"Une seule chose comptait, la course auto"


Je ris parce que forcément Je suis un autodidacte Kreidler ça me fait sourire car je suis un homme normal, avec sa bande de copains. Je n’y crois pas.

« Pour moi, une seule chose comptait : la course automobile. »

Mais René Bonnet et j’ai quand même fini deuxième tout autour, il n’y a que des maisons ou des fossés. ».

Après cette saison 1969, et la séparation entre les deux parties, auriez-vous pu rester chez Tyrrell plutôt que de rejoindre l’équipe Matra-Simca avec le V12 ? Je ne me souviens pas. Mais vous savez, quand je courais à moto, je n’avais qu’une envie qui était d’être Jean Behra sur Gordini. Donc, moi, je n’étais intéressé que par des voitures bleues  ! Savez-vous que j’ai été approché par Ferrari ? Non, mais j’allais vous poser la question un peu plus tard. C’était très longtemps avant, en 1966 je pense, quand je me battais souvent en tête en F2 avec Jim Clark et les autres.

À Albi, Scarfiotti est venu me voir et m’a dit qu’Enzo Ferrari voulait me rencontrer, qu’il fallait fixer un rendez-vous. Mais j’étais tellement bien dans ma famille Matra, avec tout plein de voitures bleues, que j’ai dit non. Je n’y suis même pas allé  ! Il n’y a pas un pilote aujourd’hui qui réagirait ainsi  ! J’étais heureux où j’étais.

Quatre ans avant, j’étais tout près d’être un voyou et là, j’avais mes voitures bleues..

« Savez-vous que j’ai été approché par Ferrari ? »

Et cette aventure Matra-Simca, ne regrettez-vous pas que ça n’ait pas mieux marché ? Si, mais en même temps, c’était tellement bien  ! Ma situation chez Matra évoluait chaque année, je gagnais pas mal d’argent pour l’époque, j’étais très heureux.

C’était magnifique. La marque s’impliquait aussi en Endurance à l’époque, et allait gagner trois fois de suite au Mans. Qu’est-ce qui vous apportait le plus de plaisir, les monoplaces ou les protos ? Les monoplaces, sans aucun doute.

En Endurance, c’est la marque qui est mise en avant. Et en faisant tout pour la marque, on assure, alors dès qu’un jeune va plus vite, on est catalogué. Pour tout dire, je n’aime pas Le Mans.

Je déteste courir la nuit. J’ai vu un pilote se tuer devant moi, j’ai failli me tuer moi-même. Mais j’étais payé pour le faire, alors je le faisais. La Matra-Simca de Jean-Pierre Beltoise aux 24 Heures du Mans 1974.

Comment s’est passée la rupture avec Matra, puisque rupture il y a eu malgré tout ? Très bien. Impeccable. Avec à peu près tout le monde.

Je vous explique la fin de la saison 1971. Lagardère commence à piétiner un peu. Chris Amon, qui n’a jamais gagné mais vient de signer de nombreuses pole positions sur Ferrari, est sur le marché et on le sait très rapide.

Lagardère a beau me faire confiance, il se dit qu’on a besoin d’un grand pilote international. Jusque-là, rien à dire. Moi, je demande la garantie d’avoir le même matériel et le même traitement qu’Amon.

Et là, on me dit non. J’insiste, et je vais voir Lagardère qui me dit qu’il ne peut aller contre le choix des responsables de l’équipe. Et puis, à la même époque, Louis Stanley de BRM m’appelle en pleine nuit et me dit  : « Jean-Pierre, do you want to be World Champion?” .

Carrément. Oui. Ça m’ennuyait de quitter Matra, où j’étais bien, mais il m’appelait directement, chez moi. J’y ai été sensible.

On a eu des pourparlers, j’ai insisté auprès de Matra qui m’a confirmé qu’il y aurait un n°1, Amon, et un n°2, Beltoise. Alors je suis parti. Enfin, je suis resté pilote Matra en prototypes mais suis devenu pilote BRM en F1.

Ce que je regrette le plus, c’est de ne pas avoir pu revenir chez Matra en Grand Prix en 1975, comme cela était prévu. Nous y reviendrons, mais parlons d’abord de cette période chez BRM si vous le voulez bien, et bien sûr de votre victoire sous la pluie à Monaco en 1972. Ça commence très fort, en effet. La première année, je gagne Monaco puis la Course des Champions hors championnat à Brands Hatch en fin de saison. Le châssis était moins rigide que le Matra, le moteur était bien mais tournait 500 ou 1000 tours en dessous du Matra.

Par contre, il était très souple, avec beaucoup de chevaux « en bas » par rapport au Matra. Nous avions une bonne voiture, vraiment. Et puis, fin 1973, je fais une grosse erreur.

Marlboro, qui quitte BRM, veut m’emmener chez McLaren. Et moi, je dis non car je suis bien chez BRM et bêtement, je reste attaché au V12. Une grosse erreur.

Je suis trop sentimental, en fait. Jean-Pierre Beltoise sous la pluie à Monaco en 1972, son unique victoire en F1. C’était un peu n’importe quoi chez BRM, non ? Outre leur moteur V16, j’ai vu qu’au début, ils alignaient cinq voitures.

Pas trop ambitieux ? Oui, peut-être. Mais il y avait de bons ingénieurs, comme Tony Southgate. La vie était belle, j’étais bien.

J’habitais en France, mais j’allais souvent en Angleterre. En fait, je ne voulais pas signer pour une troisième saison. Mais fin 1973, donc, ils m’appellent, et me disent  : « On a trouvé, on tire tant de chevaux en plus ».

 Et moi, comme un idiot, je les crois. Je ne vérifie pas. En fait, le banc avait glissé de 40 chevaux. Je me suis fait avoir  ! Et cette victoire à Monaco en 1972, alors ? Ça reste le plus beau jour de votre carrière ? Ce fut une libération.

À l’époque, les voitures étaient moins fiables qu’aujourd’hui et j’avais un peu la réputation d’être un casseur, alors que ce n’était pas de ma faute. Et ce jour-là, tout s’est bien passé. C’est vrai que j’étais peut-être un peu handicapé par mon bras bloqué sur le sec, mais beaucoup moins sur le mouillé car la direction était un peu plus légère.

Tout s’est bien passé, j’ai mis la voiture au point exactement comme je le voulais, y compris en faisant des choses anormales. L’ingénieur me disait  : « Mais enfin Jean-Pierre, on ne peut pas faire ça, c’est de la folie ». Mais je répondais  : « Si, on le fait. ».

Par exemple, pour sur-braquer et contre-braquer plus facilement, j’ai fait enlever les butées. « Mais Jean-Pierre, on va toucher la coque  ! ». Et moi  : « Rien à f.  ! » .

Et c’est grâce à ça que je n’ai pas fait de tête-à-queue en course. Qu’est-ce que j’ai fait d’autre. Ah oui, j’ai roulé sans barre anti-roulis avant. Vous faites ça aujourd’hui, la voiture ne marche plus.

« J’ai mis la voiture au point exactement comme je le voulais, y compris en faisant des choses anormales. »

. Donc, vous hésitez alors à continuer ? Voilà. Et après l’épisode Ligier, je me retrouve dans la même situation.

Williams voulait m’engager, mais Williams, à cette époque, c’était le fond de grille, pas beaucoup d’argent, etc. Et un jour, j’apprends par Bob Wollek qu’un championnat de type NASCAR va être lancé en France, avec la catégorie Production, promotionné par Claude Ballot-Léna, et je dis banco. J’y ai passé quelques belles saisons.

À partir de ce moment, plus de contacts avec la F1, les protos ? La F1, non. Les protos, j’ai continué un petit peu avec Rondeau puis j’ai eu la sensation qu’avec ce type de voitures – comme les Porsche très évoluées aérodynamiquement que j’ai conduites plus tard – et aux vitesses atteintes, le pilote ne pouvait plus rien contrôler en cas de pépin. Alors j’ai dit  : j’arrête.

Jean-Pierre Beltoise au Grand Prix du Mexique 1970. .