La préfecture a lancé les premiers marchés publics pour la réalisation de l’infrastructure, d’un montant d’1,2 million d’euros.Les Centres de rétention administrative (CRA) ont vocation à accueillir, dans un lieu fermé, des étrangers en situation irrégulière dans l’attente d’une procédure d’éloignement. La durée légale de rétention des étrangers ne peut y dépasser 90 jours. Le gouvernement a annoncé la construction de trois nouveaux CRA en France, dont un « dans la zone de Bordeaux », d’une capacité de 140 places, en remplacement de celui qui se trouve actuellement dans les sous-sols du commissariat de Bordeaux, inadapté.
« La mobilisation est très forte »
Le deuxième terrain, situé de l’autre côté de l’avenue du Bourgailh, servirait à la création d’un parking de 120 places pour le personnel.La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre dans le quartier, dont les habitants se sont mobilisés en un temps record. Une première manifestation a eu lieu mardi, et une réunion publique est organisée ce lundi en vue de monter un collectif. « Le quartier du Monteil c’est 6.000 habitants, dont 3.000 rien que sur ce secteur, prévient Jean-Claude Juzan, président du comité de défense et des fêtes des quartiers du Monteil. Et la mobilisation est très forte. »
Pas une démarche « politique »
Si les CRA font régulièrement l’objet de critiques concernant les conditions de rétention des étrangers qui y sont maintenus, les habitants ne souhaitent pas se positionner dans ce débat, précisant que leur mouvement « n’est pas politique ». Ils s’élèvent contre un projet « qui n’a rien à faire dans un secteur pavillonnaire ». Le bâtiment principal serait installé en bordure du lotissement Monbalon 1, et le parking en bordure des pavillons du lotissement Village de Madran.« Pour nous, poursuit Jean-Claude Juzan, c’est inadmissible par rapport aux nuisances que cela va enregistrer, notamment la destruction d’un petit bois pour en faire un parking, la bétonisation des sols, et le volume de véhicules que cela va engendrer dans ce secteur, sans parler du bruit. Pourquoi ne le fait-on pas aux abords de l’aéroport, ce qui est le cas généralement pour les autres CRA ? Il y a une vraie crainte de la part des résidents de subir une dévalorisation de leurs biens. »
Dans les tuyaux depuis 2019
« J’ai été informé de ce projet au printemps 2020, indique l’élu, mais il faut bien comprendre que je n’ai pas voix au chapitre dans ce dossier, je ne donne aucune autorisation de construction pour ce terrain, qui appartient à l’Etat. Mais maintenant que les appels d’offres pour les opérations d’aménagement sont lancés, plus rien n’est secret ».« La préfète a confirmé son choix au maire de Pessac par écrit en mars 2021, indique pour sa part la préfecture. Il a acté ce choix en réponse et disposait de l’intégralité des informations sur ce choix de site pour les nécessités d’échanges avec la population. »
« Une aberration urbaine »
Aujourd’hui, le maire souhaite « maintenir le dialogue avec la préfecture » mais assure « comprendre » la colère des habitants. « Qu’il faille construire un nouveau CRA, d’accord, mais pas au milieu des habitations, complète l’élu. Cela pose des questions de sécurisation, d’accessibilité, de maintien d’une piste cyclable dans le quartier. Et le parking du CRA ne sera même pas attenant au bâtiment, les fonctionnaires de police vont devoir traverser un carrefour à pied. C’est une aberration urbaine, et je crains que cela ne crée un malaise. »Franck Raynal assure cependant qu’il n’a pas « rendu les armes ». « Nous avons rendez-vous vendredi en préfecture à ce sujet. Je pense qu’il existe encore une possibilité pour un autre lieu, avance l’édile. Il faut qu’on trouve une autre solution, ce n’est pas acceptable à cet endroit. »La préfecture confirme ce rendez-vous. Mais n’évoque pas la possibilité de délocaliser le projet. « La préfète recevra ce vendredi une délégation de riverains et leur proposera de poser dans le dialogue les questions qu’ils souhaitent, a répondu la préfecture à 20 Minutes. Les questions d’insertion urbaine, de végétalisation, de maintien du caractère apaisé du quartier seront certainement abordées et conduiront à des approfondissements du projet. »
Retour à la case départ
Trouver une solution alternative n’est effectivement pas simple, le maire de Pessac est bien placé pour le savoir, puisqu’une première opération d’échange de terrain avait capoté. « Fin 2020, nous avions déjà proposé avec la métropole un autre terrain à la préfecture, qui se situait sur le Bioparc, à cheval sur Mérignac et Pessac, et qui présentait l’avantage d’être plus près de l’aéroport, dans un secteur qui n’est pas habité, explique Franck Raynal, mais le Conseil national de protection de la nature l’a finalement déclaré inconstructible après avoir trouvé des espèces protégées. »Retour, donc, à la case départ. A la différence près que cette fois-ci, le projet n’avance plus masqué, et va devoir affronter la mobilisation des habitants.