5 chiffres pour comprendre pourquoi les magistrats sont dans la rue


Ce mercredi 15 dĂ©cembre, les magistrats sont dans la rue comme Ă  Marseille pour alerter sur leur souffrance au travail. Un mouvement initiĂ© aprĂšs le suicide d’une de leurs collĂšgues. Politique du chiffre, manque de moyens
 Retour sur les raisons de leur mobilisation.
« Avant, on n’était pas vraiment obĂ©issants, mais on se taisait », dĂ©crit Clara Grande, juge d’instruction et co-dĂ©lĂ©guĂ©e du syndicat de la magistrature. 
Et puis le devoir de réserve a craqué et les magistrats se sont exprimés. Voici en cinq chiffres les raisons de la colÚre

1 suicide

Fin aoĂ»t, Charlotte jeune magistrate met fin Ă  ses jours. Neuf de ses collĂšgues Ă©crivent alors une tribune oĂč ils expliquent qu’ils ont vu leurs conditions de travail se dĂ©grader. 
PubliĂ©e dans le Monde le 23 novembre, elle a recueilli plus de 7200 signatures. Magistrats, auditeurs de justice, greffiers, devant le soutien l’Union Syndicale des Magistrats a dĂ©posé un prĂ©avis de grĂšve pour les magistrats de l’ordre judiciaire le 15 dĂ©cembre 2021.
« Les digues lĂąchent face Ă  la souffrance ressentie », constate alors Nathalie Roche juge d’instruction et co-dĂ©lĂ©guĂ©e de la section du Syndicat de la magistrature de Marseille.

11 juges

C’est le nombre moyen de juges en France pour 100.000 habitants. Pour ce mĂȘme chiffre, l’USM dĂ©nombre 3 procureurs et 34,1 « personnels non juge ».
Le syndicat souligne qu’en Europe il y a en moyenne « deux fois plus de juges professionnels et de personnels de greffe que la France, et deux Ă  quatre fois plus de magistrats du parquet. »
A titre de comparaison, la mĂ©diane europĂ©enne se situe Ă  11 procureurs, 18 juges et 60,9 « personnels non juge ». Pour l’USM, « les moyens humains sont notoirement insuffisants. »
En mars dernier, le prĂ©sident du tribunal judiciaire Olivier Leurent poussait un « cri d’alarme » auprĂšs de l’AFP et du Monde sur le manque de moyens, humains (magistrats, greffiers, assistants spĂ©cialisĂ©s, spĂ©cialistes informatiques) comme matĂ©riels (avec dix salles d’audience manquantes).
Des conditions qui ne leur permettent pas de juger certaines affaires. Pour lui, la pénurie est « criante ».

25 familles

C’est le nombre de dossiers par jour que peut avoir à traiter un juge spĂ©cialisĂ© en affaires familiales Ă  Marseille. Une charge de travail et un rythme de travail important qui provient selon Nathalie Roche de deux facteurs.
Tout d’abord pour elle, il y a une « nĂ©cessitĂ© d’Ă©cluser les stocks » qui rend le travail « chronomĂ©tré ». « Il y a une demande de chiffres de la chancellerie. Elle est ce qu’elle est… », soupire t-elle.
Mais il y a aussi « la question de la rĂ©elle demande de justice Ă  laquelle on ne peut pas rĂ©pondre ». « Nous avons en face de nous des gens qui attendent une dĂ©cision de nous, on est en face d’une dĂ©tresse humaine ».
Et ce besoin d’aller vite, « c’est au dĂ©triment de l’Ă©coute qu’on peut apporter ». Clara Grande corrobore : « Pour traiter les gens avec dignitĂ©, il faut l’ĂȘtre soi-mĂȘme ».

12 heures

Le temps de travail moyen quotidien. « Pour les audiences pĂ©nales, on fini trĂšs rĂ©guliĂšrement au delĂ  de 21 heures. » Et c’est lĂ  une autre forme de pression qui pĂšse sur les Ă©paules des magistrats.
Les journĂ©es sont longues. « Un juge peut prĂ©sider une audience jusqu’à 23 heures et pour un juge des libertĂ©s de la dĂ©tention cela peut aller jusqu’Ă  2, 3 voir 4 heures du matin. Et le lendemain, il faut recommencer. »

8 ans d’études

IndĂ©pendant du pouvoir, un magistrat du siĂšge est un agent public qui ne peut ĂȘtre rĂ©voquĂ© ou mutĂ©. Pour devenir magistrat, il faut passer le concours sĂ©lectif de l’École nationale de la magistrature. Il est accessible uniquement aux titulaires d’un master de droit ou d’un diplĂŽme d’Institut en Etude Politique (bac + 4/5).
A l’issue de ce concours, commence la formation. PrĂšs de 31 mois d’apprentissage au sein de l’ENM. SituĂ©e Ă  Bordeaux, c’est l’unique Ă©cole en France qui permet d’accĂ©der Ă  ce mĂ©tier.
Nathalie Roche que ce cursus est « trÚs sélectif et trÚs exigeant ».
« Le nombre d’Ă©lus est peu nombreux et la charge de travail est trĂšs trĂšs importante. Il y a des Ă©tudes oĂč on bachote avant de rentrer Ă  l’Ă©cole et aprĂšs on est plus tranquille, je dirais que lĂ , c’est plutĂŽt l’inverse. »