POINT DE VUE. Climat : la quadrature du Giec


© CHRISTOF STACHE, AFP
Une maison détruite par les inondations, à Schuld, en Rhénanie-Palatinat, dans l’ouest de l’Allemagne, le 16 juillet.

Le rapport du Giec, rendu lundi 9 août, évoque des conséquences graves, voire irréversibles des changements climatiques. Pour Jean-François Bouthors, journaliste et écrivain, tout l’enjeu, pour les experts sur le climat, « c’est de faire comprendre aux responsables politiques nationaux et internationaux qu’il n’est plus possible de tergiverser. Et d’alerter tout en se gardant de semer la panique. »C’est sur fond de graves dérèglements climatiques que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a publié lundi 9 août ses nouvelles prévisions : inondations catastrophiques en Chine, en Allemagne, en Belgique, incendies incontrôlables en Grèce, en Turquie, dôme de chaleur et incendies impressionnants au Canada, etc.En novembre, la Cop 26 se réunira à Glasgow, en Écosse. Tout l’enjeu, pour les experts sur le climat, c’est de faire comprendre aux responsables politiques nationaux et internationaux qu’il n’est plus possible de tergiverser : le seuil d’un réchauffement de la planète de + 1,5 °C, que l’accord de Paris visait à ne pas dépasser, devrait être atteint autour de 2030 ! Alerter, donc, tout en se gardant de semer la panique, ce qui compliquerait encore la situation alors qu’il va falloir prendre enfin le taureau par les cornes.Des conséquences « irréversibles »En juin, pour peser sur la Cop 26, le Giec a donné une première idée de sa future évaluation des impacts des changements climatiques déjà en cours (le document final est attendu pour février 2022). Il est d’ores et déjà question de « conséquences graves pendant des siècles », voire « irréversibles », si la limite des + 1,5 °C est franchie. « Les niveaux actuels d’adaptation seront insuffisants pour répondre aux futurs risques climatiques, annonçaient les experts du climat. La vie sur Terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes […]. L’humanité ne le peut pas. »Pour les responsables politiques qui se réuniront à Glasgow, sur fond de crise sanitaire toujours non maîtrisée, la question climatique a tout de la quadrature du cercle. Comment combiner des priorités « divergentes » : celle des mesures à prendre pour contenir le réchauffement climatique – et pour limiter l’effondrement de la biodiversité – et celle de préserver l’activité économique des conséquences du Covid, en retrouvant de la croissance ?L’humanité capable d’un sursaut ?Trouver la réponse à cette question est d’autant plus difficile que les rivalités de puissance ont pris le pas sur le multilatéralisme. Donald Trump s’est employé pendant quatre ans à le défaire, et il n’a pas été le seul. Le levain du chacun pour soi fermente dans toutes les opinions publiques, jusqu’au sein de l’Europe elle-même.Dans ces conditions, dira-t-on, pourquoi faire, chez nous, des efforts si d’autres, chez eux, ne jouent pas le jeu ? Prendre des décisions difficiles est d’autant plus compliqué et périlleux qu’il y a un décalage de quelques années entre ce qui est fait (ou pas), en bien ou en mal, et ce qui en résulte (sans qu’on en soit tout à fait sûr). Les dérèglements actuels étaient annoncés par les experts du climat. C’est à peine si nous les avons crus. Or ils se produisent plus vite que prévu, et semblent faire « boule de neige ». L’humanité sera-t-elle capable d’un sursaut ? La défiance actuelle des opinions publiques incite à en douter !Autre signe de notre faible mobilisation planétaire pour préserver l’avenir : le 29 juillet, l’humanité a dépensé pour l’année 2021 l’ensemble des ressources que la Terre peut régénérer en un an, annonçait le Fonds mondial pour la nature (WWF). L’effet Covid, observé en 2020, est donc effacé ! Et la fuite en avant continue. Les enfants nés cette année en France peuvent espérer vivre jusqu’en 2100. D’ici là, que sera devenue la planète, si nous ne parvenons pas à nous entendre pour préserver notre avenir commun ?