Icône de la BD de gag, Midam a publié près de deux albums par an pendant 25 ans. Le papa de Kid Paddle et Game Over sort désormais de sa bulle pour s’éclater sur tous les supports, même sur le Web. Entretien sans langue de bois avec un créatif à l’humour noir mais pas macabre.
42, le nombre choisi par hasard par Douglas Adams pour son livre Le Guide du voyageur galactique et censé être la réponse à « la grande question sur la vie, l’univers et le reste » est devenu la référence absolue de l’univers geek. C’est aussi le nombre d’albums de Kid Paddle et de son ersatz vidéoludique et muet Game Over. Les deux séries, best sellers du genre se sont très vite imposés et on fait rire à s’en décrocher la mâchoire plusieurs générations de lecteurs, en commençant par l’auteur de ces lignes.
Les milliers de gags, des dizaines de millions d’album vendus, plus de cent épisodes en dessin animé n’ont pas eu raison de la fougue et du désir de faire rire de Michel Ledent, alias Midam. Cependant, l’orfèvre du gag, génie de la mise en scène et roi de la chute, après 30 années à muscler les zygomatiques de ses lecteurs à besoin d’étendre ses ailes créatrice au-delà du monde des bulles. Aujourd’hui, non content de continuer la publication des albums de ses séries cultes, l’artiste met en scène son humour noir, sa linguistique de l’absurde au service de peintures et sculpture qui revisitent le Midameverse mais aussi la pop culture souvent mélangeant les deux mondes.
La magnifique exposition Midam, un parcours d’artiste a quitté le musée de la BD à Bruxelles pour prendre place à la galerie Huberty & Breyne du 5 novembre au 4 décembre 2021. Le lecteur pourra retrouver les principales œuvres dans un artbook commenté des plus didactique Midam, un parcours d’artiste, publié aux éditions Bern’Art.
La venue de l’auteur au vernissage de l’exposition était une occasion en or de réaliser un entretien avec un monstre sacré.
Morceaux choisis :
Vous avez une relation incroyable avec vos fans et les impliquez souvent. Pourquoi est-ce important pour vous ?
que ce soit auteur de bandes dessinées Je connaissais les réseaux sociaux comme tout le monde mais je n’ai découvert que récemment la fonction « direct » qui est très appréciable. Il y a aussi Tik Tok qui est hyper dynamique.
Au-delà du plaisir de communiquer, il y a cette association musique-image. Je n’avais jamais fait ça. Cela n’a rien à voir avec les concerts dessinés.
Je fais une illustration très courte ou très longue et j’adapte la musique que j’aime, qui m’a marqué, on peut même choisir des moments clés de la musique. C’est une manière de s’exprimer que je ne connaissais pas et que j’adore.
Dessiner une couverture comme celle du tome 17 prend du temps: il y a énormément de détails, ce sont des heures passées.
Grâce aux vidéos en direct, pendant que je travaille, des commentaires s’affichent et je parle, je réponds.
Il y a une communauté aujourd’hui à laquelle je ne m’attendais absolument pas: ce sont des gens qui trouvent même une forme de méditation en regardant mon travail. Ils disent que j’ai une voix très apaisante – le mot qui revient le plus est « satisfaisant ».
Ils ont du plaisir à voir un trait se finaliser, du crayon noir et blanc à la couleur. Des gens qui ne me connaissent pas regardent cette vidéo comme ils regarderaient la télévision…
Les séances de dédicace, cela devient souvent de la négociation
Vous semblez lassé des dédicaces en France. Pourquoi ?
A un moment, je suis content que le fan s’en aillle, parce qu’il a pris trop de temps et que d’autres sont tentés de l’imiter.
le bon sens.
D’un autre côté, ils n’ont pas encore été infectés par la collectionnite que l’on trouve en Belgique et en France… Le Québécois est encore surpris que je ne fasse pas payer et que je ne fasse pas qu’une signature et un prénom. Ils sont un peu gênés. J’ai souvent des pères de famille qui fendent la foule pour me dire que ce que je fais est incroyable, que je suis généreux – alors que pour les lecteurs français, c’est un dû.
Les BD de gags sont encore regardées comme un sous-genre, en France. Pourquoi ?
Les grands patrons, au niveau de la distribution de prix et de la notoriété, c’est Angoulême. Ils ont beaucoup travaillé dans l’entre-soi.
Ils se donnaient des prix entre eux, il y a eu des présidents d’Angoulême dont je ne savais même pas qu’ils faisaient de la bande dessinée. Pour certains, je ne connais personne qui ait lu leurs bouquins. C’est un petit peu la défense de la veuve et l’orphelin, comme le Festival de Cannes.
On va plutôt donner un prix à celui qui n’a pas eu la chance de rencontrer le public. Pour moi, les festivals en Europe s’érigent comme les parangons d’une pseudo justice. Tous ceux qui ont rencontré le public ont l’air d’être « servis ».
C’est pour cela qu’il y a très peu d’auteurs populaires qui sont remerciés à Angoulême. Je pense que j’ai eu le record de nominations sans obtenir de prix – et encore, c’étaient des nominations faites par un jury d’enfants.
La règle générale pour décerner un prix, pour moi, est celle du plus petit dénominateur commun.
Si le public vous achète, c’est que vous avez forcément abaissé votre discours à un niveau plutôt bas pour que tout le monde comprenne. Plus vous êtes élitiste, moins vous aurez de public. Beaucoup d’auteurs jugent les auteurs populaires négativement à cause de ça.
C’est tristement aussi simple que celà…
L’élite de la bande dessiné, leur fonds de commerce c’est de tuer le père, casser les codes et passer à quelque chose de nouveau. Tous ceux qui travaillent avec les vieux codes comme moi sont mis à l’index. Je me rappelle très bien d’avoir pris l’ascenseur avec plusieurs d’entre eux et ils m’ont tourné le dos.
J’avais prévenu ma femme qu’ils le faisaient à chaque fois. Elle ne voulait pas le croire.
C’est pour ça que je n’ai jamais eu beaucoup d’affection pour le Festival d’Angoulême.
J’y suis retourné en vainqueur parce que j’avais mon propre stand. Je me suis auto édité. Je voulais le plus grand, le plus beau stand qui soit, avec un Kid avec un flingue et de l’acide sulfurique qui coulait, il avait des trous dans les murs, de l’animation, des fumigènes, un blork vivant dans une cage, il respirait, on avait mis un moteur à l’intérieur.
J’étais content, il y avait un public dingue. Mais je n’ai pas plus été remercié par l’intelligentsia.
Je lisais Bobo qui racontait l’histoire d’un bagnard dans Spirou
Pendant mes études d’illustration, mon maître René Hausman.
Il a commencé dans Spirou dans les années 60, et il dessinait les animaux. Il a fait quelques bandes dessinées, mais l’illustrateur n’a jamais été quelqu’un de valorisé par son art. René Follet est aussi le mériterait.
C’est un vieil illustrateur belge. Comme ils n’ont jamais percé auprès du grand public, on trouve des originaux abordables de ces deux artistes.
Dupuis
Il y a parfois des injustices incroyables.
Je lisais Bobo qui racontait l’histoire d’un bagnard dans Spirou. C’était Deliège, un auteur belge qui faisait ça, il était toujours dans les 10 premiers sur 150 séries dans les référendums de Spirou, mais ses albums étaient les derniers. C’était un auteur qu’on lisait dans Spirou mais dont on n’achetait jamais les albums.
Quand je l’ai vu un peu avant sa disparition, je lui ai dit : « Paul vous avez bercé ma jeunesse, vous ne vous rendez pas compte du bonheur que j’ai eu de lire votre petit Bobo. » Il était vraiment content d’entendre ça. C’est un peu comme Gil Jourdan : son succès est venu un peu sur le tard.
Maintenant on se rend compte à quel point c’était riche. Et Fred qui faisait Philémon ! On ne souligne pas assez ce qu’il a apporté à la bande dessinée. Il prenait de vieilles gravures, il en changeait les textes pour en faire quelque chose.
Cela vient de Fred, pas de Geluck.
Qu’est-ce qui vous a amené à faire de la BD ?
Hors Collection
Ce qui m’a destiné au secteur de la bande dessinée, c’est un Américain qui s’appelle Bill Watterson. Il a été grand prix à Angoulême, il n’a pas voulu venir, et il a eu bien raison.
Si on interroge dix personnes dans la rue, combien le connaîtront ?
Ce qui est extraordinaire, c’est qu’on pourrait croire qu’en tant qu’Américain, il aurait poussé le merchandising – mais il s’est complètement opposé à ça. C’est contre-intuitif pour un Américain ! Jim Davis, le créateur de Garfield, correspond plus à ce que l’on attend d’un auteur de outre Atlantique.
Quel personnage aimez-vous le plus revisiter ?
Horace sans hésitation.
C’est Horace mon préféré, c’est aussi le plus proche de moi. Parfois j’ai dû me freiner parce qu’il avait tendance à voler la vedette à Kid. J’ai eu la mauvaise idée de réfléchir à un spin-off d’Horace avec de mauvais gags.
Je ne l’ai pas fait fort heureusement.
Vous avez déclaré avoir été inspiré de Bip bip et Coyotte pour Game over : peu de décors, morts violentes et surtout pas de dialogue. Quelles sont vos autres références et sources d’inspirations ?
La Panthère rose et la Linea m’ont profondément marqué et inspiré.
Les films d’animation de Disney m’impressionnaient. J’ai toujours su que je ne pourrai pas dessiner comme ça : c’est au-delà de mes moyens. J’ai une grande affection pour Tex Avery, j’ai beaucoup regardé, analysé, enregistré.
Et je suis un grand fan de Colombo. Il doit y avoir de temps en temps des ressorts ou quelque chose de ces oeuvres qui se retrouvent inconsciemment dans mes planches.
Le plus important dans une BD c’est ce qui se passe entre les cases
Vous revenez au magazine Spirou, dans lequel vous avez débuté, après plusieurs années d’absence.
Comment le magazine a-t-il changé ?
Et finalement, ils ont supprimé la séquence. Le film ne s’est pas fait parce que Kev Adams en était co-auteur, et un Youtuber a vociféré contre sa présence.
Il y a eu un effet boule de neige sur cette vidéo qui a généré des millions de vues, et c’est remonté aux oreilles des producteurs. Voilà ce qui a tué le film. Pourtant, il ne jouait pas Kid, il s’était écrit un rôle secondaire qui lui allait très bien… J’aimais bien, dans le film, que tous les personnages soient devenus adolescents.
Les scénaristes, les réalisateurs, les producteurs me disent tous de scénariser le film moi même. Mais ça n’est pas du tout mon domaine. Le plus important, dans une BD, c’est ce qui se passe entre les cases.
Entre les cases, on enlève du timing – alors que dans le cinéma on te demande une continuité. Je me suis spécialisé dans de bonnes petites séquences narratives punchy, ponctuées par des non-dits et des non-exprimés, et c’est ça qui donne le style, le rythme. Dès que je raconte une histoire en continu, ce n’est plus de Midam…
Dupuis
Est-ce qu’en relisant vos premiers albums vous voudriez changer quelque chose ?
Oui.
Je dessine très lentement. Une fois que Kid Paddle a commencé à fonctionner, cela a fait vivre pas mal de gens. L’éditeur avait absolument besoin d’un album par an et parfois il me mettait sous pression.
Mon rythme de croisière c’est une planche par semaine. Mais s’il ne me reste plus que dix semaines avant la remise des planches et 20 pages à produire parce que j’ai traîné au début, alors c’est la catastrophe. De temps en temps, je tire un gag sur deux planches.
Je n’aime pas faire ça, mais je l’ai fait parce qu’en une semaine je peux tomber deux planches sans souci. Dans les tomes plus anciens je l’ai fait souvent parce que j’étais pris à la gorge, il fallait absolument respecter la date de rendu, des gens dépendent de mon travail.
Il y a une très mauvaise hygiène de vie chez les dessinateurs
Dupuis
Il y a une double pression : l’éditeur et le public.
Encore hier, la question la plus répandue était: « Quand est-ce que sort le 18 » ? C’est désespérant. Je viens de terminer le tome 17, j’ai la langue qui pend. Arrêtez.
donc on bois avec les copains, on met deux, trois jours à s’en remettre. Et on crée un retard.
Après dix ans de ce rythme j’ai compris pourquoi les dessinateurs avaient souvent des crises cardiaques. Parce qu’il y a une très mauvaise hygiène de vie dans ce milieu.
Donc, j’ai tout changé.
Aujourd’hui je suis très sportif, je fais très attention à ce que je mange, ce que je bois, ce que je fume. J’essaie de moins passer de temps sur les planches de bande dessinée parce que c’est très chronophage. Je préfère passer du temps sur des illustrations.
Cela m’amuse plus. On sort des cases, on explose un peu les codes, le format. C’est très codifié, la BD : on a un gaufrier et on doit remplir les cases.
J’ai aujourd’hui le luxe de pouvoir faire de grandes illustrations, de pouvoir les exposer et vendre à la galerie Huberty & Breyne, et c’est un travail tout à fait différent.
Game over est un marchepied pour Paddle
Votre implication sur les goodies, c’était aussi pour sortir du gaufrier ?
On peut vraiment avoir beaucoup de créativité sur le merchandising. J’ai fait d’abord des mugs avec un blork.
Pour une peluche de baby blork, on se triture les méninges en se demandant comment on va faire les yeux. J’ai vu des yeux très craquants, on essaie, on fait un prototype, ça marche. C’est grisant.
Tout dépend avec qui on en parle. Cela peut souvent être perçu comme des métastases du succès.
Il y a une dizaine d’années, on m’a demandé de signer une pétition pour m’opposer à la libération de fonds pour la BD qui risquait d’abonder les BD les plus populaires.
La pétition était signée par tous les éditeurs indépendants. Ils trouvaient que c’était injuste parce qu’on glorifie « les héros des verres moutarde ». Mais un blork, c’est un héros de verre à moutarde, et je le revendique.
C’était un rêve d’enfant d’avoir mon personnage sur un verre à moutarde.
Dupuis
Est-ce que c’est la réalisation de votre BD Harding was here qui vous a donné envie de sortir du carcan des albums ? Ou bien aviez vous déjà cette envie ?
La scène de décapitation, c’est une toile que j’ai trouvé dans une maison, une mairie flamande, personne ne savait à qui appartenait les droits. Je l’ai mis comme ça, sans rien dire.
Puis j’ai imaginé la suite, j’ai tiré Harding de ce mauvais pas.
J’étais tellement content. On avait fini de dessiner la première histoire, il en restait encore deux ou trois tomes, et là l’éditeur de Soleil m’a demandé si je venais chez lui avec Kid Paddle. J’ai dit non et il m’a dit de laisser tomber les albums Harding.
On en a vendu seulement 7 000 – pas assez pour en vivre. Adam a une pression qui fait qu’il est obligé de faire du Game over. Si on relance Harding un jour, l’éditeur va dire qu’il faut un album par an.
Et il aura raison.
Game over a dépassé la popularité de Kid Paddle. Comment l’expliquez-vous ?
C’est un mystère.
Il y a deux théories qui se complètent. D’une part il y a une régularité, parfois on fait deux albums par an, et l’autre c’est la fainéantise du public. Game over demande un moindre effort de lecture comme il est muet.
Quand j’ai une mère de famille qui me dit que Game Over ce sont les seuls livres que son fils veut bien lire, je me dis que le garçon n’est pas parti pour devenir prix Nobel. Tout a été conçu pour qu’on accompagne le lecteur sur plusieurs années. D’abord il y a Game Over qui est censé être un marchepied pour Kid Paddle.
Comme ça on les accompagne à l’adolescence. Je trouve Kid Paddle beaucoup plus nourrissant, il y a plus de personnages, de décors, de jeux de mots. Personnellement, enfant, j’aurais lu avec plaisir les albums de Game over mais je ne les aurais pas achetés.
Donc, je trouve le succès surprenant mais c’est bienvenu.
Kid Paddle est au-dessus en nombre d’exemplaires sur l’ensemble de l’œuvre. Lors d’un nouveal album, les ventes sont en effet de 70 000 exemplaires pour Kid contre 90 000 pour Game Over.
Ce qui me sidère, c’est que l’éditeur fait des best-sellers sans nouveau gags, et que le public achète sans râler. Je les laisse faire – et j’essaie de faire une belle couverture.
J’ai besoin d’une seconde chute pour être satisfait d’un gag.
Pourquoi cette passion pour le gore ?
Kid Paddle et Game over ne sont pas si gore que ça car ce n’est pas repoussant. Il faurait que je demande à un psychologue ce que traduit cet attrait (rires). Surement une attirance de l’interdit.
J’ ai vu beaucoup de films d’horreur. Aujourd’hui j’en regarde beaucoup moins parce que Alien était un peu mon graal.
Maintenant on sent bien qu’il y a beaucoup de nanars, des films qui vont dans la provocation.
Ils font du gore en espérant que les gens détournent les yeux. J’ai beaucoup aimé Project Blair Witch qui n’est pas dans la facilité de situation.
Vous arrivez à continuer de faire rire malgré le nombre d’albums.
Qu’est ce qui est important dans la mixologie du gag ?
Dupuis
Le rythme, la chute et la double chute sont mes principaux points d’attention aujourd’hui. Bien souvent, j’ai besoin d’une seconde chute pour être satisfait d’un gag. Dans le 17e opus, il y a un gag où un prof enseigne le latin à des enfants, cela ennuie Kid qui demande pourquoi et le prof dit que c’est une incantation de démon.
Au final, Kid est en train de rêver. Des gags comme de ce type, j’en ai des centaines – ça n’est pas plus consistant que ce que j’ai déjà fait. Ça ne m’intéresse pas outre mesure.
Quelques semaines plus tard, je relis le gag et je vois la déclinaison latine et en passant devant un Domino’s pizza. Je me dis que si Horace dit ça alors le gag fait mouche. C’est la bêtise prononcée par Horace qui génère cette seconde petite chute qui apporte toute la saveur au gag.
J’attends encore qu’une ligue féministe se lève contre Game over, à cause du traitement réservé à la princesse.
Quand on me demande ce qu’est un bon scénario, je réponds que c’est un scénario qui me fait rire.
Mais cela ne veut rien dire. Il faut vraiment qu’il y ait une petite subtilité pour me faire rire.
En général les scénaristes ne sont pas fâchés quand je dis non.
L’idée de faire appel à d’autres personnes pour les pitchs des scénarios est de pouvoir continuer le plus longtemps possible sans diminuer la qualité. C’est pour ça que je fais appel à beaucoup de personnes pour me renouveler.
Seul, on finit inéluctablement par se répéter. On a toujours le même schéma mental. Ce que l’on appelle le style n’est peut être qu’une longue répétition.
Je n’ai pas beaucoup d’égo pour la partie scénario, donc si ce n’est pas moi qui ait trouvé le gag mais qu’il est bien je suis vraiment content qu’il soit publié.
Ce qui m’a donné raison, c’est un bonus sur la série Friends. C’est l’un des plus beaux travail d’équipe que je n’ai jamais vu.
On voit une répétition avec le texte et les acteurs autour d’une table, chacun propose des corrections. Puis quand ils font la scène, ils peuvent encore se réunir avec les scénaristes en disant: « Ce mot-là ne passe pas, qu’est-ce qu’on peut dire ? » Jusqu’à la dernière minute, ils essaient de bonifier l’épisode. Ce qui est exemplaire, c’est que personne ne s’attribue l’idée.
C’est une signature générale.
La princesse est vraiment maudite. Pourquoi un tel acharnement ?
Dupuis
Au départ, c’était uniquement le petit barbare, l’avatar de Kid, qui perd le jeu vidéo et en prend pour son grade.
J’avais simplement besoin d’un moteur supplémentaire de gag. C’est purement mécanique, il n’y avait pas de volonté de martyriser la princesse.
J’attends encore aujourd’hui, et je trouve que ça tarde, qu’il y ait une ligue féministe qui se lève contre Game over, à cause du traitement réservé à la princesse.
Je pense que ça va venir. J’ai eu des levées de bouclier sur quelques gags de Kid autour de la maladie de Parkinson. J’ai un peu provoqué les problèmes avec une page de Kid avec des noirs.
Le gag était autour de la question, pourquoi est-ce que les champions de sprint sont noirs ? Et j’ai répondu avec absurdité : parce qu’ils viennent d’Afrique où on mange du Manioc qui provoque des gaz et c’est un moyen de propulsion supplémentaire. Je l’avais mis sur Twitter en sachant que cela allait réagir. Ça a provoqué un débat qui a fait un buzz.
Est-ce que vous avez songé à tenter l’aventure du Webtoon avec vos licences ou bien sans la mise en scène que permet le format BD les gags ne marcheraient pas aussi bien ?
On m’a proposé, il y a une vingtaine d’années, chez Dupuis de céder les droits pour du webcomic et ils se sont complètement vautrés. Ils ont investi des pour créer du contenu web de Kid Paddle, de Game over, et cela n’a absolument rien donné, c’était déjà du webtoon. Aujourd’hui on n’arrête pas de reparler de webtoon.
Il y a plein de gens qui me disent que je dois absolument m’attaquer aux webtoons – mais moi je n’ai encore absolument rien vu qui provoque un déclic. Si c’est pour se lancer encore dans un truc où le maître mot est production, alors cela implique un travail de contenu énorme et ça je ne ferai plus. Par contre, ils vont évidemment me demander d’adapter les gags qui seraient techniquement transposables de Game over au format webtoon.
Vous avez fait des sculptures sur différents matériaux, des grands formats avec des coquilles d’œufs. Est-ce le matériau qui vous inspire ou l’inverse ?
J’ai toujours l’idée avant de choisir le support. J’aurais pu mettre des coques de cacahuètes ou des coquilles de noix, mais j’avais envie de quelque chose de plus organique.
Dans la continuité de ce que dégage un blork. Et ça me permet de légitimiser l’existence de blork, que de le présenter sous forme de fossile. Quand un enfant voit ça, je lui dis que ça vient d’Arizona et que c’est une vraie plaque de schiste, extrêmement rare.
Les enfants sont pétrifiés.
J’ai mis mes blork dans un décor 16e siècle, moderne, hyper design et ça passait à chaque fois. Ces personnages ont un côté purement décoratif que j’aime beaucoup.
C’est une variation sur un des personnages. Le plus emblématique, c’est Kid, mais le blork est celui qui a le plus de souplesse au niveau graphique. Je le trouve plus riche d’un point de vue artistique.
Il peut être grand, petit, poilu, même s’il y a quelques marqueurs comme ses yeux globuleux et sa mâchoire typique.
Financièrement ce serait un bon deal mais éthiquement je ne pourrais pas
Quel est votre prochain défi artistique ?
Des planches avec de la peinture phosphorescente. Cela pourrait faire l’objet d’une exposition.
J’ai plusieurs idées sympas, il faut toujours que l’œuvre provoque un petit sourire, que ce soit quelque chose que Kid aimerait aussi. Ce côté chouette du gamin. Je ne pense pas que je pourrai jouer le jeu de l’art contemporain à un point où je ferai cinq traits de cinq marqueurs de blork en 30 minutes.
Financièrement ce serait un bon deal mais éthiquement je ne pourrais pas, il faut qu’il y ait plus que ça. Il y aussi la sculpture.
J’ai aussi le projet de réaliser une blorkette en métal.
Je lui ai ajouté des cils, des ongles et un nœud papillon. J’ai réalisé la modélisation en 3D et on a testé une projection du rendu veec de la peinture de carrosserie de voiture. On n’a pas encore fait le test, mais c’est la peinture utilisée pour les carrosseries d’auto-tamponneuses.
J’ai montré le concept à des collectionneurs qui ont réagi avec enthousiasme.
Il y a aussi une sculpture de Kid en train de couper un blork en deux avec un sabre. Il arrive au bout du mouvement, le blork est coupé en deux mais on voit encore sa colonne.
Tout est attaché et toute la pièce ne tient qu’avec le disque de slime et on aurait un trompe-l’œil intéressant. J’ai aussi un blork qui a une position de sage, en pleine méditation qui lévite par magnétisme. C’est une autre idée qui est compliquée à mettre en œuvre car se pose la question de comment ? Un jouet ? Mais cela va coûter cher, trop pour des enfants.
Plus on creuse et plus on trouve des idées.
Dupuis
Une attraction Kid Paddle est annoncée en 2022 au parc Spirou. Que ressentez-vous ?
Avec les équipes de Dupuis on essaye d’être dans une relation de partenaires, de faire une équipe.
Et le lien le plus fort pour moi en ce moment, c’est le parc Spirou. C’est assez bizarre, je n’aurais jamais cru autant m’y attacher ni investir. Au départ, quand j’ai vu les premières ébauches, j’étais convaincu du non-fondé du parc Spirou.
Mais le résultat est top. L’année prochaine, le plus grand manège du parc Spirou sera Kid Paddle. Donc, on travaille dessus même si je ne peux pas dire que le parc génère la manne financière espérée.
Je ne touche pas grand-chose sur mes produits, mais il y a un affect énorme. Avoir un manège, un parc d’attractions, c’est formidable. Je suis sûr qu’un enfant qui va venir dans ce parc d’attraction s’en souviendra toute sa vie.
Le 17e album s’appelle Tattoo compris. Est-ce que vous avez vu beaucoup de tatouages Kid Paddle?
Dupuis
alors ils se font tatouer. Presque tous les jours, je reçois un message d’un lecteur ou lectrice qui s’est fait tatouer un blork.
Un lecteur s’est fait tatouer toute une couverture. Les jeunes de 25 ans ont un rapport différent avec la culture et ce qu’ils ont aimé. Ils vont plus loin.
J’ai des tatoueurs qui m’ont contacté pour savoir s’ils pouvaient mettre un de mes dessins dans les machines où tu mets une pièce et où c’est aléatoire. Il y a des gars qui vont chez le tatoueur, ils mettent une thune dans le machin et peu importe ce que le dessin sera ils le font tatouer. J’adore les tatouages, je n’en ai pas parce que cela fait 20 ans que j’hésite, je ne sais pas lequel faire.
Je l’aurais fait si j’étais sûr que les codes-barres existeront encore dans 30 ans. Comme Kid Paddle a vraiment changé ma vie, ce serait d’avoir le code-barres du premier album. Mais si on passe au QR Code, j’aurai l’air de quoi avec un code-barres ? D’un vieux….
Il y a des gens qui ont été marqués par les personnages. J’ai une fan qui a 21 ans, qui est née avec Max, était amoureuse de Max et est comme Max, gothique.
Kid Paddle, tome 17, Tattoo compris, édition Dupuis, 10,95€.
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