"Il me bascule sur le lit, j’étais sidérée" : elle accuse PPDA de viol à Sète


Les faits, datant du début des années 1980 lorsqu’elle était mineure, sont a priori prescrits, mais elle veut un procès.

après 36 ans de sidération et de déni. La Biterroise d’origine, enseignante en arts plastiques, a fini par déposer plainte mi-septembre. Elle témoigne pour porter le combat mené par le collectif de plaignantes et obtenir un procès. PPDA, lui, nie, et a déposé des plaintes en dénonciation calomnieuse, notamment contre elle.

Pourquoi s’exprimer ?

« Je veux que l’on soit entendu et cru. Le fait d’être toutes ensemble nous donne une crédibilité. Cela me permet aussi de cheminer, victime, on est affecté dans la construction de sa personnalité. Sans les autres, et je n’en connaissais encore aucune il y a un an, je n’aurais pas pu le faire, c’est une force collective. » Elle prend aujourd’hui le risque de se dévoiler : « Lever l’anonymat est compliqué, je suis enseignante, mais les parents, les élèves et la hiérarchie sont bienveillants, ma famille et mes proches également, comme ma sœur et ma mère à Béziers. »

La rencontre avec PDDA, 1984

 » Il m’a répondu rapidement… Ma mère décroche et, flattée, me dit : « Monsieur Patrick Poivre d’Arvor veut te parler ». À l’époque, nous regardions le 20 h tous les soirs, religieusement, je n’avais pas le droit de parler à table. Il me dit qu’il serait ravi que je puisse lui soumettre mes textes et me demande aussi quels sous-vêtements je porte… Je suis mal à l’aise, je ne peux pas répondre, c’est pervers, mais je suis impressionné par le personnage. »

Le viol dénoncé À Sète

Les relations épistolaires et téléphoniques se poursuivent. Elle reçoit deux cartes de PDDA écrites à l’encre violette qu’il affectionne. « Il me disait que j’étais douée, qu’il allait me publier… C’est le serpent hypnotiseur. » Jusqu’au mois de mai 1985 où le présentateur vedette rallie Sète pour un événement littéraire. Rendez-vous est pris au Grand Hôtel. Elle pense présenter ses textes, la réceptionniste lui indique que Poivre d’Arvor l’attend dans sa chambre. Tout va très vite : « Il m’ouvre, je vois une chambre petite, je me demande où est-ce que l’on va s’asseoir. Il me dit : « Bonjour mademoiselle », il me prend aussitôt, il me bascule sur le lit, il me déshabille, il se déshabille, il me pénètre et ça dure cinq minutes. Je suis dans un état de sidération. J’avais une alliance au pouce, il tapote son alliance contre la mienne et il me dit : « Surtout ne vous mariez pas trop jeune ». Il part prendre une douche en me disant : « Maintenant j’ai des rendez-vous ». Je me rhabille mécaniquement et je pars. » PPDA, dans ses auditions, a toujours contesté l’absence de consentement.

Anne puis Margot

Son existence bascule. Elle n’en parle à personne et décide de s’appeler Margot et non plus Anne. « J’ai eu des difficultés à me construire, analyse-t-elle. Il y a du déni, je n’en parle à personne, pas même au psy qui me suit, je veux oublier, cacher cette saleté. La dépression arrive quelques mois plus tard. Je comprends maintenant que c’était lié à cet épisode. J’ai changé de prénom, comme si je voulais changer de peau, mettre une plus belle robe, mon âme est blessée. Je me dis que Margot, c’est mon nom de guerrière, avec « OT » à la fin, comme ôter quelque chose de glauque. »

Comparée à un homard

en 1988, publie son livre Les femmes de ma vie. « Il m’avait demandé l’autorisation de publier une de mes lettres, et j’ai accepté… Je suis dans le déni, on continue à avoir des échanges, on se vouvoie, on ne parle jamais de cette rencontre à Sète », détaille-t-elle. Mais dans ce livre, le passage qui lui est consacré résonne sinistrement aujourd’hui : Margot y est comparée à « un homard », à saisir « pouce et index derrière les pinces » pour qu’elle ne s’agite plus… « J’en ai pris conscience il y a environ deux mois… Quand je relis le passage, c’est effrayant, c’est comme s’il décrit le viol de façon très imagé, je me suis dit : « C’est fou, il ose même le dire… » Et dire qu’avec tout ce que nous décrivons, il n’a pas eu d’expertise psychiatrique… »

La « petite gâterie »

« J’ai attendu 20 minutes qu’il débriefe son journal et il arrive

continuer à le voir

Pourquoi autant de plaignantes ont-elles continué à fréquenter la star ? « Il a déclaré que je n’étais pas sous emprise, il était dans tous les cas dans une position dominante parce qu’il était extrêmement connu, répond-elle. Et puis, encore faut-il avoir conscience que l’on a été violée. Grâce à la police, au major qui m’a extrêmement bien reçue, en mars 2021, j’ai enfin compris quand il m’a dit : « Si, Madame, vous avez été violée » car il y a la notion de surprise. Moi, comme je n’ai pas résisté, je me sens coupable, j’ai honte et je me tais. Il y a le déni, on maquille cet événement horrible pour survivre. C’est aussi une question d’éducation, ça ne pourrait plus arriver aujourd’hui à des jeunes filles très informées, on aurait dû me dire : « Tu ne montes jamais dans la chambre d’un inconnu, même si c’est PPDA ». »

Être « prescrite »

Le déclic survient quand elle voit PPDA à la télé répondre aux accusations de Florence Porcel. Elle décide de témoigner dans cette affaire qui a été classée sans suite. « Je suis prescrite, notre combat, c’est de faire bouger les lignes, la loi, si on y arrivait, ça serait notre victoire. » En attendant, Margot Cauquil-Gleizes est soulagée. « Je suis enfin fière. De nous toutes, je le dis avec un grand sourire. Je pense que ça va déciller les paupières de ceux qui veulent encore fermer les yeux. Et le livre d’Hélène (dans lequel son histoire est racontée, NDLR) fera date, c’est un livre coup de poing. Aujourd’hui, beaucoup de femmes n’osent pas aller témoigner devant la police, je pense que nous sommes entre 60 et 90 dans cette affaire. Et on espère toutes un procès. »

(*) Hélène Devynck publie ce vendredi « Impunité » (Seuil), avec le récit de 23 plaignantes, dont le sien.