au cœur. Voir ce sport devenir populaire, voir cette discipline grandir et sortir de son anonymat et de sa réputation de sport de voyous pour rejoindre les autres activités de sports de combat comme la boxe, le judo ou le karaté, la voir peu acquérir ses lettres de noblesse, c’est génial. Les gens voient enfin que c’est un sport comme un autre, cadré comme il se doit avec des règles et des structures. Pour tous les aficionados et les licenciés qui pratiquent, ça ne peut que les pousser vers l’avant.