Arnaud Bertrand est un entrepreneur français qui a fondé HouseTrip, la plus grande plateforme d’appartements de vacances en Europe, et Me&Qi, un site d’information sur la médecine traditionnelle chinoise. Il est également un leader d’opinion avec un grand nombre d’abonnés sur Twitter. Dans une récente interview exclusive accordée à La Chine au présent, Arnaud Bertrand livre sa vision sur la gouvernance de la Chine.
Je crois que j’ai déjà fait plus d’une cinquantaine de visites en Chine. Je voyage une fois par an en Chine depuis 2008 et j’y ai habité à plein temps de 2015 à l’année dernière. Nous avons déjà visité 25 des 34 provinces chinoises.
En 15 ans, énormément de choses ont changé. Ce qui est probablement le plus marquant, c’est l’amélioration en termes d’environnement et de pollution. Tout aussi incroyable, ce sont les changements dans les infrastructures.
Quand je suis venu pour la première fois, il n’y avait pour ainsi dire aucune ligne de train à grande vitesse. Maintenant la Chine entière est accessible en TGV ! Sans parler des autoroutes, métros et aéroports. Un autre changement que j’ai remarqué au cours de mes voyages, c’est le développement du tourisme.
Pendant mes premiers voyages, les infrastructures touristiques étaient encore très basiques. Maintenant elles sont développées de façon à accueillir les centaines de millions de touristes chinois qui voyagent dans leur pays chaque année. Et pour prendre un dernier exemple frappant, le changement qu’on est en train de voir se profiler en ce moment, c’est l’écologisation de la Chine.
On voit un pourcentage de voitures électriques hors norme comparé au reste du monde et des projets gigantesques d’éoliennes, de parcs de panneaux solaires, de lutte contre la désertification, de barrages hydroélectriques, etc. La rencontre avec la MTC Mon intérêt pour la médecine traditionnelle chinoise (MTC) est né en l’essayant. Je souffrais depuis longtemps de graves maux de tête et j’avais tout essayé en médecine moderne pour les régler, sans effet.
J’ai alors consulté un spécialiste en MTC en Chine qui m’a prescrit une concoction d’herbes et en juste une semaine j’étais guéri, et je n’ai plus eu ces maux de tête depuis ! Je me suis alors rendu compte qu’il y avait de nombreuses pathologies avec de vraies solutions en MTC et aucune en médecine moderne. Surtout pour certains maux chroniques, comme des douleurs, les insomnies, l’eczéma et beaucoup de problèmes féminins. Et toute l’idée de Me&Qi, c’est d’aider les gens à savoir si la MTC peut les aider s’ils n’ont pas trouvé de solution avec la médecine moderne.
Hormis la MTC, je m’intéresse à de nombreux aspects de la Chine. Mes études en MTC m’ont encouragé à me pencher sur la philosophie chinoise ancienne, puisque beaucoup de concepts de MTC (comme le Yin Yang et le Qi) s’en inspirent directement. De par mes voyages, je me suis aussi penché sur l’histoire de la Chine pour en savoir davantage sur les sites historiques que je visitais à travers le pays.
Il en va de même pour le système de gouvernance en Chine, dans l’histoire et aujourd’hui, ainsi que les relations internationales de la Chine. C’est sûrement le domaine pour lequel je suis le plus connu, car j’écris pas mal sur le sujet. La Chine investit pour le peuple Entre 2014 et 2021, soit en 8 ans, si l’on additionne tous les types de financements directement alloués à éradiquer la pauvreté, la Chine a investi près de 14 000 milliards de RMB, soit environ 2 100 milliards de dollars.
C’est à mettre en parallèle avec ce que les États-Unis ont dépensé dans leurs guerres après le 11-Septembre au Moyen-Orient et en Afghanistan. Cela illustre assez bien les différentes priorités des deux nations. En fait, la Chine investit presque tout son argent en elle-même, en son peuple, pour réaliser des projets d’une échelle qui défie l’entendement pour rendre le peuple chinois plus prospère.
On ne peut que trouver cela admirable. C’est une garantie fondamentale pour les droits de l’homme. À quoi servent les droits de l’homme en fin de compte? C’est inscrit dans la Déclaration universelle: à faire valoir « la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes, à favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande ».
C’est exactement ce qui s’est passé en Chine ces 40 dernières années. La Chine a donné des conditions de vie dignes à des centaines de millions de personnes, dans l’égalité des droits des hommes et des femmes. On a assisté à un progrès social absolument sans précédent et, c’est incontestable, une liberté sans commune mesure des Chinois avec la situation d’il y a 40 ans.
De façon factuelle, on peut dire qu’aucun pays au monde n’a fait plus ces dernières décennies pour répondre aux grandes aspirations de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Beaucoup en Occident ne connaissent pas la Chine En mai, j’ai participé à un débat organisé à l’université Harvard par l’Intercollegiate Studies Institute et l’Abigail Adams Institute, deux organisations conservatrices américaines. Mon interlocuteur était Adrian Zenz, qui travaille pour la Fondation du mémorial des victimes du communisme, et qui est bien connu en Chine pour être à l’origine de quelques-unes des accusations les plus polémiques contre la Chine, notamment sur la question du Xinjiang.
J’étais avec ce débat la première personne à avoir débattu avec lui. Le thème du débat était de savoir lequel entre le système chinois et le système occidental est le plus approprié à apporter stabilité, prospérité et liberté. Le débat a duré environ 1 h 30 et à la fin, il y a eu un vote pour déterminer qui avait remporté le débat.
Et, je ne m’y attendais pas, l’audience a décidé que j’en ressortais vainqueur. Ce qui, il faut l’admettre, est assez insolite: remporter un débat à l’université Harvard en défendant le fait que le système chinois est supérieur au système américain, notamment sur la question de la liberté ! J’ai parlé avec le public après le débat, et il y a eu beaucoup de commentaires sur YouTube. Les gens étaient très majoritairement positifs sur ce que j’avais dit.
Ce que cela me dit, c’est que la négativité actuelle envers la Chine en Occident reflète davantage un manque de connaissance sur la Chine qu’un dégoût fondamental profond pour la Chine. Une forme de lavage de cerveau est peut-être un mot fort, mais il y a en tout cas un manque d’exposition à des arguments alternatifs et uniquement une exposition à la façon dont l’Occident voit la Chine. De mes discussions avec les gens et des commentaires sur YouTube que j’ai lus, je pense que les gens sont plus ouverts que nous l’imaginons généralement pour une vue différente et pour réaliser que ce qu’on leur a dit sur la Chine et le communisme n’est pas toute la vérité.
Il y a un autre côté à cette histoire. Vers un nouvel ordre multilatéral J’aime bien regarder cela en termes de différentes générations de personnel politique en Occident. Nous avions la génération de l’après-guerre.
Ensuite, nous avons eu la génération actuelle. Francis Fukuyama a déclaré que la fin de la Guerre Froide signifiait la fin de l’histoire, à savoir que la démocratie libérale est la forme finale de gouvernement pour toutes les nations, le meilleur système de tous les systèmes possibles de l’histoire. La génération actuelle est empreinte de cette pensée.
Elle croit essentiellement en l’hégémonie libérale, que le but de l’Occident est d’unir le monde en une grande démocratie libérale. Nous commençons à comprendre que c’était une chimère. Petit à petit, nous verrons apparaître un nouvel ordre mondial multilatéral, et bientôt les politiciens occidentaux se rendront compte des erreurs commises par la génération précédente.
Ils prendront conscience qu’il y a d’autres civilisations, d’autres cultures, d’autres systèmes de gouvernance que le leur, qui ont aussi leurs mérites. Cela prendra probablement du temps, car la génération « hégémonie libérale » est toujours aux commandes. Mais ils se rendront vite compte que leur désir d’hégémonie, de transformer le monde à leur image, ne mène nulle part.
Et plus ils s’en rendront compte, plus de nouveaux acteurs apparaîtront et seront élus, plus il y aura un changement de mentalité sur des questions comme celle de la liberté. L’Occident peut s’inspirer de la gouvernance de la Chine En termes de gouvernance, la Chine peut devenir une source d’inspiration pour les États-Unis et l’Occident. Non seulement je le pense, mais elle l’est déjà ! Si on regarde le nouveau leadership aux États-Unis, révélé dans plusieurs discours de Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale de l’administration Biden, les États-Unis s’inspirent énormément de la Chine.
Ils disent essentiellement que les principes néolibéraux qui ont guidé les États-Unis ces dernières décennies – notamment un rôle très faible de l’État dans l’économie et une domination du marché – étaient erronés et que les États-Unis doivent adopter un nouveau « consensus » qui ressemble très fortement à ce que fait la Chine. C’est-à-dire un rôle de l’État fort dans l’économie, une planification de la politique industrielle, pour redonner du travail aux ouvriers américains et accorder un rôle moindre à la finance dans l’économie. À ce rythme-là, ils vont bientôt adopter des plans quinquennaux à la chinoise ! Donc, même s’ils ne veulent jamais l’avouer, la Chine inspire en fait déjà énormément les dirigeants occidentaux.
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