Variole du singe : qui dit vrai sur la vaccination ? Par le Pr Gilles Pialoux


Alors que l’OMS vient d’activer son plus haut niveau d’alerte face à la variole du singe, le fameux USPPI (Urgence de santé publique de portée internationale) décrété pour la septième fois depuis le H1N1 en 2009-2010, l’Inter-LGBT, qui regroupe en France 60 associations communautaires gay/lesbien/bi/trans, « s’insurge », dans un communiqué du lundi 25 juillet, « face à l’inaction, le manque de préparation et de transparence du gouvernement » concernant la maladie. Avec, en filigrane, la marque indélébile des années sida. L’inter associatif évoque des « difficultés à prendre rendez-vous » pour une vaccination et des « livraisons de doses insuffisantes ».

« Pas de panique, nous avons réagi extrêmement vite », a répondu le ministre de la Santé François Braun sur Franceinfo, « La France a été l’un des premiers pays à préconiser et à autoriser la vaccination préventive. On n’a pas du tout pris de retard « , a-t-il défendu.  

Variole du singe : qui dit vrai sur la vaccination ? Par le Pr Gilles Pialoux

Arguant que nous avons déstocké 42 000 doses, et que 32 000 sont disponibles, pour 7000 personnes déjà vaccinées.

Selon lui, 250 000 personnes ont été identifiées comme « à risque », dont « des travailleurs du sexe » et des « soignants « . Qui dit vrai ? Pour tenter de répondre, il faut aborder trois niveaux de complexité. 

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Tout d’abord les chiffres. Quelle est la cible ? Près de 250 000 personnes, comme l’annoncent les services de l’Etat ? Plus ? Sachant qu’aucun des critères qui ouvre à la vaccination contre la variole n’est vérifiable, ni vérifié.

Que ce soit le fait d’être sujet-contact, un homme multipartenaire ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH), une personne trans rapportant des partenaires sexuels multiples ou être en situation de prostitution. La demande peut donc être sans fond tant la variole du singe est une infection transmissible dont beaucoup voudraient se passer. Et une maladie qui s’avère bien plus complexe, durable et contagieuse que les livres nous l’enseignent.

 

Comptant « plus de 500 000 utilisateurs de Grindr , plus les travailleurs du sexe, plus les professionnels de santé » et deux doses de vaccin nécessaires, la sénatrice écologiste Mélanie Vogel s’est interrogée lors de la séance de questions au gouvernement : « Est-ce qu’on a entre 600 000 et un million de doses ? Si oui, pourquoi ça bloque ? Si non, quand est-ce qu’on peut en avoir assez, combien ça coûte, est-ce que (.) dépenser plein d’argent pour ‘ces gens-là’ (.), ça vous ennuie un peu ? » Le ministre a réaffirmé qu’il « ne pouvait pas communiquer sur le nombre de doses global » vu le « secret-défense ». Donc une cible non quantifiée pour un stock de vaccins « secret-défense » et une question de santé émergente se retrouvent au coeur d’un imbroglio interministériel (Armées/Santé/Economie/Travail). 

Second niveau, la question de la période trouble vis-à-vis des HSH.

Le directeur général de l’association Aides, Marc Dixneuf, dans son interview à Libération datée du 24 juillet, s’est voulu on ne peut plus clair : « Tant qu’il y aura des décideurs politiques qui auront une homophobie décomplexée, on aura des difficultés à répondre aux épidémies qui émergent dans des groupes très ciblés. » Paradoxalement, le risque n’est pas tant l’homophobie que son contrepoids politique naturel, une hésitation à lancer des campagnes ciblées ainsi qu’une tergiversation compensatrice bridant des messages de prévention combinée, qui dépassent la simple vaccination contre la variole, de peur d’être accusé de stigmatiser les populations cibles dans le contexte suscité. De fait, dans les centres de vaccination de la variole, on voit peu de migrants à risque, peu de jeunes ou vieux HSH, de travailleurs/ses du sexe, d’hétérosexuels échangistes et bien peu de personnes cumulant risques et vulnérabilité.

 

L’arrivée de la variole du singe pèse une fois de plus sur l’hôpital public

Contredisant par là même la Haute Autorité de santé, qui, dans son avis du 23 juin 2022, dans le but d’améliorer la couverture et le parcours vaccinal des personnes âgées de 16 ans et plus, s’est déclarée en faveur d’une extension large, à l’ensemble des professionnels de santé (infirmiers, pharmaciens, sages-femmes) des compétences en matière de vaccination (à l’exception des vaccins vivants chez les personnes immunodéprimées).

 

Sur le terrain, les équipes hospitalières sont rincées par les vagues successives de Covid, l’absentéisme et les postes vacants. Les secrétariats, qui assurent les deux rendez-vous à vingt-huit jours d’écart pour le vaccin contre la variole, sont limités dans leur tâche organisationnelle qui se rajoute à la tension estivale. Certains centres de vaccination ne disposant pas de médecins sur place à plein temps, les patients se retrouvent en téléconsultation soumis à l’exigence d’une prescription médicale que l’on demande à d’autres d’honorer.

Dans le service à Tenon, où l’on voit quotidiennement de dix à quinze varioles du singe, nous vaccinons 20 personnes par jour grâce à un infirmier intérimaire en contrat longue durée. Avec un second, nous passerons à 40 par jour. Certains services ont choisi de ne vacciner que leurs files actives, laissant les non-suivis aux portes des vaccinodromes qui n’existent que peu ou prou.

Dans le service, les plages du site Doctolib sont ouvertes semaine par semaine. Elles se remplissent exactement en sept minutes ! Preuve s’il en est de la force de la demande.  

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* Pr Gilles Pialoux, infectiologue, chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Tenon (AP-HP), membre du think tank Terra Nova et président de la Société française de lutte contre le sida (SFLS).

 

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