« Le critère de réussite d’un transport public est d’aller plus vite que la voiture, sans cela c’est un échec », affirme, en fin connaisseur, Jean-Philippe Mangeot, agrégé en génie mécanique et docteur en automatique. En septembre 2017, alors professeur à l’Ecole nationale supérieure d’Electricité et de Mécanique de Nancy, il propose à ses étudiants de plancher sur cette utopie : « Imaginez qu’il n’existe ni voiture, ni bateau, ni avion. Inventez un mode de transport en commun en partant des besoins contemporains.
» Au sein de l’université de Lorraine, le challenge passionne dans les amphithéâtres. Bientôt de nombreux élèves ingénieurs se creusent les méninges, portés par la ferveur de leur enseignant.« Nous cherchions une solution pour concurrencer la voiture en ville, capable dans des zones périurbaines de compléter les modes de transport en commun existants.
Le projet était de mettre au point un outil écologique, économique et accessible à tous. Sécurisé et réalisable avec les grilles technologiques existantes », se remémore Jean-Philippe Mangeot, aujourd’hui à la tête d’une start-up prometteuse.La suite après la publicitéBaptisée Urbanloop – qui signifie « boucle urbaine » –, le projet est le fruit d’une aventure universitaire aussi folle que fédératrice.
Dès 2018, d’autres grandes écoles nancéiennes, dont les Mines, prennent le train en marche et se lancent dans cette aventure mêlant innovation, territoire, durabilité et intelligence artificielle.Des navettes fluviales testées sur la Seine pendant les JO de ParisSéduit, le conseil régional du Grand Est débourse 500 000 euros afin de développer un circuit d’essai de 1,5 kilomètre dans la banlieue de Nancy. A Tomblaine, les tests grandeur nature peuvent débuter.
Sur des rails facilement amovibles et alimentés par un courant très basse tension, des capsules se déplacent de manière autonome, propulsées par un petit moteur électrique. L’expérience est tellement concluante qu’en 2021 Urbanloop bat le record du monde du véhicule autonome le plus économique de la planète, capable de parcourir un kilomètre en une minute en consommant moins d’un demi-centime d’euro d’électricité.A bord, les mini-navettes peuvent accueillir deux adultes et deux enfants ou un passager en fauteuil roulant ou avec un vélo.
« Avec peu de voyageurs par capsule, il est possible de leur faire effectuer un trajet dédié. Dans notre système, les stations se situent en bretelle, parallèlement à la voie principale, comme des aires d’autoroutes, avec des véhicules en attente à chaque station, détaille Jean-Philippe Mangeot. Une fois à bord, l’utilisateur appuie sur le bouton de la station où il veut se rendre et la capsule s’insère dans le réseau pour le mener à destination.
Sans chauffeur, on peut faire attendre gratuitement et avoir des files de capsules comme des taxis. »
1 000 voyageurs par heure
Pour fonctionner, Urbanloop utilise un algorithme d’intelligence artificielle afin de contrôler les flux. Sans usagers, les navettes se mettent en « off » et ne consomment pas de courant.
L’approche d’un voyageur déclenche l’arrivée de la capsule la plus proche sur le quai. En cas d’affluence, l’IA accélère la cadence et permet de transporter 1 000 voyageurs par heure.La suite après la publicité« Ce train, qui nous fait passer de la science-fiction à la réalité, préfigure les transports du futur, qui circuleront dans les villes lorsque la voiture aura totalement disparu des centres urbains.
Nous sommes heureux parce que nous voulions une mobilité innovante et de production française, c’est le cas ici de A à Z, s’est enthousiasmé Jean-Baptiste Hamonic, vice-président de l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, chargé des transports et des mobilités durables. C’est le projet le plus vertueux qui soit et nous ne voulions pas louper la fenêtre de tir des Jeux olympiques. » En juillet prochain, dix capsules circuleront ainsi à 50 kilomètres/heure sur une boucle de 2 kilomètres pour assurer gratuitement la desserte entre des parkings et la fan zone située à un kilomètre du Vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines… qui accueillera les épreuves de cyclisme sur piste et le BMX.
« Les JO sont un accélérateur d’innovations, c’est un vrai tremplin pour nous », explique dans un sourire Noémie Bercoff, directrice générale d’Urbanloop.
Imaginé pour des zones de desserte périurbaine
Soutenu par le ministère des Transports et l’Ademe, le projet est financé à hauteur de 5 millions d’euros, répartis entre l’Etat (2,1 millions), Urbanloop (2,1 millions) et l’agglomération (800 000). Si Urbanloop tient toutes ses promesses lors des Jeux, il est prévu que le premier tronçon soit celui d’un tracé quatre fois plus important, qui connectera la gare de Montigny-le-Bretonneux (qui dessert la fan zone) au parc industriel de la Clef de Saint-Pierre, où travaillent chaque jour 8 400 salariés.
JO de Paris 2024 : « Souriez, vous allez être filmés ! »Imaginé pour des zones de desserte périurbaine – lesquelles concentrent 43 % de la population métropolitaine en France, soit 27 millions de Français –, ce nouveau mode de transport a toute l’attention des élus locaux. Maire de Nancy et président de la métropole du Grand Nancy, Mathieu Klein est impatient de le proposer à ses administrés :La suite après la publicité« Urbanloop répond à un vrai besoin, les habitants pourront stationner en périphérie de la ville et circuler dans un véhicule à faible empreinte carbone. Ce n’est pas fréquent, au cours d’une vie, qu’un projet coche toutes les cases.
On associe le local, le fait d’aller plus vite en prenant son temps. Nous serons bien sûr clients d’Urbanloop. C’est ici, dans notre région, qu’on invente le monde de demain ! »Dès 2026, une armada de 40 capsules sillonnera ainsi la métropole nancéienne sur une boucle de 7 kilomètres comprenant 7 stations, pour un coût évalué entre 10 et 20 millions d’euros.
A ce jour, une dizaine d’autres villes se sont montrées intéressées. A l’international, le directeur de l’aéroport d’Atlanta a lancé un appel d’offres pour lequel Urbanloop apparaît comme un sérieux outsider. Preuve que la petite capsule « 100 % made in France » n’a pas fini de boucler son tour du monde.
EN PARTENARIAT AVEC TOYOTA
Une deuxième vie pour les batteries
Sur l’ensemble de leur cycle de vie, les véhicules électriques sont plus vertueux que les véhicules thermiques. Si ce constat plaide pour l’électrification des mobilités, il ne doit pas faire oublier qu’il reste du chemin à parcourir pour atteindre la neutralité carbone. Dans ce contexte, la question du traitement des batteries est particulièrement épineuse ! Aujourd’hui, la loi européenne impose aux constructeurs de recycler au moins 50 % du poids des batteries en fin de vie.
Toyota, qui a mis l’économie circulaire au cœur de ses priorités, va au-delà de ses obligations légales en multipliant les projets propres à optimiser la gestion des ressources. La piste du recyclage sans incinération est une bonne illustration de cet engagement. Elle laisse aujourd’hui imaginer un processus de traitement moins consommateur d’énergie, tout en augmentant la part des matériaux récupérés.
Dans un contexte d’urgence écologique et de pénurie de minéraux critiques, elle participe à l’effort global déployé par Toyota pour une mobilité plus propre.