Le président de la République était venu avec son bilan, le presque-candidat avec « un message de confiance », « un message d’avenir ». À Saint-Léonard-de-Noblat, Emmanuel Macron a dressé, « en même temps », le bilan de son action et le portrait du service public de demain.
insiste le responsable, face au Président. Emmanuel Macron y voit « une formidable innovation ». « Des projets, il y en a partout, quand on donne les moyens dédiés », glisse l’hôte de l’Élysée.
fabrique de territoire de la Haute-Vienne/blockquote>
Et évidemment, le président « a donné les moyens ». Numérique, services publics, désenclavement, la revue de presse est exhaustive. La maison France service, qui a accueilli 1.300 personnes depuis sa création, en mai 2021, « répond à une vraie problématique d’accès au service public », salue le maire Alain Darbon. « Un symbole de l’action commune de l’État et des collectivités territoriales », loue la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, qui avait inauguré le lieu en août.
Selon le président, ces structures ont permis de « redéployer la présence humaine dans nos campagnes », notamment après la crise des Gilets jaunes. « L’agenda rural », « la fin de la fermeture systématique des écoles » ou le plan « petites villes de demain », dont Saint-Léonard fait partie, montrent que « la nation a cherché à réinvestir sur tous les territoires », assure Emmanuel Macron. « L’opération Cœur de Ville à laquelle Limoges a pu émarger parce qu’on a beaucoup insisté permet aussi de redynamiser les villes, complète Sophie-Beaudouin-Hubière, la députée de la circonscription. On a aussi beaucoup insisté sur l’ingénierie. Il faut penser les villes, mais surtout à leurs habitants. »
« Révolution culturelle »
Cela doit permettre de répondre à la « révolution culturelle » que vivent les territoires ruraux, que le numérique met à portée du monde. « Il faut penser notre organisation à revers de ce qui a été fait jusqu’à présent », ajoute Emmanuel Macron, pointant « la métropolisation », aggravée selon lui par la réforme territoriale. Le Président préconise, pour y répondre, « un grand mouvement de déconcentration ». « Et pas seulement de d’État, mais aussi de la Région », rappelle la parlementaire locale.
Le président de la start-up nation se veut aussi réformateur de la France profonde. Et si le service public y a sa place, « le service au public » et la logique partenariale sont appelés à y monter en puissance. La santé post-covid pourrait servir d’exemple à ce « nouveau monde », avec un lien renforcé entre l’hôpital, les Ehpad et la médecine de ville. « Le système français soigne bien, mais il prévient moins bien que les autres », diagnostique le président.
La politique du président mise en cause
Il faut, dit-il, une approche « plus souple ». « Nous avons besoin d’un système de santé, et pas seulement d’un système de soin », ajoute-t-il. « Quand on parle de santé, les gens pensent “service public”, mais c’est aussi un service au public, rappelle la députée LREM, car il est mené par des acteurs privés, libéraux. Dans notre vie quotidienne, le numérique a changé beaucoup de choses. Et les attentes des citoyens ont évolué plus vite que nos services publics. »
premium En visite en Haute-Vienne, Gérald Darmanin assure le service public de la concertation
Pour appuyer son propos, Emmanuel Macron cite les exemples du ministère de l’Intérieur et des finances publiques, qui avaient déjà entrepris cette transformation. En mars 2019, son ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin avait fait de la Haute-Vienne, le laboratoire de cette nouvelle politique de l’Etat, post-Gilets jaunes. « S’il y a des élus qui se sentent abandonnés, il faut les écouter », préconisait alors le futur occupant de la place Beauveau. Ce qui n’avait pas empêché une fronde de certains élus locaux, délestés de leur trésorerie.
Quelle « attractivité » ?
Cette démarche ne séduit pas tout le monde. Lors d’une déambulation dans Saint-Léonard, un militant de l’Union populaire, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, lui a rappelé la situation de l’hôpital public, et la suppression « en plein Covid » de « 5.700 lits ». « Vous êtes très politisés, lui rétorque Emmanuel Macron. Pendant longtemps, la politique pour l’hôpital a été de baisser les tarifs hospitaliers. Vous avez quand j’ai arrêté de les baisser ? En 2018. » Le service « au public » est aussi attaqué. « La visite d’une maison de services au public est emblématique de la politique que le Président s’emploie méthodiquement à mettre en œuvre depuis cinq ans, tonne la FSU, dans un communiqué : la destruction des services publics. »
Le bilan de Macron :- 17900 lits fermés en 4 ans- 5700 rien qu’en 2020- des soignants en burn outIl fallait lui rappeler ce matin, à Saint-Léonard de Noblat.
les moins bien payées. « Un vrai parti pris politique », rappelle Sophie Beaudouin-Hubière.
« L’attractivité est notre plus grand défi, confirme Amélie de Montchalin. Comment on ouvre nos portes ? Nous avons déjà doublé le nombre d’apprentis et nous voulons continuer à ouvrir des perspectives. » Jacqueline Gourault, elle, rétorque sur l’aspect financier des collectivités locales, où la TVA compense la suppression de la taxe d’habitation. « Nous avons inventé un système de compensation à l’euro près, souligne la ministre de la Cohésion des territoires. Il doit y avoir un équilibre entre les ressources locales et nationales. Mais les régions qui vivent sur la TVA sont plutôt satisfaites de sa progression. »
« Une visite de campagne, à la campagne. »
En clair, l’État réforme, mais ne porte pas toujours le coût des réformes. « Il a affiché son satisfecit, mais de l’autosatisfaction, conclut le sénateur Christian Redon-Sarrazy. C’est tout à fait en contradiction avec ce que ressentent les élus locaux sur les ressources financières. En fait, c’était une visite de campagne, à la campagne. »
Dans les prochains mois, il faudra sans doute s’y habituer : Emmanuel Macron veut s’afficher au service du public.
Sébastien Dubois et Franck Lagier
Stéphane Lefèvre