Paris, le mardi 11 octobre 2022 â Le gouvernement a rĂ©vĂ©lĂ© la
question qui sera posée aux 150 membres tirés au sort de la
convention citoyenne sur la fin de vie.« Le cadre dâaccompagnement de la fin de vie est-il adaptĂ©
aux diffĂ©rentes situations rencontrĂ©es ou dâĂ©ventuels changements
devraient-ils ĂȘtre introduits ? ». Telle est la question Ă
laquelle devront répondre les 150 citoyens tirés au sort qui
participeront, à compter du 9 décembre prochain, à la convention
citoyenne sur la fin de vie.
La formulation est issue dâune lettre de la PremiĂšre Ministre
Elisabeth Borne adressée ce dimanche au Conseil économique, social
et environnemental (CESE), qui sera chargĂ© dâalimenter les futurs
débats.
Le diable étant dans les détails, la formulation de cette
question a elle-mĂȘme donnĂ© lieu Ă de vifs dĂ©bats. Une premiĂšre
formulation de la question proposée par le CESE et finalement
abandonnée évoquait des « situations individuelles ». «
Le mot « individuelles » a sautĂ© par souci dâĂ©viter que la
convention se penche sur des cas trop spécifiques » explique
désormais le CESE.
Un dĂ©bat jouĂ© dâavance ?
Mais pour les opposants à la légalisation du suicide assisté
et de lâeuthanasie, la formulation de la question est biaisĂ©e, en
ce quâelle insinue quâun changement est nĂ©cessaire. « Demander
si le cadre actuel rĂ©pond Ă toutes les situations, câest induire
que la loi nây rĂ©pond pas, câest conduire Ă considĂ©rer que la
rĂ©ponse sera dâautoriser Ă se donner ou Ă administrer la mort »
estime Erwan Le Morhedec, avocat proche des milieux
conservateurs.
MĂȘme les partisans dâun changement de la lĂ©gislation
reconnaissent que la question posée est quelque peu orientée. «
Il faut reconnaitre quâen demandant si la loi actuelle rĂ©pond Ă
toutes les situations, on induit la réponse » admet Jean-Luc
Romero-Michel, prĂ©sident dâhonneur de lâAssociation pour le droit Ă
mourir dans la dignité (ADMD).
Ce débat sur le débat, qui peut paraitre quelque peu
pointilleux, fait renaitre une crainte, celle que cette future
concertation citoyenne soit jouĂ©e dâavance. Le ComitĂ© consultatif
national dâĂ©thique (CCNE) sâest en effet rĂ©cemment dit favorable Ă
la légalisation du suicide assisté tandis que le Président de la
RĂ©publique lui-mĂȘme nâa pas cachĂ© sa volontĂ© de faire Ă©voluer le
systÚme français vers le « modÚle belge » et de faire de la
fin de vie la grande question éthique de son second mandat. De quoi
laissez peu de doute sur lâissue des futurs dĂ©bats.
La lettre de mission de Matignon précise également les
modalités de cette future convention citoyenne. Les participants
seront tirés au sort avec une pondération en fonction du sexe, de
lâĂąge, du domicile, de la profession et du niveau dâĂ©ducation afin
quâils soient reprĂ©sentatifs de la population française. Le comitĂ©
devra rendre son avis fin mars. La société française
dâaccompagnement et de soins palliatifs (Sfap) a dâores et dĂ©jĂ
invité les futurs membres du comité à venir visiter un service de
soins palliatifs avant lâouverture des dĂ©bats.
Trop de débats tuent le débat
Mais cette convention citoyenne ne sera pas la seule
concertation qui sera menée ces prochains mois sur la question de
la fin de vie, ce qui laisse planer un risque de télescopage et de
trop plein de débats. La ministre des professionnels de santé AgnÚs
Firmin le Bodo et le porte-parole du gouvernement Olivier Véran
vont ainsi organiser des groupes de travail qui devront transmettre
leurs conclusions à la convention citoyenne « au plus tard au
dĂ©but de lâannĂ©e 2023 » selon le CESE.
Un rapport de la Cour des Comptes sur les soins palliatifs est
Ă©galement attendu dâici juin prochain tandis que la commission des
affaires sociales de lâAssemblĂ©e Nationale va commencer une mission
dâĂ©valuation de la loi Leonneti-Claeys. Sans compter que des dĂ©bats
auront aussi lieu en régions à travers les « Espaces éthiques
régionaux » et que Matignon précise que le CESE est libre «
de procĂ©der Ă dâautres formes de consultations citoyennes sâil le
juge utile pour éclairer le débat ».
Enfin, pour Ă©viter de renouveler les critiques formulĂ©es Ă
lâencontre de la convention citoyenne sur le climat, dont les
conclusions nâauraient Ă©tĂ© quâinsuffisamment prises en compte par
lâexĂ©cutif, Elisabeth Borne a prĂ©cisĂ© que « les ministres
chargĂ©s de lâanimation de ce dĂ©bat national reviendront informer
les membres de la convention citoyenne des suites qui seront donnés
de leurs travaux et, dans lâhypothĂšse dâune Ă©valuation du cadre
légal demandé au législateur, les éclairer sur la prise en
considération de leurs réflexions et recommandations ».
Matignon rappelle donc en filigrane que câest au Parlement que
reviendra le dernier mot, ce qui laisse songeur sur lâutilitĂ© de
cette future consultation.
Nicolas Barbet