Montpellier : ce qu'un ancien président a dit aux lycéens de Jules Guesde


Publié le 4 Déc 22 à 12 :13 

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François Hollande en a profité pour visiter vendredi matin l’exposition « Musées en exil » au MO s’est livré sans détour en évoquant son mandat, la politique intérieur, l’Ukraine, Vladimir Poutine, Angela Merkel…

Montpellier : ce qu'un ancien président a dit aux lycéens de Jules Guesde

Idole des jeunes

Et pourtant destiné à les préparer à intégrer l’Institut d’études politiques, et pendant une heure et demie, François Hollande a répondu aux questions préparées en amont. Un exercice dans lequel il excelle en pratiquant humour, anecdotes, analyses et petites piques avec franchises. « À Montpellier, je progresse, la dernière fois j’étais au collège, je suis aujourd’hui au lycée, j’espère accéder à l’université la prochaine fois » s’amuse-t-il en guise d’introduction et d’expliquer vouloir apporter « le témoignage d’un président et montrer que rien n’est impossible ».

Ce qui fait la différence les réponses seraient meilleures », autant faire profiter au plus grand nombre, les paroles, tout aussi appréciables, d’un homme politique libérée de tout mandat et devant des jeunes. Morceaux choisis.

Sur l’exercice du pouvoir

« Il y a forcément une solitude ou un exercice qui doit être celui de la responsabilité personnelle du chef de l’État. Mais pour bien décider, même si on est seul, il ne faut pas être isolé. Il faut s’entourer d’avis pour que la décision, même si elle est prise seule, soit une décision puisée par la recherche de tous les avis nécessaires (…) Le risque majeur pour un président de la République, qui est le même pour le chef d’une collectivité, c’est de s’enfermer avec les mêmes conseillers en se repliant sur le lieu du pouvoir. L’Élysée est un lieu en soit qui provoque l’isolement et la fonction présidentielle, elle-même, ne vous met pas en situation d’aller chercher le regard des autres et le dialogue avec les citoyens. Le risque du pouvoir, même si au départ le parti pris était de s’ouvrir, est de progressivement s’enfermer. Il faut prendre seul les responsabilités mais ne jamais être solitaire ».

Sur son absence au conseil constitutionnel

« Les anciens présidents sont membres de droit du conseil constitutionnel. J’imagine que lorsque l’on a rédigé la Constitution en 1958, on s’est posé la question de quoi faire des anciens présidents. La meilleure façon pour qu’ils soient sages, c’est qu’ils siègent dans une institution qui vérifie la conformité des lois à la constitution. D’autres y siègent, vous avez reçu son président Laurent Fabius et Alain Juppé qui en est membre. Ni l’un ni l’autre ne sont d’anciens présidents. C’est d’ailleurs un de leurs problèmes… » (…) J’avais souhaité changer la Constitution pour que les anciens présidents de la République ne siègent plus au conseil constitutionnel car cela me semblait paradoxale. Cela n’a pu être fait mais j’ai considéré que d’y siéger cela aurait été contraire à mes engagements et qu’il était logique que je m’applique cette règle. Voilà pourquoi je n’y suis pas ce qui me permet peut-être de davantage m’exprimer librement et donc de ne pas être toujours aussi sage que certains le souhaiteraient« .Vidéos : en ce moment sur Actu

Sur l’avenir de la gauche

« J’ai toujours été favorable à l’union de la gauche. Le problème ce n’est pas l’union, c’est le sens et la ligne de l’union. Pour que la gauche arrive aux responsabilités du pays, il faut une force motrice suffisamment audacieuse, pour être source d’espoir, et crédible pour être capable de gouverner. C’est cette force motrice qui permet d’entraîner les autres et de convaincre les Français. Cette force motrice qu’a longtemps été le Parti Socialiste, elle s’est un moment ralenti pour être peut-être arrêté. Et c’est pour cela que je ne demande pas à écarter le PS mais sa direction car elle doit reprendre sa place pour entrainer toute la gauche sinon celle-ci sera sans doute radicale et marginale et donc en incapacité d’accéder au pouvoir« .

Sur les partis politiques

« Le problème que nous avons, et que vous avez aujourd’hui, c’est qu’avant la vie politique était animée par de grands partis. Aujourd’hui, il y a peu d’adhérents dans tous les partis, 200 000 personnes sont engagées dans la vie politique alors qu’il y a 40 millions de votants. Une des raisons de l’effacement des partis politiques ce n’est pas l’élection présidentielle, ce sont les primaires qui ont fini par tuer les partis. Il y a deux nécessités. Il faut réanimer la vie intellectuelle des partis politiques et faire en sorte que les grands partis soient capables d’animer la démocratie c’est à dire de convaincre les électeurs d’aller voter. Il est nécessaire pour la démocratie que les grands familles politiques reprennent vie ».

Sur l’abstention

néanmoins Le déclin des partis politiques Il faut que les partis, les candidats, les idées… donnent l’espoir qu’il y aura des changements, qu’ils pourront contribuer dans le court et le long terme et qu’ils montrent que le vote aura de la portée et un sens. Le vote ne doit pas être contre, un vote d’empêchement mais un vote d’espérance. Un vote où je suis heureux que le candidat choisi puisse être élu. Aujourd’hui, quand on a voté pour un candidat, on n’est même pas heureux de savoir qu’il a été élu. Je parle depuis 2012… ».

Sur l’indexation des salaires sur l’inflation

nous retrouverons des mécanismes d’augmentation des salaires quelque fois plus importante que celles des prix. On peut penser que l’inflation sera cassée car les banques centrales en Europe et aux États-Unis qui vont relever les taux d’intérêt, réduire les crédits et cela va provoquer une récession en 2023, 2024, ce qui n’est pas très bon car cela va entraîner du chômage dans certains secteurs. Mais si les banques centrales par peur de la récession laissaient l’inflation se poursuivre, si la guerre en Ukraine durait ou si la hausse des prix de l’énergie se poursuivait, on irait forcément vers une indexation d’autant que le SMIC est lui indexé sur les prix. Si le salaire minimum augmente et pas les autres, cela veut dire que beaucoup de salariés seront payés au SMIC ce qui n’est pas souhaitable. Aujourd’hui, même s’ils ne le disent pas très clairement, des experts proches du gouvernement pensent qu’il faut désindexer le SMIC. Dans les deux ans qui viennent, cette discussion aura nécessairement lieu. Si l’inflation est forte, l’indexation sera demandée à juste raison par les organisations syndicales. Si elle est cassée, on reviendra à des négociations classiques sur les salaires« .

Sur l’intervention de l’armée française au Mali

« Je n’avais pas imaginé quand je me suis présenté en 2012 faire intervenir les soldats français au Mali ou ailleurs. J’ai été dans une situation où les Africains eux-mêmes me le demandaient. Le président malien de l’époque et d’autres chef d’état me disaient qu’il y a avait un risque de déstabilisation par cette arrivée islamiste soudaine. J’avais espéré qu’après l’intervention française, l’ONU ou des forces africaines puissent prendre notre place car la France n’avait aucune vocation à rester au Mali. Hélas, les missions de maintien de la paix sont très peu efficaces et les forces africaines ne sont pas équipées comme il convient. Résultat, la France est restée beaucoup trop longtemps« .

Sur le coup d’état au Mali

« Il est arrivé un coup d’état au Mali de militaires qui devraient lutter contre le terrorisme et qui ont renversé leur président. La France aurait dû partir sur le champ. Ce n’est pas possible de rester dans un pays où il y a un coup d’état contre un président élu même si on peut contester cette élection. Les services russes ont quand même beaucoup agi sur les réseaux sociaux et avec le commando Wagner. Il y a eu une propagande anti-française, en plus alimentée par des déclarations du président français. Aujourd’hui, il n’y a pas d’autres solutions que celle finalement choisie de quitter le Mali. Nous ne pouvons être en appui que si c’est souhaité. La France n’a pas vocation à être en Afrique là où elle n’est pas demandé. Toutefois, ce qu’il se passe est très grave en Afrique de l’Ouest où il y a une succession de coup d’état qui déstabilise la région. Cette politique africaine est assez désolante mais il ne faut pas perdre espoir pour les africains qui doivent continuer à revendique les droits fondamentaux et lutter contre la corruption d’un certain nombre de dirigeants« .

h2>Sur l’adhésion de l’Ukraine à l’Union Européenne et à l’OTAN

Les Ukrainiens veulent un acte symbolique rapide. Il a été proposé, et c’est une bonne chose, que soit créée une communauté politique qui ne soit pas tout à fait l’adhésion au marché européen mais à son esprit. L’Europe va s’élargir nécessairement à d’autres pays. On parle de l’Ukraine mais il y aussi la Moldavie, la Géorgie, la Serbie, la Bosnie-Herzegovine… Si l’Europe doit s’élargir il faut un petit nombre de pays qui puissent aller beaucoup plus vite et plus fort dans l’intégration notamment sur l’Europe de la défense, l’écologie, l’harmonisation fiscale… Cela doit se faire autour de la France et de l’Allemagne, sans doute les pays d’Europe du sud et quelques pays du nord pour constituer cette Europe d’avant-garde au sein de la grande Europe. Aujourd’hui, des pays sont européens sans être tout a fait membre de l’espace de Schengen par exemple. Il y a des noyaux successifs, il faudra donc un noyau dur qui soit le coeur de l’Europe tout en accueillant des pays qui ont un besoin d’être dans une solidarité politique comme le demande les Ukrainiens. L’autre question qui sera posée à la fin de la guerre, est de savoir si l’Ukraine doit être membre de l’OTAN ? Si cela avait été le cas, cela aurait obligé tous les autres membres à faire la guerre à la Russie. Je ne crois pas que ce soit souhaitable car on ne peut pas être entrainés tant qu’il n’y a pas une stabilité et une garantie internationale dans ce que peut être la frontières avec la Russie et l’Ukraine ».

Sur Vladimir Poutine

« L’Europe a été unie et l’Alliance Atlantique s’est renforcée et c’est donc une des défaites de Vladimir Poutine. Mais combien de temps cela va durer ? La différence entre un régime autoritaire et une démocratie c’est que celui qui est à la tête d’un régime autoritaire pense qu’il a la vie devant soit, qu’il est éternel et sera toujours au pouvoir donc il est patient. Dans une démocratie, il y a des élections et on n’est pas sûr, j’en suis d’ailleurs la preuve vivante, de rester tout le temps. Dans son système de pensée politique, Poutine se dit qu’il a le temps. Il fait souffrir la population russe mais nous les occidentaux sommes vulnérables, fragiles et même décadents à ses yeux, on préfère notre confort à défendre notre patrie. Il pense donc que dans quelques mois, avec l’inflation, le pouvoir d’achat, la hausse de l’énergie et peut-être une récession, de guerre lasse et donc que nous allons arrêter de soutenir l’Ukraine. C’est son calcul et il n’a pas forcément tort de l’avoir à l’esprit. On voit déjà un certain nombre de pays et de partis politiques poser la question de continuer à fournir des armes aux Ukrainiens en laissant penser que la guerre peut durer et négocier une paix pas forcément brillante pour arrêter le processus. Poutine espère la division de l’Europe et que, après Biden, un autre président américain laisse les Ukrainiens à leur sort et que les Européens s’en débrouillent« .

Sur les relations entre la France et l’Allemagne

De plus Nous vendions pas grand chose à pas grand monde« Il peut aussi y avoir des problèmes de relation personnelle Je ne connais pas ses rapports avec Emmanuel Macron mais vu de l’extérieur, je dirai que un parle tout le temps et l’autre ne dit pas un mot. Dialoguer ce n’est pas facile, cela va exiger que les deux s’ouvrent et évoquent avec leurs gouvernements respectifs des sujets communs. Si l’Allemagne et la France ne se mettent pas d’accord, c’est l’Europe qui s’arrête« .

Sur les démocraties en danger dans certains pays européens

« Ce n’est pas tolérable. L’Europe peut répondre en supprimant des fonds européens allant vers ces pays comme c’est en train de se produire même si cela aurait dû se faire plus tôt et plus fermement avec la Hongrie et la Pologne. C’est d’ailleurs un peu désagréable de se dire que l’on enlève de l’argent car les valeurs ne sont pas respectées mais la bonne méthode est beaucoup plus brutale. Ces pays devraient être suspendus de l’Union Européenne. On pourrait alors dire que l’on ne va pas punir les peuples qui n’y sont pour rien mais ce n’est pas tout à fait vrai. Dans un régime démocratique, ce sont les peuples qui élisent les dirigeants. Il n’est pas sûr qu’en Pologne le pouvoir actuel reste mais en Hongrie Viktor Orbàn a muselé le système de la presse à la justice. Il faut en tirer les leçons ».

Sur la liberté d’expression

Il y a une nécessité à défendre la démocratie. Le message que je tenais à vous délivrer est que vous croyez être dans une démocratie, et c’est vrai malgré les taux d’abstention qui progressent, vous pensez que la démocratie est comme l’air que l’on respire, et bien non. La démocratie se défend. Puisqu’elle est attaquée, il faut que nous soyons présents à chaque fois qu’elle est mise en cause. Vous devez être des agents de la démocratie. Ne pensez pas qu’elle est éternelle. Les régimes autoritaires pensent que nous sommes tous épuisés par ce que nous vivons, que l’essentiel pour nous est notre confort, de vivre mieux. Ce qui est vrai car on souhaite le mieux pour notre vie personnelle mais nous avons un idéal collectif à promouvoir, des valeurs à défendre, plus qu’une patrie, nous avons une valeur commune qui est la démocratie. Pas une démocratie héritée des institutions mais une démocratie qui est votre mode de vie, votre capacité à être ensemble et à ne pas vous diviser, à vous catégoriser ou vous communautariser mais bien à vous mettre tous en commun pour défendre ce que vous avez à défendre dans la liberté. C’est le message qu’il faut transmettre même quand on est un ancien président de la République ».Cet article vous a été utile ? Sachez que vous pouvez suivre Métropolitain dans l’espace Mon Actu. En un clic, après inscription, vous y retrouverez toute l’actualité de vos villes et marques favorites.