L’avion est-il condamné par le changement climatique ? Le débat agite la sphère publique depuis plusieurs mois, notamment durant l’été au travers de la polémique des jets privés dont certaines organisations écologistes voulaient interdire l’usage. Le poids de l’aérien civil grandit en effet dans les émissions mondiales de CO2, à hauteur de 3%, à tel point que certains demandent une réduction massive du trafic aérien.
Dans une interview à France Inter la semaine dernière, le membre du Haut conseil pour le climat, par ailleurs président du Shift Project, a appelé à un rationnement drastique. « L’avion représente 8% du pétrole mondial, il est né avec le pétrole et va mourir avec lui. Il n’existe pas de solution technique à l’échelle (industrielle, NDLR) pour conserver les quelques milliards de passagers aériens par an ». « Je trouve que de gérer par les quantités est plus égalitaire que par les prix », expliquait alors l’ingénieur, ajoutant qu’il faudrait probablement limiter à trois ou quatre, le nombre de vol réalisables sur toute une vie.
Une proposition qui fait tiquer le PDG de Voyageurs du Monde, Jean-François Rial. Le spécialiste du voyage sur mesure et d’aventure, qui pèse 500 millions d’euros de chiffre d’affaires, reconnaît l’urgence pour le secteur à décarboner ses activités. L’entreprise, qui indique compenser à 100% ses activités via la plantation de 3 millions d’arbres par an, appelle cependant à ne pas opter pour une réglementation trop brutale qui viserait à couper toutes ses ailes à l’aérien.
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L’Express : Depuis plusieurs mois, le secteur de l’aérien attire les regards. Son poids grandit dans les émissions mondiales, et beaucoup appellent aujourd’hui à une réduction massive du trafic aérien. Comment recevez-vous la polémique ?
c’est qu’il est impossible pour le secteur aérien de décarboner à la bonne échelle. Je ne suis pas d’accord avec lui. Il existe des procédés, dans les carburants de synthèse, dans l’hydrogène vert, qui nous permettront de décarboner l’aviation. Là où il a raison, c’est sur le délai et les coûts. On n’y arrivera sans doute pas pour permettre de limiter les émissions à 1,5°C en 2050.
Car ce qui vaut pour l’aviation Pour supprimer les énergies fossiles énergies renouvelables et hydraulique). Atteindre la neutralité carbone en 30 ans ne me paraît pas jouable vu ce besoin massif d’électrons décarbonés.
Si on faisait simplement 25% du total, qui est un objectif selon moi crédible, on diviserait par deux les émissions nettes annuelles de CO2 pendant 25 ans. On gagnerait beaucoup de temps. La France devrait imposer un leadership sur le sujet.
C’est un pari réparateur qui rend sceptique les scientifiques. Même le patron d’Aéroport de Paris, Augustin de Romanet, admettait il y a quelques jours la nécessité de dépasser la course au volume dans l’aérien et la remise en cause de certains usages de l’aérien.
Mais nous sommes alignés. Je pense qu’il faut tout faire pour réduire l’impact de l’avion, limiter autant que possible les vols avec correspondance, électrifier toutes les activités aéroportuaires au sol, privilégier le train quand c’est possible sous condition que celui-ci soit une alternative fiable. Aujourd’hui avec la SNCF, vous ne pouvez même pas réserver trois mois à l’avance vos billets. Cela laisse songeur. Il faut aussi que nous allions plus loin sur l’efficacité énergétique de l’avion, en augmentant la part des carburants durables. Les objectifs sont à 5% en Europe en 2030, il faut que ça aille bien plus vite.
Un bon moyen serait de rendre obligatoire les carburants durables pour les jets, ce qui permettra de développer une industrie pour baisser les coûts et augmenter les volumes. Si pendant un certain temps, nous devons pousser les consommateurs à voyager moins souvent, je ne suis pas contre, mais faisons-le par les prix, pas de façon réglementaire. Il faut pénaliser tout ce qui génère une surconsommation de l’aérien via les taxes, et récupérer ce produit pour financer la plantation d’outil de capture de carbone.
La question posée par le débat aérien est aussi celle de l’utilité sociale de nos modes de consommations et celle de la justice sociale, car l’aviation reste le fait d’une ultraminorité. Que répondez-vous à ceux qui appellent à une taxe carbone sur les trajets aériens ?
Supprimer le transport aérien on doit balayer devant notre porte et interroger l’ensemble de nos habitudes de consommation. Mais alors nous devons poser le débat de façon globale sur l’ensemble des activités humaines. Le numérique, c’est 4% des émissions de gaz à effet de serre.
Sur la justice sociale : on ne peut nier que l’avion est un mode de transport pour les riches. A titre personnel, je juge qu’une taxe carbone sur cette activité avec une logique de progressivité n’est pas absurde.
Opinions
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