27 ans.
Comme d’ailleurs pour les 150 « fresqueurs » partis ces derniers jours pour la COP26, qui débute dans la métropole écossaise dimanche 31 octobre. Tous ont reçu le même mail de l’association La Fresque du climat avec un tableau comparatif des différents modes de transport. Persuasif.
Mais de toute façon, Léna est déjà convaincue : « Je ne prends plus l’avion depuis plusieurs années. J’y serais bien allée à vélo, mais je me suis cassé la jambe avant l’été, c’est compliqué ». Mieux vaut garder son énergie pour les 12 jours de conférences car avec les 260 ateliers planifiés par l’association, il y aura fort à faire, d’autant qu’elle va endosser un rôle de coach et de coordinatrice auprès des autres bénévoles.
Avec plus de 50 Fresques du Climat à son actif, la jeune ingénieure fait partie des « anciens » de l’association créée fin 2018 par Cédric Ringenbach.
Entre 500 et 1.000 fresqueurs professionnels
« Je venais de faire un burn-out mais il laisse aussi beaucoup de place à l’humain et aux émotions »
Le moment « Eurêka »
Beatrice Ringenbach« Tout a pris sens, confirme Harald Lhomme, en évoquant sa première fois, en mai 2020. Ça faisait deux ans que je m’intéressais à la question climat mais ces trois heures d’atelier en ligne, confinement oblige, m’ont permis de faire la synthèse et de comprendre les liens entre tous les enjeux. » Ce jeune consultant en logistique, comme Léna, suit dans la foulée la formation (trois heures à nouveau) pour devenir animateur de la Fresque.
Et rejoint la tribu des 10.000 animateurs de la Fresque. Il en anime beaucoup…
1.500 euros la Fresque à Paris en moyenne
Au-delà, il faut ajouter d’autres animateurs, et donc la facture grimpe, surtout si on peut ajouter d’autres prestations (cadrage, supports dédiés, débriefing…).
La Fresque est généralement un « cheval de Troie » pour mettre un pied chez le client et vendre ensuite d’autres prestations, que ce soit de la formation, des conférences ou un bilan carbone, comme c’est le cas pour Harald. « En plus d’éveiller les consciences, cela soude les équipes, et offre un avantage concurrentiel par rapport à d’autres employeurs ou d’autres écoles qui ne le proposent pas », fait valoir le jeune ingénieur.« Certains membres de l’association gagnent en partie leur vie en proposant d’animer des fresques dans les entreprises et cela ne nous pose pas de problème, bien au contraire », peut-on lire sur le site.
Pourvu qu’ils respectent la licence (en creative commons) qui les oblige à reverser 10 % du montant facturé à l’association et 20 % si l’association est apporteuse d’affaires.« Le volume de demande entrante est exponentiel, nous ne sommes pas en mesure de répondre favorablement à toutes les demandes, explique Livio Lumbroso. Tant mieux si cela peut aider certains à en vivre.
La Fresque leur permet souvent d’amorcer leur propre transition professionnelle, en étant plus aligné avec leurs valeurs », assume totalement le DG de l’association.
Une armée de bénévoles, plus ou moins gradés
aucune remontée des organisations signalant des problèmes ou des abus n’est à recenser, nous assure-t-on.
L’association est très structurée et met en contact les entreprises avec les animateurs qui ont le plus haut niveau de compétences. Et si une entreprise l’interroge sur un consultant qui propose une prestation de la Fresque, elle lui donnera son pedigree en toute transparence (le nombre d’ateliers animés, et s’il a été évalué par ses pairs, à partir du niveau ceinture orange sur le tableau ci-dessous).Sur les 10.
000 bénévoles, il y a 200 animateurs formateurs avec une ceinture verte et une trentaine d’instructeurs, avec une ceinture bleue. Pour décrocher une ceinture orange, il faut avoir été coopté et observé par deux ceintures vertes.La Fresque du Climat« Si les fresqueurs peuvent valoriser leur expérience, c’est tant mieux.
Mais je ne connais personne qui arrive à vivre entièrement de cette unique activité, même si pour certains c’est une part importante de leurs revenus », constate Livio Lumbroso.
Une « communauté de bisounours »
Elle est instructrice, ceinture bleue, le plus haut grade de l’association.« Au-delà du fait que c’est très enrichissant car on rencontre des gens différents, le bénévolat nous rend visible », explique cette diplômée de Rennes Business School, installée à Paris. Le couple arrive à vivre correctement parce qu’ils donnent aussi des cours, elle à Audencia, lui à HEC, mais surtout parce qu’ils dépensent peu.
« On n’a rien acheté de neuf depuis quatre ans. Nous avons divisé le loyer par deux en se mettant en colocation, où l’on mutualise les coûts tous ensemble. Ce qu’il nous reste, ce sont des sorties culturelles et des voyages en train », témoigne la fresqueuse.
Un « catalyseur de changement de vie »
Anastasia a fait ses comptes, elle accuse une perte de revenus nette de 20 % seulement par rapport à sa vie d’avant, lorsqu’elle était chargée des études stratégiques chez le Bon Coin. « Une boîte super, engagée, dans laquelle j’ai moi-même contribué à faire bouger les choses en interne en tant qu’élue CSE, et en créant un groupe de 150 salariés engagés dans la transformation. Mais cela ne me suffisait plus », raconte Anastasia, qui s’est intensivement autoformée pendant deux années, le soir, le week-end alors qu’elle était encore salariée.
Elle saute le pas de la création d’entreprise, peu après le confinement, à la faveur d’une période de chômage partiel. « Une libération ». Pour elle aussi, la Fresque a été un « catalyseur de changement de vie ».
Une vie frugale peut-être. Mais épanouissante.« Nous sommes une communauté de bisounours, on se connaît, on s’entraide, témoigne Léna, la Rouennaise.
Souvent, au début, on a du mal à se faire payer. Il faut du temps pour déconstruire cette idée que, non, ce n’est pas parce que c’est d’utilité publique, que ça ne devrait rien coûter. Je ne suis pas une experte du climat, mais je suis une experte de ce jeu, et j’apporte mes compétences, et mon temps ».
Du temps, ces jeunes fresqueurs, ont souvent l’impression d’en manquer. Plus que d’argent. Tous vivent dans cette urgence.
Et Livio de résumer : « Il y a huit milliards de personnes à sensibiliser, et il faut le faire le plus vite possible ».
À noter
les 165.
000 salariés de l’entreprise… avec leurs propres animateurs que l’association aura formés.« L’objectif est d’autonomiser le plus possible les organisations pour que ce soit le moins cher et le plus rapide pour elles en termes de déploiement », explique Livio Lumbroso, DG de l’association.