Rentrée du barreau de Paris : « L’État de droit doit être en permanence protégé et défendu »


Lors de la cérémonie solennelle de rentrée du barreau de Paris, chaque intervenant a réaffirmé son attachement à l’État de droit dont les avocats demeurent de fidèles garants. Me Julie Couturier, bâtonnière, a plaidé l’intérêt « de jouer collectif » avec les magistrats.

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le procureur du parquet national financier Jean-François Bohnert et son homologue à l’antiterrorisme, Jean-François Ricard, ainsi que le président du tribunal de commerce, Paul-Louis Netter.

Rentrée du barreau de Paris : « L’État de droit doit être en permanence protégé et défendu »

Me Julie Couturier Cabaret)

Sur la scène, comme le veut la tradition, se tenaient la bâtonnière, Me Julie Couturier, le vice-bâtonnier, Me Vincent Nioré, les 42 membres du conseil de l’ordre et 12 secrétaires de la Conférence. Un fauteuil en velours rouge cardinal est longtemps resté vide  : à Dijon avec le Président Macron, Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, est arrivé à 15 h 40, 100 minutes après l’ouverture de la cérémonie, retard dont il a prié la salle de l’excuser.

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 Le ministre n’a donc pas applaudi les premier et deuxième secrétaires de la Conférence, Mes Charles Héran et Jennifer Cambla (voir notre encadré), ni écouté Anne Hidalgo, maire de Paris, à qui revenait l’honneur d’ouvrir la rentrée. Exprimant son « admiration pour les avocats, pièces centrales de notre démocratie » et leur « combat fondamental », l’édile préfère vite se concentrer sur son action contre le dérèglement climatique et « le diesel qui tue ». D’où son soutien, redit-elle, à la proposition de loi pour un crime d’écocide (rejetée au profit d’un délit en 2021)  : « Ça dépasse un peu mes compétences de maire de Paris mais j’ai la chance d’être entendue donc j’en profite. »

Revenant au 25 novembre qui marque la journée contre les violences faites aux femmes, elle salue la profession « qui accompagne la révolution du Me Too ». Elle assure de son soutien les 32 000 membres du barreau de la capitale, puis s’accorde un étonnant satisfecit  : « Le temps où Paris faisait parler d’elle pour des affaires politico-financières, pour moi, est bel et bien révolu ». La formule aurait-elle pour ambition de priver les magistrats présents de toutes velléités ?

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Le « J’accuse » de Me Nioré en faveur de l’Arménie

va la piquer de banderilles. Ce qui n’empêchera pas les magistrats de l’applaudir, et le ministre de lui décocher un « cher Vincent, décidément toujours en forme… »

Apprécié tant pour ses qualités professionnelles que sa liberté, le pénaliste consacre son préambule à l’Arménie, terre de ses ancêtres maternels où il s’est récemment rendu tandis que l’Azerbaïdjan dévaste à nouveau le petit pays. Fustigeant « une Europe désespérément muette au nom du gaz de Bakou », la capitale de l’agresseur, il honore la bravoure « des femmes en première ligne », notamment l’Arménienne Anush Apetyan, égorgée le 14 septembre, et Jina Masha Amini, jeune Kurde d’Iran tuée par les mollahs de Téhéran deux jours plus tard.

alors il monte au combat avec « l’arme du droit » que partagent avocats et magistrats. À ces derniers, Me Nioré suggère de « tarir les flux financiers des bourreaux, ces élites azerbaïdjanaises qui ont versé trois milliards de pots-de-vin à des responsables occidentaux, européens, fait de corruption révélé en 2017. Parce que je suis avocat, j’accuse  ! Alors que je suis avocat, j’accuse ceux qui depuis cinq ans savent, se taisent et ne font rien  ! Alors, Mesdames et Messieurs des parquets spécialisés, si prompts à agir en vos matières, qu’attendez-vous ? »

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Puis « l’arme du droit » de Me Nioré s’abat sur « l’arsenal disproportionné des atteintes à la vie privée et au secret professionnel » du barreau  : « Pour mener notre mission démocratique, la défense et le conseil, nous devons garantir que ce qui nous est confié restera confidentiel. Quels que soient le lieu, le moment, le support de la confidence, quelles qu’en soient la gravité et la teneur. » Géolocalisation, sonorisation, fadets, interception de correspondances électroniques, convocation, garde à vue, « l’arsenal de la coercition et de l’intrusion est asphyxiant, paralysant. Nous, avocats, vous disons basta  !  »

 » Mot choisi .

Estimant « impératif de faire la paix », il « tend la main » aux parquetiers et juges en rendant hommage au regretté Me Antoine Sollacaro, bâtonnier corse assassiné le 16 octobre 2012, qui justement fut une de leurs bêtes noires. Comme lui, le pénaliste s’avoue « résistant de la défense »  : « Par-delà les réformes, les intrusions, coercitions et contraintes, le barreau reste à jamais un contre-pouvoir envers et contre tout  ! Pace è Salute  !  »

Refuser « les jugements à l’emporte-pièce, la radicalité, la vulgarité »

 La bâtonnière, Me Julie Couturier, lui succède à la tribune. « Fidèle à l’un des plus beaux principes de notre serment, l’humanité », la 4e femme élue à la tête de l’Ordre rappelle qu’il « habitait notre cher Olivier Cousi », son prédécesseur décédé le 2 mars 2022. « Je suis le bâtonnier de Kaboul, avait-il clamé l’an passé au soutien des confrères en danger », remémore-t-elle. Elle aussi pense à ceux privés de droits, les Ukrainiens, Iraniennes, également les Polonaises et Américaines « condamnées aux avortements clandestins ».

reconnaît-elle. Me Couturier entend mener la bataille. A fortiori quand « le tribunal médiatique, ce terrible tribunal de l’opinion, conduit à vouloir déconstruire nos textes et nos valeurs les plus fondamentaux, jusqu’à la présomption d’innocence ».

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« Nous devons jouer collectif  !  »

effet collatéral d’une « justice pauvre et d’un droit de plus en plus abscons qui asphyxie ceux qui la font vivre »

Regrettant des années de « dialogue aride », voire « impossible », elle se réjouit de constater « que nous sommes en train d’inverser la tendance », précisant faire « du rapprochement avec nos partenaires de justice l’un des fils conducteurs de mandat (Nous devons jouer collectif  !  » Mais « pour affronter ensemble la situation, nous devons la regarder en face ».

Reconnaissant les efforts du garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, Julie Couturier admet que « la rénovation ne se fera pas en un claquement de doigts et qu’il faut, comme on dit, “laisser sa chance au produit” ». Après avoir dit sa gratitude aux magistrats Stéphane Noël et Rémy Heitz, aux membres de l’Ordre, à Jérôme Gavaudan, président du Conseil national des barreaux, la bâtonnière annonce que la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, sera marraine de promotion 2023/2024 des élèves-avocats, succédant ainsi à Me Richard Malka, deux personnalités très applaudies.

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 « Il reste beaucoup à faire pour remettre la justice à flot »

« Le produit à qui vous laissez une chance, Madame la bâtonnière, est très heureux d’être cette année encore parmi vous, lui répond le ministre de la Justice. C’est un honneur, un grand plaisir, car revenir parmi mes anciens confrères est un peu ma madeleine de Proust. » Éric Dupond-Moretti, qui a exercé la profession 35 ans, considère les avocats comme « les vigies de l’État de droit », lequel fait « tous les jours l’objet d’inlassables critiques ». Il vise principalement « l’extrême-droite qui, en campagne présidentielle, en a promis la suppression » et « une chaîne d’information continue » qui « laisse accroire que l’État de droit est au mieux un élément superfétatoire, au pire un frein à l’efficacité d’une répression que l’on veut accrue. Je le dis solennellement  : ce n’est pas un bien dont on peut disposer », martèle-t-il (notre article du 25 novembre).

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AJ qui sera accordée à l’avocat dans le cadre du renforcement des procédures amiables.

Enfin, il achève sa prise de parole par une touche personnelle, à l’adresse de ses ex-confrères  : « Vous êtes souvent là quand il n’y a plus personne. Je me souviens d’un client qui m’a dit “c’est la première fois qu’on dit du bien de moi.” Vous êtes au cœur de l’humanité. Vous trouverez toujours, à la Chancellerie, une oreille attentive. »

Discours des premier et deuxième secrétaires de la Conférence

Me Charles Héran, premier secrétaire de la Conférence en 2022, a consacré son discours à Monique et Roland Weyl, jeunes avocats en 1948, mariés en 1950, vaillants combattants, avec leurs confrères communistes, contre les dénis de démocratie.

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Me Jennifer Cambla, deuxième secrétaire, a retracé le drame du 27 octobre 2005, la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré, électrocutés à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) en fuyant la police, l’infortune de l’ami survivant, Muhittin Altun. Elle s’est aussi concentrée sur le procès des gardiens de la paix, relaxés, et les plaidoiries de Mes Mignard et Merchat.

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Remises de prix

bâtonnière, et du vice-bâtonnier, Me Vincent Nioré.

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La médaille de la Conférence, qui a honoré ce dernier en 2020, distingue cette année le travail de l’ancienne juge d’instruction Aïda Chouk, désormais conseillère près la cour d’appel de Paris, et de sa fidèle greffière Julie Charrier, de celles qui « derrière une discrétion contrainte, sont les récipiendaires de notre confiance », a salué Me Lorraine Thouéry, huitième secrétaire de la Conférence.

Le Prix Pierre-Drai, remis par son fils Me Rémi-Pierre Drai, a été attribué à notre consœur, Pascale Robert-Diard, du quotidien Le Monde.

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