Après avoir prolongé son contrat jusqu’en 2025 il y a moins d’un an, Christophe Urios a été écarté de son poste de manager de l’Union Bordeaux-Bègles en ce début de semaine. Une décision forte de Laurent Marti, qui se justifie par la dégradation – à plusieurs niveaux – de la situation depuis janvier dernier. Explications.
Vendredi dernier, Midi Olympique expliquait que le boss de l’UBB avait bien reçu Yannick Bru quelques jours plus tôt pour évoquer une collaboration, et que celui-ci pourrait être accompagné de Thibaud Giroud et Christophe Laussucq la saison prochaine. Preuve que le temps d’Urios à la tête de l’effectif girondin était compté. Et, si le fait que ce soit acté dès à présent peut surprendre notamment parce que la libération de l’intéressé va coûter cher, la fragilité de sa situation n’avait rien d’étonnant. Fin 2021, une telle issue aurait évidemment été impensable. Bordeaux-Bègles caracolait alors en tête du classement de Top 14, avec Urios en homme fort pour incarner cette réussite, lui que Marti était parvenu à convaincre de rejoindre son projet en 2019 et qui était considéré comme celui qui avait fait changer ce club de dimension sur le plan sportif. Mais tout s’est peu à peu écroulé durant les mois suivants.
Le clash avec Jalibert et Woki
Bien sûr, chacun a en tête l’épisode du clash avec Matthieu Jalibert et Cameron Woki après la dernière journée de la phase régulière du championnat début juin, quand Christophe Urios s’était senti trahi par son équipe après une défaite à Perpignan qui l’obligeait à passer par la case barrage. Il avait visé nommément ses deux leaders : « Cameron, je ne le vois pas, Matthieu, je ne le vois pas. (.) J’aimerais que les joueurs passent devant. C’est le moment que les leaders « sortent du bois », passent devant. » Des critiques que les deux internationaux avaient très mal vécues. Ils l’avaient d’ailleurs fait savoir lors du barrage victorieux face au Racing 92 une semaine plus tard, dans une soirée qui avait tourné au règlement de comptes. Woki, en mettant le doigt sur sa bouche après avoir inscrit un essai et en affirmant ensuite, lorsqu’il lui était demandé à qui le geste s’adressait : « Je pense que tout le monde a compris. » Jalibert en déclarant au micro de Canal + après le match : « Cette semaine, ça a été tendu. Vous l’avez vu, il y a eu des déclarations dans la presse de notre manager, des joueurs ciblés. Voilà, j’ai juste envie de dire que nous, on ne joue pas pour Christophe. » Une affaire que l’UBB a traînée de longs mois, et qu’elle traînait encore certainement.
fort de son bilan jusque-là, restait l’homme de la situation. Celle-ci s’est fortement dégradée dans la foulée.
Nombreuses tensions en interne
Si l’attention s’est portée sur les tensions avec Jalibert et Woki en juin, elles auraient été nombreuses en interne depuis janvier dernier. Urios, à l’exigence parfois extrême, s’est mis une partie de son groupe à dos au fil des semaines, pas aidé par la spirale négative de résultats à laquelle l’UBB a eu des difficultés à mettre fin en deuxième partie de saison dernière. Certains joueurs lui ont notamment reproché ses excès allant, selon eux, au détriment du groupe. Ainsi, l’effectif fut frappé par une cascade de blessures, ce qui a d’ailleurs créé de vives turbulences avec le staff médical et conduit à un remaniement, et quelques-uns ne comprenaient pas pourquoi il leur était demandé de revenir plus vite que prévu à la compétition, augmentant les risques de rechute, ou pourquoi plusieurs séances censées être allégées viraient trop vite à la haute intensité. Beaucoup, constatant que le staff sportif semblaient moins uni autour du manager qu’avant, estimaient que cela n’aidait pas à vider l’infirmerie ou à retrouver une forme optimale, décisive dans l’ultime ligne droite. Même quelques-uns de ses soutiens dans le groupe attendaient de lui une remise en question, qui aurait pu apaiser le climat. Mais, de janvier à juin, la fracture s’est creusée entre le manager et certains de ses hommes, à qui il a souvent reproché de ne pas suffisamment se révolter sur le terrain. Ses coups de gueule en conférence de presse ont été nombreux, mais sans l’effet espéré. Et, alors que la gestion d’Urios était remise en cause, les dirigeants bordelais appréciaient de moins en moins de le voir multiplier ses activités (domaine viticole, séminaires, RMC, etc.), préférant qu’il se concentre sur sa mission à l’UBB.
face au Stade toulousain, a forcément précarisé les choses, malgré une performance plutôt séduisante ce jour-là. Depuis, les Bordelais ont soufflé le chaud et le froid, jusqu’à réaliser une première partie d’exercice décevante (11e après dix journées) et connaître le revers de trop à Pau le 6 novembre (7-33). Alors que des garçons en fin de contrat ont placé l’avenir du staff dans les discussions concernant une éventuelle prolongation, et que le recrutement a du mal à avancer face au flou actuel, Marti s’est alors rendu à l’évidence : les ressorts étaient cassés. Conscient que cela aurait de fortes conséquences financières, il a tranché dans le vif en ce début de semaine.