CRITIQUE – Au Théâtre du Rond-Point, ce spectacle, conçu comme une conférence, nous dit tout ou presque sur cet animal qui n’a pas que des amis.
Avertissement : cela n’est pas une pièce sur ou avec Pierre Arditi. Il s’agit plus sobrement d’une conférence théâtralisée et sacrément poilante sur le lapin, sa vie son œuvre. Avec cette conférence, Frédéric Ferrer (auteur, metteur en scène et géographe) poursuit – après À la recherche des canards perdus, Les Vikings et les Satellites, Les Déterritorialisations du vecteur, Pôle Nord, Wow !, De la morue – son Atlas de l’anthropocène, c’est-à-dire sa série de Cartographie et c’est une entreprise bougrement passionnante. Tout, tout, tout ou presque, vous saurez tout, et ce jusqu’à l’absurde, sur Oryctolagus cuniculus, appelé vulgairement lapin.
Sur la scène, deux écrans, deux pupitres, deux ordinateurs et deux conférenciers : Frédéric Ferrer en personne et l’impayable pince-sans-rire Hélène Schwartz. À eux deux, ils forment une sacrée paire. Alors, telle l’Alice d’Alice au pays des merveilles, laissez-vous glisser sans résistance dans le terrier de la redoutable et mystérieuse bestiole qui, a-t-on appris, n’aime pas du tout les carottes et préfère les choux.
Frédéric Ferrer commence ainsi son topo : « Comme chacun sait le lapin pose problème. Pourquoi ? Parce qu’il n’est jamais là où on l’attend et il est souvent là où on ne l’attend pas. il est incontrôlable depuis que les hominidés y sont confrontés. » Il nous échappe. Il déborde les cases dans lesquelles on veut le faire entrer.
Un coup de reins hors du commun
Plus encore, le lapin – qui est apparu il y a plus de 6 millions d’années dans le sud de l’Espagne – divise les sociétés. Est-il bon ? méchant ? utile ? nuisible ? Il est tout ça à la fois, et le duo ne ménage pas ses efforts pour nous le démontrer. Il y a un petit côté « Questions pour un champion » dans cette performance. Deux minutes pour répondre à trente questions parfois incongrues en une heure. Le duo parle vite, très vite. Son temps de parole lui est compté.
Les questions défilent : « La différence entre un lièvre et un lapin ? » Le lièvre (animal solitaire) court à 80 km/h quand le lapin (animal grégaire) plafonne à 40. « C’est toujours plus rapide qu’Usain Bolt aux 100 m ! Alors, soyons modestes, SVP », dit notre géographe rigolo, qui ajoute que le lièvre ne creuse pas, contrairement à son faux frère, roi du terrier. « Pourquoi le lapin a-t-il des grandes oreilles ? », « Pourquoi est-il banni sur les bateaux ? », « Pourquoi est-il présent sur tous les continents et même aux îles Kerguelen ? », « Pourquoi remue-t-il toujours son nez ? »« Pourquoi sa queue est-elle blanche ? », etc. Où l’on aura appris que ce fornicateur a un coup de reins hors du commun.
En 2,6 secondes (le temps record de l’accouplement), il envoie 13,5 coups de bassins, vidéo à l’appui. Un athlète ! Quant à sa prolifération, elle est tout simplement dantesque. À la fin du spectacle, une avalanche de petits lapins en peluche tombe des cintres sur la scène. Bref, si vous voulez tout connaître ou presque sur le lapin fouisseur, courez au Théâtre du Rond-Point. Désopoilant !
Le Problème lapin, au Théâtre du Rond-Point (Paris 8e), jusqu’au 27 janvier. Tél. : 01 44 95 98 21. www.theatredurondpoint.fr